Comptes rendus

Leila Pourtavaf (dir.), Féminismes électriques, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2012, 230 p.[Notice]

  • Marie-Claude Gingras-Olivier

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  • Marie-Claude Gingras-Olivier
    Université du Québec à Montréal

En septembre 2012, La Centrale Galerie Powerhouse a lancé Féminismes électriques, monographie qui commémore ses 40 ans d’engagement, mais également la réaffirmation d’un mandat féministe élaboré à même la critique d’une certaine idéologie (féministe) dominante. À cet effet, dans son introduction, l’auteure et commissaire Leila Pourtavaf précise que la programmation de La Centrale s’appuie aujourd’hui sur un féminisme qui remet en question les rapports de pouvoir et les normes qui régissent la société, telles que les normes sexuelles, de genre, de classes sociales, de race, capitalistes et impérialistes. Elle ajoute que, en reconfigurant son mandat, La Centrale a cherché à déconstruire les métarécits de manière à diversifier les voix féministes. De ce fait, depuis 2007, les enjeux queers et trans* sont au coeur des préoccupations de La Centrale, de même que les luttes autochtones partout au monde, les combats contre l’impérialisme à l’étranger, l’« homonationalisme » et la critique des politiques institutionnelles (p. 21). Les monographies Instabili (1973-1990), Textura (1991-1999) et, plus récemment, Féminismes électriques (2000-2010) rendent compte des débats féministes qui ont traversé les activités de La Centrale. Regroupant les textes d’une diversité d’actrices (artistes, employées, universitaires et commissaires), cet ouvrage permet d’explorer des productions artistiques et féministes de la dernière décennie, qui ont été pensées à travers « un contexte mondial plus large » précise Leila Pourtavaf en introduction (p. 19). Ainsi, dans son article, Helena Reckitt mentionne l’événement GENDER ALARM! Nouveaux féminismes en art actuel (automne 2008), « une exposition collective touffue qui inaugurait le nouveau mandat de La Centrale, lequel vise non plus seulement les femmes artistes, mais tous les artistes, quel que soit leur genre, qui abordent les rapports de force sociaux et politiques dans leur travail » (p. 42). Selon Reckitt, La Centrale a annoncé ce changement de vision durant « l’année de l’art féministe », en 2007, qualifiée ainsi en raison de l’effervescence des expositions féministes en Amérique du Nord comme en Europe. À cet effet, elle souligne que les expositions Ridykeulous et Shared Women ont été particulièrement déterminantes puisqu’elles proposaient « un métissage d’art féministe et d’art queer comme à La Centrale » (p. 44), contrairement aux grandes rétrospectives WACK! Art and the Feminist Revolution et Global Feminism, plutôt axées sur la présence des femmes artistes dans les musées et dans l’histoire de l’art (p. 43). À l’instar des grandes rétrospectives qui ont témoigné de l’importance des femmes artistes dans la sphère artistique, Thérèse St-Gelais observe que leurs pratiques (explicitement féministes ou non) ont contribué à l’émergence des questions identitaires et qu’elles ont permis de redéfinir les contours de la pensée féministe. Pour le démontrer, St-Gelais a choisi de se pencher sur les collectifs Women With Kitchen Appliances (WWKA) et les Fermières Obsédées (F.O.), ainsi que sur les artistes Raphaëlle de Groot, Martha Rosler, Sorel Cohen et Suzy Lake, ces trois dernières ayant posé les jalons d’une histoire de l’art féministe et alimenté les débats féministes des années 70 (p. 58). Par exemple, dans Semiotics of the Kitchen (1975), Rosler performait devant la caméra avec des accessoires de cuisine qu’elle détournait de leur fonction de manière dérisoire. Trente ans plus tard, explique St-Gelais, en testant les « propriétés sonores » de ces objets connotés, les WWKA ont émis à leur tour un commentaire critique « à l’égard des rôles et des fonctions déterminés au plan domestique » (p. 60). Les WWKA ont également ébranlé l’identité « féminine » par l’appropriation subversive de ses codes et ont ainsi rendu visible la manière dont le genre est performé. Tandis que St-Gelais montre comment le sujet du féminisme peut être (re)pensé, voire actualisé, …

Parties annexes