Dans l’introduction, Devreux situe d’abord cette démarche dans le contexte français, mais aussi dans le contexte scientifique, où les concepts élaborés dans les sciences sociales, dont le genre, peinent à faire reconnaître leur légitimité dans les sciences « dures ». Elle procède ensuite en présentant les définitions du sexe et du genre puis les grandes écoles de pensée féministes, et montre l’utilité de la théorie du point de vue (standpoint) pour comprendre l’importance de s’intéresser au genre dans les sciences. Finalement, elle démontre la relation entre le langage et les rapports sociaux de domination à l’aide d’exemples tirés de la biologie. La suite de l’introduction présente les trois grands domaines scientifiques retenus pour l’ouvrage : biologie, médecine, santé; sciences de l’écologie et de l’environnement; ainsi que sciences technologiques et ingénierie. L’ouvrage est divisé en trois parties. La première contient des revues de la littérature exposant l’androcentrisme dans les différents domaines scientifiques. La deuxième présente des études de cas qui permettent une réflexion sur le genre et sur son absence de prise en considération dans les processus scientifiques, politiques ou de développement de technologies. La troisième et dernière partie porte sur des initiatives mises en place pour intégrer une dimension « genre » dans différents projets de recherche scientifiques ou industriels. La première partie compte cinq chapitres. Le premier, intitulé « Les significations de l’analyse de genre et de sexe dans la recherche en biomédecine et en santé », présente une revue systématique de la littérature en biomédecine et santé publique ayant pour objectif d’explorer les conceptualisations variées du sexe et du genre dans ce domaine, les lacunes dans les recherches publiées et la manière dont des analyses de genre pourraient les combler. Dans le deuxième chapitre, « Définir et évaluer le sexe et le genre dans la recherche médicale », l’auteure expose les hypothèses implicites des sciences médicales – notamment que la femme est un homme avec quelques parties du corps différentes. Elle constate également que le standard des essais randomisés contrôlés dans la recherche clinique ne permet pas de bien prendre en considération des caractéristiques sociales qui nuancent les résultats obtenus. Parmi ses propositions pour mieux tenir compte de l’hétérogénéité dans les groupes, on trouve l’idée d’explorer les écarts obtenus dans les résultats, au lieu de se concentrer sur la moyenne, et d’étudier les groupes à long terme plutôt qu’à court terme. Le troisième chapitre s’intitule « Vertu et vulnérabilité : les discours sur les femmes, le genre et le changement climatique ». L’auteure se penche sur les dichotomies présentes dans les débats sur les changements climatiques : homme-femme, Nord-Sud, responsabilité-vertus/vulnérabilité. Cependant, derrière ces dichotomies – souvent répétées mais peu étudiées sous l’angle empirique, selon l’auteure ‒ se cachent des réalités plus complexes, telles que les situations différenciées des femmes et des hommes du Sud en fonction de leur statut socioéconomique. Ce chapitre propose des manières alternatives d’étudier le lien entre changement climatique et genre pour mieux prendre en considération les rapports de pouvoir qui s’y trouvent. Le quatrième chapitre, « L’écoféminisme et la critique des savoirs », est consacré au discours androcentrique présent dans les savoirs sur les femmes du Sud et montre l’apport de la théorie du point de vue dans la déconstruction de ce biais. En effet, les écoféministes du Sud proposent des idées novatrices qui permettent de revoir les pratiques de développement et le rôle des femmes dans ce dernier. Le cinquième chapitre a pour titre « La sociologie des techniques et le genre des objets ». Il est axé sur l’apport de la sociologie des techniques pour comprendre l’attribution des caractéristiques genrées …
Anne-Marie Devreux, Les sciences et le genre : déjouer l’androcentrisme, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, 290 p.[Notice]
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Carol-Anne Gauthier
Université Laval