Comptes rendus

Denise Couture, Spiritualités féministes : pour un temps de transformation des relations, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2021, 245 p.[Notice]

  • Johanne Jutras

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  • Johanne Jutras
    Université Laval

Dans son ouvrage intitulé Spiritualités féministes : pour un temps de transformation des relations, Denise Couture poursuit deux objectifs : combler l’absence d’une synthèse de la théologie féministe en contexte québécois de même qu’assembler les expériences personnelles et les postures théoriques de son parcours engagé et intellectuel de professeure, de chercheuse et de militante, notamment à L’autre Parole fondée en 1976. L’ouvrage recensé ici compte cinq chapitres où figurent 276 publications que l’auteure recommande d’utiliser « comme une bibliographie de théologie féministe québécoise » (p. 13). Le chapitre 1 façonne les postures personnelle, politique et théorique de l’auteure qui invite son lectorat à observer les croisements entre le féminisme et la spiritualité. D’abord, Denise Couture considère le féminisme comme une manière de vivre dans le monde, « de construire sa propre individualité, de s’engager à créer une justice relationnelle » (p. 16). Ensuite, elle adopte la théorie d’Elisabeth Schüssler Fiorenza, « selon laquelle le féminisme lutte non seulement contre le patriarcat, mais aussi contre ce qu’elle appelait la kyriarchie (de kyrios, qui signifie seigneur), un ensemble de dominations interreliées, comme le sexisme, le racisme, le classisme et autres » (p. 17). Puis l’auteure se positionne à l’égard de la spiritualité qui serait « la vie pleinement vécue, en lien avec l’énergie vitale, sans esquive, au sein de multiples relations » (p. 27). Enfin, Denise Couture se définit comme chrétienne (catholique) et interspirituelle pratiquant une théologie interdisciplinaire qui « met en oeuvre une méthode pratique qui analyse la vie spirituelle, créative et libératrice des personnes » (p. 28), et ce, dans une perspective de non-jugement des identités autoproclamées et de « non-supériorité entre athées, agnostiques, spirituelles ou religieuses » (p. 36). Au chapitre 2, Denise Couture aborde la mutation actuelle des relations qui se produisent « devant nous, en nous et par nous » pour créer la justice (p. 11). La théologienne situe le temps présent en reprenant deux images : « l’émergence des autres de l’Homme européen et l’entre-temps » (p. 46). La première illustre ces autres au nombre de trois : primo, les autres sexuelles, soit les femmes, les personnes non hétérosexuelles ou non binaires; secundo, les autres ethniques ou raciales, c’est-à-dire les personnes brunes, noires, autochtones ou celles qui habitent des régions éloignées de l’Europe ou de l’Amérique du Nord; tertio, les autres naturels ou de la technologie, tels que les animaux, l’environnement et la Terre. La seconde image forte « prend position pour la liberté et pour la libération de toutes et de tous » (p. 48). C’est d’abord l’entre-temps, soit un temps intermédiaire entre ce que l’on n’accepte plus et ce que l’on prépare pour vivre des « relations horizontales » entre les entités (p. 48). Ensuite l’auteure en appelle à la décolonisation des relations et à la connaissance des conditions de vie passées et actuelles de ces trois autres, notamment celles des Autochtones qui ont subi le christianisme colonisateur, afin de « maintenir des relations de respect réciproque et de reconnaissance mutuelle entre les peuples autochtones et non autochtones du Canada » (p. 68). Puis la théologienne évoque la posture antiraciste qui doit donner la parole à ces troisautres et apprendre à chaque personne à parler d’elle-même « sans avoir à passer par l’acte de définir l’autre » (p. 77). Elle prône une stratégie de résistance antiraciste qui « consiste à redonner une position locale à la blanchitude, à défaire l’idée de la pensée universelle des Blancs » (p. 78). Enfin, Denise Couture estime qu’il faut se défaire de l’idée de la nature comme décor …