Présentation

Femmes et vieillissementsNouveaux regards, nouvelles réalités[Notice]

  • Anne Quéniart et
  • Michèle Charpentier

On l’entend partout, la société vieillit, et c’est au Québec, d’ailleurs, que l’on observe l’un des vieillissements les plus élevés et les plus rapides au monde. Le vieillissement de la population s’accompagne d’un autre phénomène important mais moins discuté : sa féminisation. La majorité de la population québécoise âgée de 65 ans et plus est en effet composée de femmes, dans un ratio qui s’accentue avec l’âge. Plus précisément, selon les données du recensement de 2011, « 56 % des personnes âgées de 65 ans et plus sont des femmes. Cette proportion s’élève à 69 % chez les 85 ans et plus ». Comment les aînées vivent-elles l’avancement en âge et le fait d’être « vieilles » ou d’être considérées comme « vieilles »? Quelles perceptions ont-elles de leur corps vieillissant? Quelle est leur relation avec les hommes? Comment sont-elles perçues dans la société? Comment voient-elles leur rôle dans la famille et dans l’espace public (travail, milieu associatif)? Quelles valeurs et expériences désirent-elles léguer aux plus jeunes? Telles étaient quelques-unes des questions à l’origine de l’appel de textes pour le présent numéro de la revue Recherches féministes en vue de proposer une lecture féministe des conditions et des expériences de vie des aînées qui sont encore mal (ou mé-) connues. Les études sur les aînées, qui proviennent majoritairement de la gérontologie sociale, ont jusqu’ici peu tenu compte des rapports sociaux de sexe qui marquent pourtant l’expérience du vieillissement. Ce sont donc les réalités propres à ces femmes que nous voulons mettre en lumière dans ce numéro. Lors de l’appel de textes, trois axes de réflexion ont été proposés : Compte tenu de la définition de ces axes et de la problématique animant ce numéro, nous nous attendions à recevoir plutôt des textes du champ de la gérontologie sociale ou féministe. Or, à notre grand étonnement, les textes que nous avons reçus proviennent de disciplines aussi diversifiées que l’histoire de l’art, la sexologie, la littérature, l’histoire, les études ethniques ou la sociologie, preuve que la réflexion sur le vieillissement des femmes n’est plus cantonnée dans les seules études ayant le vieillissement comme point d’ancrage. Tous les textes de ce numéro ont en effet en commun de s’intéresser moins au vieillissement comme tel qu’aux femmes vieillissantes, à leurs expériences et aux représentations que l’on se fait d’elles. Plus précisément, certains articles portent sur des réalités nouvelles du vieillissement – en milieu rural, dans un contexte migratoire spécifique, celui des réfugiées, avec une problématique de santé telle que le VIH-sida, ou encore en s’affichant sur Facebook comme femmes cougars; d’autres articles invitent plutôt à poser un nouveau regard sur le vieillissement soit en relisant les textes de pionnières, telles l’Allemande Hedwig Dohm et la Française Simone de Beauvoir, soit en réexaminant l’iconographie des xvie et xviiie siècles ou encore en revisitant une page de l’histoire du Québec des années 30. Au-delà de leurs apports spécifiques, ces textes mettent en évidence la manière dont, à chaque époque, les femmes vieillissantes ont résisté aux contraintes et aux pressions sociales qui les limitaient dans l’exercice de leur liberté sexuelle, familiale, économique, citoyenne. Ce contrôle des femmes, y compris des aînées, a toujours passé par la domestication de leur corps, qui devait répondre aux diktats de la beauté, de la mode, de la jeunesse, de la séduction. Ce numéro regroupe donc les textes en deux sections, correspondant à ces nouveaux regards et nouvelles réalités, auxquelles s’ajoute un texte introductif écrit par Monique Membrado qui propose une synthèse des écrits sur les femmes et le vieillissement, montrant que l’intérêt pour les aînées est récent en sciences …

Parties annexes