Résumés
Résumé
L’auteure questionne la façon dont les femmes de la Guadeloupe s’engagent dans des mobilisations féminines en se définissant ou non comme féministes et en revendiquant ou en dénonçant les injonctions culturelles à se conformer au modèle traditionnel de l’identité féminine noire : le potomitan, personnage maternel sacralisé dans sa résistance, sa combativité et ses sacrifices. Revenant sur les engagements politiques et associatifs de femmes de plus de 50 ans, et déconstruisant l’archétype du potomitan qui délégitime souvent le recours au féminisme, l’auteure interroge les raisons pour lesquelles le féminisme européen et ses principes peuvent être perçus comme contraires aux besoins des femmes guadeloupéennes, dans cette société postcoloniale.
Mots-clés :
- Antilles françaises (Guadeloupe),
- mobilisations féminines,
- antiféminisme,
- culturalisme,
- féminisme postcolonial
Abstract
The author looks at the way in which women in Guadeloupe engage in female mobilizations by defining themselves as feminists or not, and by claiming or denouncing cultural injunctions to conform to the traditional model of black female identity: the potomitan, a sacred ideal of motherhood, resistance, fighting spirit and sacrifices. By returning to the political and associative commitments of women over 50, and by deconstructing the archetype of the potomitan which often delegitimizes recourse to feminism, the author questions the reasons why European feminism and its principles can be perceived as contrary to the needs of Guadeloupean women, in this postcolonial society.
Resumen
Este artículo examina el modo en que las mujeres de Guadalupe se involucran en las movilizaciones femeninas, definiéndose como feministas o no, y reivindicando o denunciando los mandatos culturales para ajustarse al modelo tradicional de identidad femenina negra : el potomitan. A través de una mirada a los compromisos políticos y asociativos de las mujeres mayores de 50 años, y de la deconstrucción del arquetipo del potomitan, que a menudo deslegitima el recurso al feminismo, el artículo cuestiona las razones por las que el feminismo europeo y sus principios pueden ser percibidos como contrarios a las necesidades de las mujeres guadalupeñas en esta sociedad poscolonial.
Corps de l’article
À ma grand-mère guadeloupéenne,
Mme Julienna dite Georgette Jeanne (1924-2021)
Peut-on, et comment, être guadeloupéenne et féministe? Cette question provocatrice est née du constat d’un antiféminisme ordinaire en Guadeloupe, présent dans différents débats et dans les relations sociales quotidiennes. Les féministes y sont fustigées tour à tour tels des « ayatollahs » et des « mal élevées », qui voudraient « écarter les hommes », dans une « guerre des sexes » inconcevable, émanant de France pour des « femmes vulnérables et soumises », alors qu’une minorité en appelle à des principes matriarcaux aux origines prétendument africaines ou guadeloupéennes[1]. Le féminisme serait incompatible avec « l’identité » de « la femme guadeloupéenne respectable », digne héritière de la Mulâtresse Solitude, personnage légendaire qui aurait combattu enceinte contre le rétablissement de l’esclavage par les troupes napoléoniennes en 1802. Malgré une histoire ancienne de luttes guadeloupéennes pour la cause des femmes (Palmiste 2008; Béréni 2012), la méfiance envers le féminisme reste vive. Parler de domination masculine, de patriarcat et de revendications féministes ne trouvait pas forcément d’écho dans cette société souvent présentée comme « matriarcale », et où les mobilisations concernaient plus la défense de particularités culturelles, sociales et politiques que les inégalités de genre et de race, avant qu’une jeune génération ne tente de renouveler le débat (Valton 2021).
Mon propos est donc de comprendre les cadres et les références politiques et culturels défendus par les Guadeloupéennes de plus de 50 ans, militantes ou non, et leur rapport aux mouvements féministes, entendus comme l’ensemble des luttes des femmes pour leurs droits à l’égalité, leur émancipation de la domination masculine et la remise en question du patriarcat. Je cherche à saisir ce qui les empêche d’adhérer pleinement au terme « féminisme » et à sa philosophie. Je fais l’hypothèse que les ancrages identitaires, qu’ils soient politiques ou culturalistes, déterminent leurs stratégies prioritaires d’affirmation et de mobilisation en tant que femmes, bien plus que la défense affichée de leur couleur ou identité noires (Gordien 2015; Brohan 2019). Après avoir précisé la complexité du contexte guadeloupéen, je présenterai les motifs d’engagement des militantes de l’Union des femmes guadeloupéennes (UFG), pour mieux saisir les liens et les rivalités entre féminisme et communisme. Puis, j’analyserai comment l’archétype culturel du potomitan, glorifiant et naturalisant la solidité des Guadeloupéennes, continue d’être nodal – modèle ou repoussoir – dans le discours des femmes. Mon objectif est donc in fine de montrer que la figure archétypale, ambivalente et très paradoxale de cette « mère courage » a fini par délégitimer le mouvement féministe[2], au profit d’une vision communiste qui privilégie la lutte des classes, d’une vision nationaliste qui revendique des spécificités culturelles afro-descendantes, ou d’une vision réconciliatrice qui refuse la lutte des sexes.
Mon propos est nourri de nombreuses recherches anthropologiques menées en Guadeloupe, depuis 1991, sur les relations familiales, le genre, la santé, les violences faites aux femmes et aux enfants, d’une part, et d’entretiens récents avec des femmes vivant en Guadeloupe, d’autre part. Me serviront aussi ici douze entretiens d’une durée variable (de 1 h à 2 h 30), réalisés avec des femmes de 50 à 100 ans, militantes engagées ou non, toutes étant afro-descendantes, sauf deux femmes blanches originaires de l’Hexagone (vivant en Guadeloupe depuis plus de 30 ans), selon les grilles phénotypiques utilisées localement. Elles ont été interrogées entre 2017 et 2021, dans des entretiens semi-directifs ou non directifs, et au cours du partage d’activités et d’observations, lors de mobilisations féminines et d’interventions publiques, y compris les miennes[3].
Un contexte patriarcal et matrifocal complexe
Selon plusieurs recherches (Brohan 2019; Mulot 2013), la société guadeloupéenne présente un paradoxe apparent : alors que les institutions politiques, éducatives, religieuses se sont mises en place durant la période coloniale selon un principe patriarcal, articulant le Code noir colonial et le Code civil napoléonien, privant durablement les femmes de droits fondamentaux, les relations familiales se sont développées en favorisant une organisation matrifocale, que certaines personnes nomment trop facilement un « matriarcat ». Contrairement aux analyses qui réduisent presque la matrifocalité antillaise à la monoparentalité (Lefaucheur 2018), je constate depuis longtemps, avec Jacques André (1987), qu’elle caractérise une organisation où l’autorité et la responsabilité maternelles sont centrales dans les décisions liées à la maison et à la famille, que le père soit présent, absent ou périphérique, et qui maintient les fils dans une relation de soumission durable à leur mère, et rend secondaire la relation au père. Cela s’articule à des rapports sociaux de sexe tendus et même violents, marqués par un viriarcat fondé sur l’exacerbation et le respect d’une virilité ostentatoire – quoique dépendant de sa validation par les femmes/mères – qui encourage un pluripartenariat hétérosexuel masculin, hors des principes religieux de la fidélité (Bougerol 2002; Mulot 2009). Toute cette situation constitue le terreau de fortes violences de genre, qui auraient pu justifier une mobilisation féministe ferme[4].
Certaines recherches ont permis de constater que l’histoire de l’esclavage et particulièrement le Code noir, qui refusait aux personnes esclavisées la reconnaissance paternelle des enfants et laissaient aux mères la responsabilité familiale, ont formaté l’image d’hommes valorisés dans leur puissance sexuelle et physique, mais castrés symboliquement, et de femmes virilisées dans leur robustesse et leur capacité de résistance, mais violentées physiquement (Mulot 2000; Dorlin et Paris 2006; Guillemaut 2013). Bien que cela n’ait pas empêché la formation de familles sur les plantations et après l’abolition de 1848 (Boutin 2009; Gautier 2010), la convocation contemporaine de cette histoire en fait la matrice explicative privative de la paternité antillaise et constitutive de l’autorité et de la responsabilité maternelles. Pères castrés et mères virilisées caractériseraient ce patriarcat fissuré par une matrifocalité qui a perduré indépendamment de la structure familiale (Mulot 2013). Les variables socioéconomiques, l’influence de la norme religieuse de respectabilité et l’attachement à l’autonomie ont différencié les familles où la conjugalité a pu se construire dans un projet familial (et professionnel), de celles où les unions libres ont favorisé la pluriparentalité (Cottias 2002). La matrifocalité alliant des femmes potomitan et des pères incertains aurait ainsi peut-être constitué une niche de résistance au patriarcat colonial.
Alors que les politiques publiques contemporaines diffusent progressivement les acquis du féminisme français en matière d’égalité dans la famille, l’éducation, la sexualité et l’emploi (Gautier 1994; Brohan 2019), la vie familiale et sociale reste marquée, dans ce département français d’Amérique, par la figure des femmes potomitan, pivots centraux des familles, détentrices d’autorité, assumant seules le travail domestique, et sommées de tenir (kenbé) devant l’inconstance de leurs partenaires, comme leur père et leurs frères, mais aussi de soutenir la société dans son ensemble, en faisant preuve de résistance à toute forme de domination (coloniale, politique, culturelle, etc.). Fondations indispensables de l’édifice familial et social, ces potomitan sont donc censés accepter l’adversité et s’accommoder de l’inconstance des hommes, pour maintenir un équilibre qui aurait, dit-on, fait la force des familles et de la société d’antan et qui, selon certains discours sociologiques nostalgiques et culturalistes, serait menacé par l’assimilation, l’acculturation ou le féminisme européens blancs, qui inciteraient les femmes à l’intolérance et à l’individualisme[5].
Même si certaines jeunes femmes critiquent l’« arnaque[6] » que constitue ce potomitan, quitte à démissionner publiquement de ce rôle[7] pour refuser l’inégalité sexuelle de la répartition des charges domestiques et professionnelles, et si d’autres jeunes femmes, ayant été formées en France ou à l’étranger, ont profité du mouvement Metoo pour développer des mouvements féministes inédits[8], force est de constater que les Guadeloupéennes plus âgées ont eu beaucoup de mal à se revendiquer comme féministes. Les militantes guadeloupéennes des xixe et xxe siècles étaient très peu connues, tout comme les « féminismes noirs », qu’ils viennent de la Coordination des femmes noires de 1978, dans laquelle était pourtant engagée la Guadeloupéenne Gerty Dambury (Gallot, Bentouhami-Molino et Coppett 2021), de la Caraïbe et de l’University of the West Indies (Reddock 2020), des États-Unis (Davis 2020; Crenshaw 1989), ou même des recherches fondatrices sur la condition féminine aux Antilles (Alibar et Lembeye-Boy 1979 et 1980). Contrairement à la Martinique, où le travail des militantes féministes est diffusé par les associations (Union des femmes de la Martinique et Culture égalité, notamment) et où les études sur le genre se sont développées à l’Université depuis une vingtaine d’années, la Guadeloupe accuse un retard dans le domaine qui ne permet pas encore une telle reconnaissance publique. La lutte spécifiquement féministe semble même diluée dans une vision communiste de la complémentarité des sexes dans le combat contre toutes les inégalités ou dans une vision culturaliste mettant en avant le potomitan comme symbole des spécificités guadeloupéennes créoles et afro-descendantes que l’occidentalisation menacerait (Gordien 2015).
La cause communiste des femmes
En Guadeloupe, les militantes les plus âgées ont vécu leur militantisme sous la bannière du Parti communiste, engagées aux côtés de leurs maris, eux-mêmes dignitaires du Parti.
Un engagement pour autonomiser le pays, libérer le peuple, émanciper les femmes et les hommes
Alors que les sociétés de femmes étaient déjà actives et influentes dès la fin du xixe siècle et la première moitié du xxe siècle (Palmiste 2009), Gerty Archimède (1909-1980), première avocate nommée au Barreau de la Guadeloupe en 1939, crée la Fédération guadeloupéenne de l’Union des femmes françaises, affiliée au Parti communiste français, en 1948. Dix ans plus tard, en 1958, l’Union des femmes guadeloupéennes (UFG) se proclame autonome, avec à sa tête Huguette Daninthe (1922-), assistante sociale de formation, qui regroupe des femmes communistes militantes, comme George Tarer (1921-), sage-femme noire, fille d’une féministe, ou Mona Cadoce, enseignante mulâtresse, fille d’ouvrière rurale. Soutenues par leurs maris, toutes auront plus tard une carrière politique personnelle. Elles s’engagent alors pour permettre aux Guadeloupéennes de s’émanciper de leurs pères, maris et frères, par le travail, afin de devenir des citoyennes majeures, dans une Guadeloupe autonome libérée du colonialisme et du capitalisme.
Selon Mona Cadoce et George Tarer, l’objectif de l’UFG était de lutter pour les femmes, sans précisions de couleur ni de race, avec dignité, solidarité et respectabilité, ainsi que pour le développement social et culturel, le droit et la politique dans une Guadeloupe autonome capable de prendre sa destinée en mains. L’affiliation au Parti communiste et les échanges avec les sections d’autres pays, et plus tard la rencontre avec Angéla Davis en Guadeloupe en 1969, nourrissaient une vision marxiste des rapports sociaux qui impliquait de lutter pour une meilleure répartition des ressources et l’accès pour toutes et tous à l’éducation, en promouvant la lutte des classes, au détriment de la lutte des sexes, perçus comme complémentaires dans la division du travail professionnel et du travail domestique.
L’émancipation des femmes était corrélée avec l’autonomisation et la libération de la Guadeloupe par rapport à la France hexagonale assimilationniste. Huguette Daninthe déclare en 1958, au ive Congrès de la Fédération démocratique des femmes, à Vienne (Autriche), que « l’UFG estime qu’un changement dans le statut juridique orienté vers une autonomie, avec une assemblée locale, formée de dirigeants guadeloupéens qui prendraient en main la destinée de notre pays, est la condition primordiale pour permettre à la femme Guadeloupéenne de remplir son rôle de mère, de travailleuse[9] ».
Selon Mona Cadoce, grâce à l’expérience de Gerty Archimède à l’UFG,
il y a eu l’émergence d’une Guadeloupéanité : les femmes de Guadeloupe, bien avant d’autres, ont réalisé qu’il y a un combat commun pour une société meilleure, un combat commun pour la paix, et que ça intéressait tout le monde, mais que nous avions en Guadeloupe des problèmes spécifiques que les autres ne pouvaient pas résoudre à notre place, qu’elles pouvaient nous aider, mais que ce n’était pas aux autres de le faire pour nous, et qu’elles n’étaient pas mieux placées que nous pour le faire. Ce que, aujourd’hui, on n’a pas encore compris[10].
L’opposition entre « nous, femmes de Guadeloupe » et « les autres, femmes françaises », ici saillante, exprime le combat syndical anticolonialiste, mais surtout la défense de particularités culturelles et sociales, qui remet en question l’universalisme prolétaire (Brohan 2019) : toutes les femmes prolétaires ne subissent pas que des dominations de classe. Le souci autonomiste prioritaire de rassembler la population guadeloupéenne dans un projet qui ne soit pas la copie du modèle français, qui s’oppose à la dépendance coloniale et qui aboutisse à l’auto-administration, d’une part, et qui prône l’inclusion des femmes en tant qu’actrices responsables de cette nouvelle guadeloupéanité, aux côtés et au même titre que les hommes, d’autre part, explique en partie la méfiance envers tout principe politique colonialiste susceptible de dominer et de diviser le peuple guadeloupéen, et d’opposer les hommes et les femmes. Selon Mona Cadoce, la lutte sociale anticapitaliste et la lutte politique anticoloniale devaient être le terreau dans lequel faire germer la lutte citoyenne pour les droits des femmes et ceux des hommes.
Toujours d’après Mona Cadoce, Gerty Archimède avait aussi mesuré combien les femmes, en tant que propriétés des hommes (père ou mari), restaient des citoyennes mineures, majoritairement analphabètes. Il fallait opérer un changement global pour la libération de la femme, tant sociale et professionnelle que politique. Instruire les femmes, développer la Guadeloupe post-esclavagiste, proposer un rassemblement de gauche, se mobiliser pour obtenir la sécurité sociale pour toutes les femmes, notamment celles qui n’étaient pas mariées ou qui étaient agricultrices, inciter chacune à prendre une part active au développement de la Guadeloupe, encore fortement rurale, pour lutter contre l’ensemble des inégalités, apparaissait comme la solution pour préserver les femmes de l’exploitation capitaliste qui les attendait sans exception, faute de qualification. La cause communiste l’emportait sur la cause féministe[11] :
Gerty voulait s’attaquer à la situation du pays, et cela passait forcément par l’éducation populaire : apprendre à lire, écrire, compter, dépenser, mais aussi à connaître ses droits, même ceux des enfants adultérins, des femmes seules, les droits des femmes pour avoir un chéquier, travailler… Il a fallu se battre! Alors quand on parle aujourd’hui de Gerty féministe, il faut ajouter communiste!
Une vie communiste ou féministe?
Ni dans le propos de Mona Cadoce, ni dans la brochure du 60e anniversaire de l’UFG[12], le terme « féminisme » n’est employé spontanément : lui est préféré celui de « militante », héritage des oppositions françaises anciennes du communisme prolétaire au féminisme, perçu comme forcément bourgeois (Sowerwine 1978; Brohan 2019). Malgré tous les combats menés pour les femmes et la Guadeloupe, Mona Cadoce associe le féminisme à une forme de sexisme ou de misandrie, critique usuelle partout faite au féminisme[13] :
Je fais la différence entre le féminisme et le sexisme. Il y a un féminisme qui a eu son mérite et fait avancer certaines questions. Mais Gerty avait réussi à faire acquitter un homme qui avait tué sa belle-mère, car elle conseillait à sa fille de le quitter. Elle avait compris qu’il fallait lutter pour la société, pas contre les hommes. Moi, en tant que femme communiste, je dis que ce ne sont pas les hommes, en tant que tels, en tant que personnes du sexe masculin, qui sont responsables de la situation difficile que vivent les femmes […] Les inégalités, c’est d’abord dans la société que ça existe. Les femmes sont les opprimées de l’opprimé. Les hommes aussi vivent dans une société où il y a beaucoup d’inégalités. Je ne plaide pas pour les décharger de tout, c’est pas ce que je dis, mais je dis que le combat fondamental, c’est le changement de la société. Si on a une société où justement y’a plus d’égalité, plus d’humanité, les femmes seront moins affectées, les femmes seront mieux considérées, il y aura plus d’harmonie. C’est ce qui me sépare justement des gens qui font du sexisme! Comme si c’était un combat, une course contre les hommes! Naturellement les hommes, il faut les recadrer, il faut faire ce qu’il faut, il faut se défendre, pas se laisser faire! Mais le but de la manoeuvre, c’est qu’on soit tous ensemble pour changer la société et faire mieux. C’est pourquoi je dis que je ne m’associe pas à tout ce qui est féminisme. Il y a du bon et du moins bon.
Cette minimisation de la violence masculine du féminicide, face au poids de l’autorité maternelle, découle donc d’une hiérarchisation et d’une valorisation différentielle des causes de mobilisations, que décrit aussi Soizic Brohan : la lutte des classes, communiste et anticoloniale, prime sur la lutte féministe. Elle est perçue comme une guerre des sexes fratricide, à l’opposé de l’émancipation du peuple qui avait pour objectif de consolider l’appartenance sociale commune, en dénonçant un même ennemi : la domination et les inégalités coloniales, assimilationnistes et capitalistes. Aux prises avec des systèmes d’oppression pluriels et concurrentiels créant des situations intersectionnelles, ces militantes ne font pas du genre la domination fondamentale, mais peuvent préférer les mobilisations « identitaires valorisées par les mouvements sociaux dont elles font partie » (Brohan 2019 : 436).
Sous le féminisme guadeloupéen, le potomitan
La critique ou la défense de l’identité de potomitan semblent avoir divisé les militantes selon leurs convictions.
Communiste, féministe mais pas potomitan?
C’est par la dénonciation du potomitan que George Tarer, première sage-femme diplômée de l’île, ayant travaillé à partir de 1944 dans les faubourgs insalubres et miséreux de Pointe-à-Pitre, s’autorise à dénoncer une domination masculine. À l’aube de sa centième année, elle évoque son engagement dans ce qui fut l’un des combats majeurs du féminisme, la lutte contre l’exploitation du corps des femmes, qu’elle resitue dans l’histoire et les séquelles de l’esclavage et de la plantation, comme l’ont fait des associations de femmes du début de xxe siècle (Palmiste 2008). George Tarer en parle en ces termes[14] :
Nous avons longtemps été esclaves de l’homme. L’esclavage, c’était davantage pour les femmes parce qu’elles étaient esclaves de l’esclave, colonisées du colonisé […] Lorsque j’étais adjointe à la mairie, quand elles se mariaient, on leur disait qu’il fallait suivre leur mari et être la fille obéissante […] Autrefois, j’ai connu ça, il y avait des femmes qui ne s’asseyaient pas à table avec leur mari, elles étaient debout pour sèvi misyé là (« servir l’homme de la maison »), elles étaient derrière la chaise du monsieur. Les hommes ne mangeaient pas les têtes de poissons, sinon c’étaient des mako (« couillons »). Il y avait un proverbe sur ça… C’est les femmes qui devaient manger les têtes […] C’était une éducation qu’on avait reçue. La maman, la femme qui supportait, apprenait à sa fille à supporter. Moi, ma mère était une femme libérée, très tôt elle m’a appris à ne pas dépendre des gens. Elle m’a appelée George [en référence à George Sand]. Ça compte aussi. Elle m’a appris à être autonome. Parce que, une femme qui travaillait, autrefois, l’argent qu’elle recevait, c’était pour le monsieur, c’est lui qui dirigeait tout, c’est lui qui gérait[15]. L’homme gérait mais, en réalité, c’est la femme qui était le potomitan, c’est elle qui faisait tout ce qu’il y avait à faire dans la maison […] J’avais remarqué que chaque homme d’État qui passait en Guadeloupe [disait toujours] : « Mesdames, vous êtes des potomitan ». Je me suis battue contre ça. Mais quand vous êtes potomitan, est-ce que vous êtes fières? Le potomitan, c’est le poteau qui supporte toute la maison, qui supporte tout. C’est le socle de la maison. Mais est-ce que vous êtes fières d’être des esclaves? Est-ce que c’est glorieux d’être des esclaves?
La référence de George Tarer au potomitan en fait un personnage négatif, rivant les femmes aux chaînes de la domesticité sous cloche, voire d’une servitude où certains hommes aimeraient les maintenir. Son discours féministe oscille entre deux pôles opposés qui définiraient les bornes de la féminité dans cette société post-esclavagiste : soumission/insoumission, dépendance/autonomie, potomitan/libérée, esclave/maîtresse. Cette dualité se manifeste dans la difficulté qu’éprouve George Tarer à comprendre certaines femmes contemporaines, qui s’éloigneraient trop des codes de la féminité respectable et contrôlée[16] :
La femme guadeloupéenne a hérité de l’esclavage, de la soumission. Elles étaient soumises dans une société post-esclavagiste. Elles étaient de grosses travailleuses, mais même quand elles travaillaient, elles étaient soumises […] Les hommes n’avaient pas l’habitude d’être gentils avec leurs femmes. Un homme qui était gentil, on disait qu’il était tébè, parce que c’est sa femme qui commandait : misyè tèbè, fanm ay ka mennèy (« ce type est un imbécile, il se laisse mener par sa femme ») […] Ça a changé. Elles ont profité depuis ça pour prendre une sorte de revanche sur leur sort. Aujourd’hui, elles se sont libérées, parfois trop libérées… […] Mais certaines sont passées d’esclaves à maîtresses… C’est elles qui gèrent [plusieurs hommes] maintenant… Je ne suis pas d’accord. Tu ne peux pas avoir plusieurs relations que tu gères en même temps.
Après avoir été élevée par une mère féministe, avoir agi durant toute sa vie pour l’émancipation des femmes, avoir appris aux femmes pauvres à s’exprimer librement, George Tarer ne reste pas moins convaincue qu’il faut garder des cadres de moralité et de respectabilité féminines, surtout concernant la sexualité, quand bien même elles ont été bâties dans la colonialité et l’assimilation. Ary Gordien (2015 : 512) souligne aussi combien les jeunes Guadeloupéennes sont critiquées de ne pas vouloir endosser le même rôle que leurs aînées, précisément parce qu’elles veulent « jouir sans entrave » de leur corps et de leur vie.
À l’inverse, Mona Cadoce défend les potomitan, pièces essentielles de l’équilibre familial et sociétal, selon elle, grâce à leur triple verticalité domestique, professionnelle et citoyenne[17] :
C’étaient pas des boniches! C’était pas faire le ménage et rien d’autre. C’étaient des femmes qui étaient debout, qui travaillaient et qui avaient compris qu’il fallait tenir sa maison et faire des études et s’engager pour le pays! Elles défendaient des valeurs, et elles ne se donnaient pas en spectacle! Même les femmes qui se partageaient un homme, elles le savaient, mais elles ne faisaient jamais de scandale! Elles avaient une tenue!
Savoir faire front pour gérer les conflits dignement, avec respectabilité, tenue, engagement, verticalité et discrétion était le pilier de cette injonction culturelle de genre, coloniale et assimilationniste, qui permet finalement de maintenir ensemble le viriarcat, la matrifocalité et le culte du potomitan.
Un archétype paradoxal, ambivalent et clivant
Le terme potomitan revêt plusieurs significations qui dépendent notamment du milieu social et de l’âge des femmes concernées. D’une part, il représente un modèle d’autorité, de résistance, d’indépendance, de solidité et de ruse quotidiennes devant différents types de domination (esclavagiste, coloniale, culturelle) et qui s’impose dans les rapports sociaux de sexe : l’icône. D’autre part, il incarne l’idéal vertueux de respectabilité et de droiture maternelles, qui modèle un dévouement censé se transmettre à chaque génération : le totem. Enfin, le potomitan peut masquer une dimension sacrificielle, celle d’une vie de femme éprouvée par les hommes, éventuellement soumise et sacralisée dans sa souffrance, du fait d’un altruisme impressionnant. Il est tantôt adoré, car il est irréprochable (le tabou), tantôt dénoncé, car il enferme (l’épouvantail), mais toujours refoulé, car il impose une redevabilité imprescriptible : la dette. Ces dimensions construisent le paradoxe d’un idéal de résistance et d’autorité, contrôlant les relations familiales, mais dans une autonomie sous contrôle normatif, paradoxe décrit depuis longtemps en Guadeloupe (Gracchus 1980; André 1987; Mulot 2000) et, plus récemment, en Haïti (Lamour 2017; Alexis, Côté et Lamour 2018) de même qu’en Martinique (Lefaucheur 2018).
Aujourd’hui décrié, le potomitan rebute les femmes qui refusent de troquer leur carrière et leur liberté contre l’enfermement domestique, les abus masculins (dont le pluripartenariat et la violence) et les rivalités féminines. Il inquiète aussi ceux des hommes qui le perçoivent comme une « femme à graines » (couillue), dominatrice, autoritaire, virilisée, voire phallique, devant qui ils ne peuvent que s’incliner, sous peine d’humiliation ou de castration. Figure clivante, le potomitan oppose celles qui admirent son autorité et sa verticalité, celles qui s’en inspirent en espérant fièrement hériter de ses subtiles capacités de négociation et celles qui condamnent l’« arnaque[18] » d’un mythe qui encourage les femmes à s’enfermer dans leur case.
Une spécificité culturelle féministe et antiféministe?
Les origines du potomitan sont multiples, inscrites dans l’histoire des femmes réduites en esclavage, mais aussi dans les discours assimilationnistes du xxe siècle qui demandaient aux Guadeloupéennes d’être de « bonnes mères françaises » et de « bonnes épouses », ainsi que des actrices engagées contre l’immoralité, la paresse, la cupidité, le pluripartenariat, l’illégitimité des unions et des naissances, la misère, la précarité, l’insalubrité[19]. Cette matrice coloniale, française et chrétienne, a aussi été transmise par l’éducation morale des écoles et des églises (Brohan 2019).
Pourtant, le potomitan est aujourd’hui présenté dans les manifestations culturelles comme le symbole de l’opposition historique et naturelle des femmes (marronnes) à l’esclavage et à la colonisation, incarné par la Mulâtresse Solitude, poteau central qui cache la forêt des véritables luttes féminines (photo 1). Des mouvements nationalistes et indépendantistes (comme autrefois l’Association générale des étudiants guadeloupéens (AGEG) ou l’Union populaire pour la libération de la Guadeloupe (UPLG)) dont les rares leaders féminines avaient milité contre l’exploitation domestique des femmes durant la période 1960-1980 (Gordien 2015), utilisent aujourd’hui sa légende pour construire une spécificité culturelle, en naturalisant les capacités de résistance corporelle des Guadeloupéennes et de toute une société supposément désaliénée et libérée, dont elle serait la mère fondatrice. D’autres potomitan ont rejoint ce panthéon populaire de la résistance féminine guadeloupéenne, comme Gerty Archimède, Dany Bébel-Gisler ou Athénaïse Ludovique Bach Dino, dite « Man Soso » (1918-2017), actrice du gwo ka (musique et danse traditionnelles associées au marronnage culturel), connue comme une femme autoritaire et sachant se défendre face aux hommes (photo 2). Le président du Conseil régional, Ary Chalus, a fait son éloge funèbre en rappelant qu’elle était une « fanm potomitan, fanm doubout [“ femme potomitan, femme debout ”], femme engagée, femme respectée et appréciée de tous [ayant] marqué l’histoire et la culture de son île […] [E]lle mit au monde un tambouyé [« tambourier »] exceptionnel du nom de Guy Conquet[20] ».
Les femmes politiques qui furent des pionnières dans leur engagement politique sont aussi considérées aujourd’hui comme des potomitan et des fanm doubout pour avoir bravé un monde très masculin et réussi à s’imposer par différents moyens. Lucette Michaux-Chevry, qui fut ministre de l’Outre-Mer, sénatrice, maire de Basse-Terre et présidente du Conseil régional, cumulait aussi les caractéristiques de la chabine (Mulot 2008), de la mère autoritaire, voire tyrannique, et de la « femme à graines », et représente un potomitan tout à fait particulier qui associe les tropes de la respectabilité, de la maternité et de la virilité (photo 3).
Dépasser le potomitan avec la Rose Cayenne
Christiane Gaspard-Méride (1940-), militante clé de la cause des femmes guadeloupéennes, s’est engagée avec sa bonne volonté et sa charité pour développer plusieurs structures, afin de soutenir les femmes, notamment celles qui sont victimes de violence. Elle refuse de se définir comme féministe, insiste pour dire que « nous avons un gros problème entre femmes en Guadeloupe : nous ne sommes pas solidaires », mais s’est néanmoins fortement investie dans la création de la Fédération féminine d’organisation et de revalorisation culturelle, économique et sociale (FORCES) en 2000, qui a réuni 21 associations culturelles et sociales destinées aux femmes (et aux hommes), à la demande d’Hélène Marie-Angélique, déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité (service déconcentré de l’État). L’objectif était « [d’oeuvrer pour] le positionnement de la femme dans la société guadeloupéenne, […] l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, […] dénoncer toute forme de violences envers les femmes – mais également les hommes et les enfants – et […] marier les cultures du bassin caribéen dans un souci de développement personnel et territorial » (FORCES 2012).
FORCES dénonce la figure du potomitan, « qui renvoie au statut de la femme dévouée à sa famille et faisant passer ses aspirations au second plan, [et qui] est en contradiction avec l’émancipation que les femmes ont connue à travers le droit de vote, l’accès aux études, à la contraception » (FORCES 2012). En outre, dans une approche psychosociologique héritée des travaux du Centre antillais de recherches et d’études (CARE) et d’Albert Flagie[21], le potomitan est présenté par FORCES comme responsable de la marginalisation des hommes : « pilier central de la maison, (qui) exclut l’homme du foyer », et est donc remplacé par une « nouvelle symbolique de la femme qu’est la Rose Cayenne (photo 4), qui s’ouvre sur l’extérieur, tout en permettant à l’homme d’occuper pleinement son espace, chacun se regardant d’égal à égal » (France-Antilles Guadeloupe 2015).
L’objectif de FORCES est d’entériner le « désir de reconnaissance de la femme en tant que personne à part entière » (FORCES 2012) et d’agir au niveau social, culturel et économique. Pourtant, loin du potentiel subversif des principes d’égalité, de liberté et de féminisme, les valeurs prônées renforcent les traditionnelles normes de féminité, et ce, en les faisant sortir de la domesticité pour les ancrer dans la culture et la vie publique : respectabilité, complémentarité, solidarité, multiracialité, engagement, créativité, communication, responsabilité.
L’objectif de FORCES est aussi de proposer des formations souvent inédites, des colloques, des ouvrages, des débats publics sur la sexualité, l’éducation à la santé, les violences familiales, la parentalité, la famille, la culture, pour trouver des solutions aux problèmes qu’éprouvent les familles guadeloupéennes, notamment la monoparentalité et la délinquance, imputées à la perte de repères familiaux. Y interviennent souvent des hommes (sexologues québécois ou sociologues, psychologues et psychanalystes guadeloupéens) qui, très loin des formations aux outils du féminisme proposées en Martinique par le Collectif Culture Égalité, interrogent d’abord les spécificités culturelles et historiques guadeloupéennes pour trouver des réponses appropriées aux problématiques locales liées à la matrifocalité.
Les femmes de Guadeloupe ont-elles besoin du féminisme?
Au vu de ces différentes situations, il convient de se demander si les femmes de Guadeloupe estiment avoir besoin du féminisme. Alors que 70 % des répondantes à un « podcast féministe décolonial » disaient « ne pas se sentir concernées par le féminisme » en 2019[22], il semble que la réponse soit dépendante du milieu social, des expériences de vie et du degré d’autonomie, mais aussi de l’ancrage identitaire et culturel dans lequel les femmes ont construit leur féminité.
L’inutilité et la dangerosité des revendications féministes?
Si certaines femmes de Guadeloupe concèdent que le pluripartenariat masculin crée des rapports de pouvoir violents entre hommes et femmes, la dénonciation de la domination masculine et du patriarcat, qui constitue le coeur des revendications féministes en Europe, peut leur paraître inappropriée quand elles se revendiquent comme des vaillants potomitan, dans une société qu’elles estiment matriarcale et qui leur conférerait une position dominante par rapport aux hommes. Les ressources sociales et intellectuelles expliquent grandement ce type de propos. Thérèse, 67 ans, mulâtresse guadeloupéenne, et Jocelyne, 65 ans, « métro » vivant depuis 30 ans en Guadeloupe, toutes deux retraitées et anciennes cadres supérieures affirment ceci[23] :
Le positionnement des femmes ici est très différent par rapport à la métropole. Si tu considères le féminisme comme une revendication, alors elles n’ont pas besoin de revendiquer ni d’en faire trop. La femme ici a déjà une telle place, elles sont convaincues qu’elles sont supérieures aux hommes et plus fortes qu’eux. Elles regardent les hommes faire leurs affaires, mais elles savent bien que c’est du cinéma, elles savent qu’elles sont le potomitan, que ce sont elles qui détiennent les clés, celles par qui de toute façon l’homme va passer sur l’oreiller, pour accéder à tout, sans pouvoir se passer d’elles. C’est elles qui décident de la façon de gérer la vie. Il y a cette conviction profonde ici, les femmes savent qu’il y a un jeu de rôles. Elles laissent faire les hommes, mais elles savent que c’est elles qui dominent. Elles sont dominantes. Elles ont le rôle central de potomitan : c’est elles qui décident, qui élèvent les enfants, qui font le lien avec les aînés, la descendance, l’extérieur, elles prennent toutes les décisions pour la maison.
À cette emphase du pouvoir matrifocal, Jocelyne ajoute[24] :
Les féministes en France le présentent comme étant le sale boulot, qu’elles assument et qui n’est pas reconnu ni fait par les hommes. Alors que la femme en Guadeloupe, elle ne voit pas cela comme un sale travail, c’est un vrai travail, ce n’est pas une corvée, c’est un vrai pouvoir que les femmes ont sur la famille et sur les hommes. J’ai quelquefois du mal à comprendre les attitudes des féministes en France qui dénoncent ces situations comme des problèmes, alors que ce sont des situations de pouvoir et de vraies forces. La femme, en assumant toutes ces tâches, fait le vrai boulot et tient la relation à ses fils. C’est en travaillant et en faisant que tu t’imposes. Et c’est ça le problème. En France, les mouvements féministes sont des mouvements pour une quête de reconnaissance, alors qu’ici les femmes ont déjà ce pouvoir.
Et Thérèse de conclure sur la question du viriarcat[25] :
Les hommes faisaient les malins dehors, le timal (« le coq »), mais une fois qu’ils rentraient chez eux, ils n’en donnaient pas large. Dehors, il y avait de l’affichage, c’est moi le maître, mais c’était de l’affichage, les femmes les laissaient faire, mais elles savaient que ce n’était pas vrai… Le féminisme, c’est pas pour nous… On n’a pas besoin de se battre contre les hommes, c’est un jeu de faux-semblants, ils ne sont pas si forts que ça.
La confiance en la supériorité du potomitan et la fragilité masculine, d’une part, ainsi que la naturalisation et l’essentialisation des compétences féminines à la résistance et à la ruse léguées par l’esclavage, d’autre part, fonctionnent donc ici, pour ces femmes cultivées, comme une antithèse au combat féministe : le patriarcat aurait déjà été fissuré par l’histoire coloniale, esclavagiste et contemporaine (Mulot 2013). Elles craignent d’ailleurs davantage que le féminisme renforce l’éviction des hommes, et leur conflit avec les femmes, alors que le besoin de ces dernières serait au contraire de restaurer des conjugalités apaisées en intégrant les hommes, face à l’augmentation des séparations et des familles monoparentales.
En outre, cette construction identitaire repose aussi sur la revendication d’une insoumission innée des Guadeloupéennes. Isabelle, 57 ans, technicienne d’études cliniques, militante syndicale, précise : « Les femmes n’étaient pas soumises, ce n’est pas vrai. Moi, j’ai toujours vu mes grands-mères se faire respecter et ne dépendre de personne. Le potomitan devait pouvoir être toute seule sous son toit, et ne devoir rien à personne. Ma grand-mère m’a toujours appris[26] : prémyè mari aw, sé manda aw! [“ ton premier mari, c’est ton mandat ”, c’est-à-dire l’argent de ton salaire] ».
Christiane Gaspard-Méride argumente : « Les femmes se sont toujours défendues. Je me rappelle de cette femme qui avait versé de l’huile bouillante dans l’oreille de son mari qui la battait. Il était devenu sourd. Les femmes n’étaient pas soumises, elles ont toujours su se venger[27]! »
Léna Blou, 62 ans, anthropologue et chorégraphe promotrice internationale des techniques traditionnelles du Techni’Ka, utilise les critiques du féminisme noir pour faire une différence, pourtant erronée, entre les Guadeloupéennes et les Françaises, deux groupes qu’elle homogénéise en minimisant leurs diversités intrinsèques : « Tout au long de l’histoire de cette société, les femmes guadeloupéennes ont toujours travaillé, même au temps de l’esclavage, ce qui est complètement différent par rapport à la société européenne, notamment française. Cette histoire de soumission, je crois que c’est une gageure de notre part » (EWAG Live 2019). La croyance trompeuse en des capacités de travail et de résistance moindres des Françaises, implicitement perçues comme toutes blanches, entretenues par un mari et soumises, qui expliqueraient leur besoin d’un portage collectif féministe, voudrait en exempter les femmes guadeloupéennes, tacitement noires, travailleuses obligées et résistantes, valorisées dans leur agentivité. Dans cette perspective, le sujet politique féminin ne saurait être soumis, passif, vulnérable ni dépendant.
Contrairement au féminisme européen perçu comme favorisant un individualisme hédoniste (Gordien 2015), la posture essentialiste et culturaliste généralise la situation « des femmes guadeloupéennes » décrites par nos interlocutrices, qui se battent pour le collectif en tolérant les abus masculins, et elle relativise la souffrance individuelle des femmes devant les inégalités structurelles, le pluripartenariat, les discriminations et les violences multiples. En outre, ce discours ne laisse que peu de place à celles qui n’auraient pas les ressources sociales pour s’exprimer avec autant d’indépendance et d’autorité, ni pour faire face à la réalité de la domination masculine. De surcroît, il empêche les femmes violentées de se plaindre (sauf pour justifier la rhétorique matrifocale et disqualifier les hommes) et de porter plainte, car il les culpabilise de leur manque de solidité, de loyauté et d’adéquation à l’identité du potomitan. Ce faisant, un tel discours préserve paradoxalement le patriarcat et délégitime le recours au féminisme.
« Soutirer » les hommes, rivaliser avec les femmes
Le féminisme peut aussi être perçu comme contraire aux intérêts et aux stratégies de négociation, de contournement ou d’inversion des rapports de domination dont les Guadeloupéennes seraient friandes. Parmi les ruses féminines peut-être héritées de l’esclavage (Cottias 2001) ou de pratiques communes en Europe, tirer profit des hommes et leur « soutirer » quelque chose permettent habilement de positiver une situation conjugale conflictuelle à laquelle il ne faudrait pas complètement renoncer. Dans les échanges économico-sexuels et dans l’empirisme des contraintes socioéconomiques et raciales, jouir du statut de conjointe légitime et profiter des ressources économiques du partenaire peuvent aussi être considérés comme des stratégies de valorisation sociale, dans un contexte de grande concurrence féminine et de nombreuses détresses monoparentales. Le souci de garder le privilège d’une vie conjugale et de sauver le mariage (et ses avantages financiers ou sociaux), plutôt que le mari, peut supplanter le besoin de contrôler la sexualité et la fidélité du conjoint. Laisser celui-ci avoir une maîtresse, feindre de l’ignorer et rester la compagne légitime avec laquelle il assurera sa vie familiale, économique et sociale représentent parfois des solutions pour éviter la solitude et la stigmatisation, et laisser à la maîtresse la tristesse d’une vie clandestine et sans reconnaissance. De la même façon, profiter d’un amant et en faire un « sponsor » qui assume tous les besoins financiers du foyer monoparental, se révèlent plus rentables que d’exiger de lui une exclusivité sexuelle.
Ces ruses féminines excusent parfois le pluripartenariat et s’opposent à la solidarité entre femmes en renforçant leurs rivalités (Mulot 2018). Sorcellerie, makrélaj (« commérages »), moqueries, médisances, courriers ou appels anonymes (Bougerol 1997) nourrissent l’arsenal des violences que les femmes s’infligent pour maintenir leurs avantages auprès des hommes. Même dans la sphère professionnelle, les violences subies par les femmes sont commises pour plus de la moitié par d’autres femmes[28]. Alors que le féminisme repose sur la solidarité et la sororité intracommunautaires, facilitées par la déconstruction du patriarcat qui oppose les femmes pour les intérêts des hommes, la concurrence et le manque de confiance entre Guadeloupéennes empêchent l’adhésion à ce mouvement.
En outre, lorsqu’il est réduit à un combat contre les hommes, le féminisme leur semble impropre à résoudre la complexité des rapports sociaux de sexe. À l’inverse, certaines femmes tentent de trouver des modes de réparation de la masculinité et des rapports de genre, qu’elles estiment déjà largement abîmés par l’histoire de l’esclavage et de la colonisation. Elles rompent alors avec la complainte féminine usuelle, qui disqualifie les hommes (Mulot 2009), pour proposer un nouveau régime de genre, fondé sur l’écoute et la compréhension réciproques, le partage des rôles, l’unité, la paix. La dimension politique et systémique des inégalités et des violences dans ces rapports de genre n’est pas remise en question : seule l’origine esclavagiste et la culpabilité du colon qui aurait dévirilisé les hommes noirs prévalent éventuellement. Cependant, le souhait de voir advenir une société réconciliée assigne encore aux mères (exonérant les pères) la responsabilité d’éduquer leurs fils autrement, pour ne pas reproduire le machisme et le sexisme ambiants.
La réconciliation culturelle
FORCES a monté la structure Élaboration de la parentalité autour du libre engagement solidaire (EPAULES) pour participer au Conseil guadeloupéen de la parentalité et aborder les relations intrafamiliales, conjugales et parentales[29] avec de nouveaux outils. Christiane Gaspard-Méride dit avoir constaté qu’un contentieux historique et culturel continuait de « gangréner les relations entre hommes et femmes, et qu’il fallait en parler publiquement, ne plus être dans l’affrontement, mais dans la compréhension, voire l’amour[30] ». Dénommé le « petit cochon », ce contentieux est abordé dans des rencontres publiques qui permettent aux femmes et aux hommes de s’exprimer sur leurs ressentiments respectifs. Cette technique, baptisée le Fasadé© (« faire face à deux ») en 2017, est animée par un consultant qui s’autodéfinit comme anthropologue, Raymond Otto, qui amène les participantes et les participants à parler de leurs représentations, stéréotypes, craintes et projections réciproques. Par une sorte de conscientisation collective, les sources culturelles du contentieux émergent à travers les mots, en créole et en français. Les femmes y révèlent souvent leurs peurs de ne pas être soutenues par des hommes qui ne veulent pas s’engager et préfèrent rester dans le rôle de l’homme volage et absent. Quant aux hommes, ils soulignent leurs difficultés à assumer un rôle déjà occupé par les mères, et pour lequel ils se sentent disqualifiés, par des femmes dont ils déplorent qu’elles soient aujourd’hui devenues trop matérialistes. Déconstruire le malentendu préparerait l’apaisement et la réconciliation, en déterrant les colères héritées du passé.
Selon Christiane Gaspard-Méride, l’origine de ce malentendu serait à rechercher dans l’héritage de l’esclavage et la culture guadeloupéenne, qui auraient transformé les hommes en acteurs périphériques de la famille, écartés par la force centrifuge de la matrifocalité et des potomitan. Cet alibi historique et culturaliste repose sur l’hypothèse peu vérifiable ni probable d’une transmission à l’identique du legs esclavagiste par la culture, depuis plus de 170 ans. Toutefois, selon Raymond Otto, qui ne cache jamais sa critique du féminisme, les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens avaient déjà trouvé des modalités de résolution qui fonctionnaient très bien « avant le féminisme qui a tout bouleversé » et qui vient créer « des dissonances cognitives par une aliénation culturelle » (Otto 2018) : le partage des hommes par les femmes, la distribution des ressources masculines entre plusieurs foyers, l’éducation des femmes à l’indépendance pour pallier une éventuelle absence et l’injonction faite aux femmes de se défendre en cas d’abus exercés par les hommes. Articulant la thèse de la marginalisation masculine avec l’argument culturaliste de dispositions endogènes des Guadeloupéennes, Raymond Otto disqualifie le féminisme européen de façon cinglante (ibid.) : « Quand un peuple rencontre un autre peuple, il acquiert d’autres références, et nous oublions qui nous sommes. »
Un concept importé et imposé auquel il faudrait résister?
Alors même que le discours nationaliste identitaire souhaite valoriser les savoir-faire endogènes pour résister à la domination française (Mulot 2021), le féminisme est éventuellement accusé d’être une pensée française, implicitement blanche, aliénante, extérieure et « hors sol » qui ne serait pas ancrée dans l’écologie humaine créole. Se nommer féministe pourrait alors être considéré comme un manque de confiance dans les capacités guadeloupéennes intrinsèques à se défendre et comme une trahison à la cause nationaliste. Ce soupçon de manque de loyauté identitaire envers le modèle culturel local de la féminité entretient une relation d’altérité et d’imperméabilité avec ce mouvement.
La crainte récurrente de certaines femmes de se voir imposer des modes de mobilisation qui viendraient de France exprime l’impression d’un rapport de domination symbolique, culturelle et politique, dans la transmission de modèles légitimes de mobilisation féminine, ce que dénonce le féminisme décolonial (Vergès 2019). Or, comme s’en inquiétait Nathalie, 50 ans, enseignante féministe, héritière de féministes, la rhétorique actuelle de l’opposition pourrait même prétendre ce qui suit[31] : « Yo pé ké nomé sa nou ja ka fé. Nou pa bizwen mo là sa, nou ja sav sa nou ka fé. Nous savons déjà comment nous battre. Moun pé ké apwan nou ki jan pou réglé pwoblem an nou. Yo pé ké apwann’ nou atann’; nou ké fé biten an nou nou menm! » [« Ils ne vont pas nommer ce que nous faisons déjà. Nous n’avons pas besoin de ce mot. Nous savons déjà ce que nous faisons. Ils ne vont pas nous apprendre comment régler nos problèmes. Ils ne vont pas nous apprendre à attendre. On va faire nos affaires nous-mêmes »].
Derrière cette posture défensive et protectrice des savoirs locaux s’affirme la promotion d’un génie guadeloupéen et d’une connaissance empirique des réalités locales, inaccessibles aux gens venant de l’étranger. Le féminisme est alors perçu par certaines et certains de ses détracteurs comme un outil supplémentaire de domination et de hiérarchisation, voire d’imposition de formes coloniales de mobilisation, qui viendraient délégitimer les leurs. L’implicite racial est devenu plus central. La seule association ancienne déclarée ouvertement féministe, Initiative Eco, dirigée par une femme de l’Hexagone vivant en Guadeloupe depuis 30 ans, Martine Noël, a ainsi très souvent été mise à l’écart et rejetée par les associations concurrentes, malgré son succès auprès des femmes victimes de violences[32]. À l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre 2018, Hélène Migerel, psychanalyste invitée par FORCES, avait même déclaré que « les femmes de Guadeloupe n’ont pas besoin des lois françaises, car elles savent très bien comment se défendre elles-mêmes. Il suffit de leur rappeler ce qu’elles sont. Soyons fières de ce que nous sommes! » Niant la réalité du soutien indispensable que la loi française apporte aux victimes guadeloupéennes détruites par la violence, son discours identitaire et nationaliste fut néanmoins très applaudi, car il alimentait le mythe d’une identité féminine guadeloupéenne afro-descendante valeureuse et résistante.
Renonçant aux outils occidentaux de la mobilisation féministe, des femmes qui refusent le féminisme classique, Christiane Gaspard-Méride et Hélène Migerel notamment, proposent de recourir aux techniques culturelles endogènes : revenir aux traditions orales, transmises dans les espaces privés, voire intimes, auxquels les étrangers n’accèdent pas; se mobiliser dans des espaces de proximité plutôt que dans des manifestations de rue où les corps sont exhibés; compter sur l’aptitude à la ruse pour éviter la soumission; promouvoir la liberté individuelle et collective de pensée et d’agentivité contre des dogmes écrits et institutionnalisés; compter sur les supposées dispositions naturelles et culturelles des Guadeloupéennes plutôt que sur des lois jugées trop éloignées des particularités identitaires de leur territoire. Par conséquent, ces positions contribuent à désinstitutionnaliser le genre du cadre français et à développer une vision culturaliste, pour prétendre définir un modèle guadeloupéen de luttes féminines. En souhaitant couper l’amarre verticale politique et idéelle au modèle français, pour survaloriser des compétences culturelles endogènes, ne risquent-elles pas de dépolitiser complètement l’analyse des rapports sociaux de sexe en Guadeloupe?
Pour conclure, nous voudrions souligner que, dans cette histoire guadeloupéenne de la cause des femmes, un seul ouvrage scientifique s’est positionné comme étant ouvertement féministe : Sé koutel sel! Écrit par la Guadeloupéenne France Alibar et la Bretonne Pierrette Lembeye-Boy et paru en deux tomes (1979 et 1980), il soulignait la nécessité de ne pas se contenter de la surface, mais de préférer explorer le fond des expériences des femmes. Leurs constats de la condition féminine antillaise étaient cinglants : misère, analphabétisme, faible mobilité et, tout au long de la vie, expériences de violences de toute sorte, de négrophobie, de dominations raciale, sociale, économique et sexuelle cumulées. Les deux tomes révélaient au grand jour des drames habituellement masqués par l’image fantasmée des potomitan susceptibles de résister à tout.
Aujourd’hui, la convocation culturaliste de supposées particularités guadeloupéennes oblige les femmes à une identification et à une loyauté identitaire censées invalider le recours au féminisme. La référence au potomitan reste centrale, que ce soit pour justifier la nécessité de s’en libérer, mais pas trop, ou pour dénoncer l’inutilité du combat féministe. Toutefois, ce culturalisme évite de remettre en question les structures politiques internes qui produisent les inégalités et les violences dont les femmes sont victimes. Il semble que c’est à cette tâche que s’attellent des Guadeloupéennes plus jeunes et diplômées, dont une minorité se déclare féministe noire, adoptant une référence explicite au féminisme et à la couleur noire que les anciennes ne valorisaient pas. Il sera donc très intéressant d’observer l’évolution et l’acceptation sociale de ces nouvelles tendances ouvertement féministes qui rompent avec leurs aînées.
Parties annexes
Note biographique
Stéphanie Mulot est professeure de sociologie et d’anthropologie à l’Université Toulouse Jean Jaurès (membre du CERTOP) et réalise des recherches en Guadeloupe depuis 1991. Spécialiste de la famille, du genre, de la mémoire de l’esclavage et de la santé, elle a notamment réalisé des études sur les violences faites aux femmes et aux enfants, et sur les questions de coparentalité, de 2017 et 2021, puis sur la COVID-19 depuis 2021. Elle privilégie une approche féministe, intersectionnelle et postcoloniale au sein d’une anthropologie politique critique.
Notes
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[1]
Ces propos ont été entendus dans des conférences et des émissions de radio publiques diverses entre 2017 et 2021.
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[2]
Cette hypothèse a pu être confirmée dans d’autres régions, notamment en Bretagne (Guillou 2007).
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[3]
Je remercie toutes les personnes qui ont témoigné dans le cadre de ces entretiens, et particulièrement Ary Gordien pour son soutien renouvelé, ses conseils bienveillants et sa relecture attentive de cet article.
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[4]
L’enquête VIRAGE DOM (2019) montre la forte prévalence de violences en Guadeloupe : viragedom.site.ined.fr/fr/.
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[5]
C’est notamment l’idée que défend Raymond Otto (2018), qui se dit anthropologue, dans ses communications publiques. J’y reviendrai plus loin.
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[6]
« Le potomitan, c’est une arnaque », avait affirmé une jeune femme lors d’une de mes conférences sur le féminisme en Guadeloupe en 2018, terme qui faisait écho aussi au travail de Sabine Lamour (2017) sur les potomitan en Haïti.
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[7]
« Moi, femme antillaise, je démissionne de mon rôle de potomitan » : texte publié en 2012 par la blogueuse anonyme Tchipie et aujourd’hui effacé du Web. La fin du potomitan est également rapportée par Kanelle Valton (2021).
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[8]
Des collectifs sont ainsi nés à l’initiative de jeunes femmes formées au féminisme noir (Black Feminism), à l’afro-féminisme, au féminisme décolonial ou à l’écoféminisme (Fanm ka lévé, Fanm ka chayé kó, Koumbit Fanm Karayib, notamment). Ils sont évoqués par Kanelle Valton en 2021.
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[9]
Livret de l’Union des femmes guadeloupéennes, document privé.
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[10]
Entretien du 19 décembre 2019. L’italique dans la citation est de moi.
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[11]
Ibid.
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[12]
Voir le site Web suivant : ville-mornealeau.com/images/DOSSIERU.F.G.pdf.
-
[13]
Entretien du 19 décembre 2019.
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[14]
Entretien du 26 décembre 2019.
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[15]
Le verbe « gérer », hérité du terme colonial « géreur », renvoie à l’idée de pouvoir dominer et administrer des relations (des gérances), en mettant en concurrence et en assujettissant les personnes ainsi gérées.
-
[16]
Entretien du 26 décembre 2019.
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[17]
Entretien du 19 décembre 2019.
-
[18]
Ce terme a été entendu dans une conférence publique et est employé aussi par Sabine Lamour (2017).
-
[19]
Voir le discours du gouverneur Sorin, à l’occasion de la fête des Mères de 1942 (Mulot 2000 : 294).
-
[20]
Voir le site Web suivant : 100-pour-cent-antilles.com/a-la-rencontre-de-man-soso.
-
[21]
Le CARE a produit une revue éponyme rassemblant des travaux psychologiques et sociologiques. Albert Flagie, sociologue culturaliste, a formé des dizaines de travailleurs sociaux et de travailleuses sociales qui ont diffusé sa pensée. Il est présenté par Françoise Guillemaut dans son article sur les questions de genre en Guadeloupe (2013).
-
[22]
Voir le site Web suivant : podcast.ausha.co/fanm-ka-chaye-ko.
-
[23]
Entretien personnel du 12 juin 2018.
-
[24]
Ibid.
-
[25]
Ibid.
-
[26]
Entretien du 18 août 2020.
-
[27]
Entretien du 30 mai 2018. Yvonne Knibiehler (Dubesset et Thébaud 2005) a constaté les mêmes stratégies en France.
-
[28]
Les auteurs et autrices de ces violences professionnelles se répartissent ainsi : 47 % de femmes, 28 % d’hommes et 24 % de l’un et l’autre sexes (VIRAGE DOM 2019).
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[29]
Voir le site Web suivant : epaulesgpe.fr/.
-
[30]
Entretien du 30 mai 2018.
-
[31]
Entretien personnel, 20 avril 2021.
-
[32]
Guadav-France Victimes est une autre association récente (2008) dont la dirigeante guadeloupéenne, Sandra François, est aussi formée au féminisme, dans le cadre du partenariat avec la Fédération nationale d’aide aux victimes et de médiation.
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