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Le Dictionnaire des féministes. France xviiie-xxie siècle, édité par Christine Bard avec la collaboration de Sylvie Chaperon, constitue un outil de travail indispensable non seulement pour les chercheuses et les chercheurs sur les femmes et le féminisme, mais aussi pour toutes les personnes qui s’intéressent au domaine. Son format est inspiré du Dictionnaire biographique du monde ouvrier (communément appelé le « Maitron » du nom de son initiateur). Tout en ayant obtenu la collaboration de ce dernier pour bon nombre d’entrées, l’équipe du Dictionnaire des féministes reconnaît ne pas disposer des mêmes moyens d’investigation pour mener son projet à terme…
Se voulant principalement une source d’information, le Dictionnaire a aussi, comme le mentionne l’avant-propos, « une ambition mémorielle » (p. ix). Il cherche également à « distribuer une forme de reconnaissance » à des femmes et à des initiatives « qui en manque[nt] cruellement » (p. ix).
L’avant-propos de Christine Bard fait état de la naissance du projet qu’elle a lancé en 2007-2008 dans un contexte où la France accusait un retard dans le domaine des biographies féministes par rapport aux Britanniques, aux Américaines et même aux Européennes de l’Est. Elle mentionne les difficultés éprouvées, la question récurrente du financement, les formes de collaboration favorisées. Elle précise les intentions et les définitions adoptées. Qui peut-on qualifier de féministe? De la définition privilégiée découle évidemment le choix des personnes à retenir. Bard a ainsi adopté une « approche large (la contestation de l’inégalité entre les sexes), plurielle (les mouvements de femmes, les philosophies ou idéologies qui les nourrissent […]) et contextualisée » (p. xiii) parce qu’il n’y a pas de définition qui vaut pour tous les temps et tous les lieux. À partir de ces balises sont exclues la plupart des « femmes célèbres », la célébrité n’étant pas un gage d’engagement féministe. Sont toutefois inclus au Dictionnaire des hommes dont la contribution est reconnue.
Le Dictionnaire veut déborder les itinéraires personnels pour faire une large place aux débats internes au féminisme, aux mouvements de femmes (politiques, syndicaux, artistiques, associatifs, religieux, littéraires, sportifs, etc.) qui militent ou ont milité pour la cause des femmes et pour « réinjecter du collectif dans un ensemble de notices individuelles » (p. xix). Comme son titre l’indique, l’ouvrage est centré sur la France, celle de la capitale et celle des régions, des colonies et des territoires d’outre-mer, et sur les Françaises, mais il s’ouvre aussi à des féministes étrangères ayant milité en France et il fait une place dans ses rubriques à d’autres pays avec lesquels la France a entretenu des liens étroits (la Belgique et le Québec y sont ainsi l’objet de rubriques spécifiques). Cet avant-propos défend aussi les balises chronologiques retenues, soit de la Révolution de 1789 qui crée « un cadre de pensée politique qui rend possible la revendication de droits égaux pour les deux sexes » (p. xvii) jusqu’à nos jours, pour permettre la compréhension de la troisième vague actuelle.
Le Dictionnaire comprend 558 entrées : 421 sont des notices biographiques et 137 des rubriques thématiques (par périodes, pays, mouvements idéologique, social ou politique, par professions et métiers ou secteur social). Une table de toutes ces entrées est présentée au début de l’ouvrage qui est organisé selon l’ordre alphabétique. Toutes les entrées sont signées par des auteures, et quelques auteurs, pour la plupart universitaires, mais venant aussi d’organismes reconnus des mondes scientifique, littéraire, médiatique, militant et politique. Les éditrices elles-mêmes ont rédigé une cinquantaine de rubriques.
Les entrées comptent chacune de trois à quatre pages (exceptionnellement jusqu’à huit ou neuf, par exemple pour Simone de Beauvoir, Christine Delphy et Hubertine Auclert), ce qui permet de traiter les sujets abordés plus en profondeur que ne le font les dictionnaires généraux et donne accès à un développement plus riche. Chaque rubrique est suivie d’une courte bibliographie et d’un renvoi à toute autre rubrique mentionnant la personne ou le thème traité. Les lectrices et les lecteurs peuvent donc naviguer facilement d’une rubrique à l’autre.
L’ouvrage se termine par une courte présentation des auteures, présentation qui renvoie à la ou aux rubriques rédigées par chacune d’elles. S’ajoute un index nominatif qui fait référence à toutes les rubriques où la personne est répertoriée. Quelques photographies et illustrations agrémentent la présentation.
Voici deux suggestions qui pourraient enrichir une version ultérieure :
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l’ajout d’une entrée sur les féministes suisses qui, bien autant que celles de la Belgique et du Québec, ont entretenu et entretiennent des liens importants avec les Françaises, dont Christine Delphy pour ne nommer qu’elle;
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une autre entrée sur les revues scientifiques féministes (Questions féministes, Nouvelles Questions féministes, etc.) serait la bienvenue.
Ce dictionnaire est un ouvrage de référence de grande qualité et de consultation facile. Il constitue sans nul doute un incontournable de toute bibliothèque et permet de prendre la mesure de la richesse et de la diversité des trajectoires féministes françaises.