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Le sujet du « développement » comme thématique d’un numéro de revue est un de ceux qui amènent nécessairement à poser un regard critique sur l’état du monde que nous habitons, un monde perçu et vécu de plus en plus à travers l’interdépendance caractérisant chacune des sociétés nationales, des collectivités locales et des communautés transnationales telles qu’elles se consolident depuis l’intensification des migrations à l’échelle globale. Or, parler de « développement » en 2011 peut sembler paradoxal, même anachronique, au regard de l’évolution de la conjoncture économique et politique mondiale. En effet, les quinze dernières années ont été le théâtre d’événements qui ont provoqué le déplacement de plusieurs points de repère qui structuraient le dispositif de développement, et, par conséquent, son étude : crises économiques successives, d’une ampleur toujours plus grande due à l’interconnexion croissante au sein du capitalisme financiarisé; bouleversements majeurs liés aux changements climatiques; militarisation et virage sécuritaire à la suite des événements du 11 septembre 2001; changement, voire renversement des rapports de pouvoir entre les différentes régions du monde, pour n’en nommer que quelques-uns. Ces bouleversements rendent-ils obsolètes la notion de « développement » et les champs d’études qui lui sont consacrés, y compris le champ « femmes/genre et développement[1] »?
En 2011, la crise économique mondiale de 2008 est revenue hanter les gouvernements et les peuples de l’Europe ainsi que des États-Unis et, par voie de conséquence, du monde entier. Cette crise financière a eu des effets absolument désastreux sur les populations de différents niveaux socioéconomiques, mais elle a aussi révélé une crise de légitimité des institutions financières et politiques du régime néolibéral de gouvernance capitaliste. La façon dont les chefs d’État ont répondu à cette crise, en sacrifiant des milliards de fonds publics pour la sauvegarde des banques et des marchés, n’aura été qu’un pansement sur une plaie béante. De la même façon, le refus de plusieurs gouvernements, dont le gouvernement canadien, d’agir pour parer à l’accélération du réchauffement climatique permet une course toujours plus effrénée à l’exploitation des ressources non renouvelables, détruisant les écosystèmes, mettant en péril la production agricole et l’alimentation, ainsi que les modes de vie de millions d’êtres humains, principalement dans le Sud.
La direction du changement en ce qui a trait aux fondements et aux pratiques économiques mondiales subit profondément l’influence de la transformation des rapports entre différentes puissances, étant donné que plusieurs pays du Sud dits « émergents » (au premier chef, la Chine, suivie de l’Inde et, dans une moindre mesure, du Brésil et de la Russie, soit le BRIC) sont en train de supplanter les puissances traditionnelles et brouillent ainsi la ligne de division Nord-Sud sur laquelle repose le dispositif de développement. Ces mutations semblent faire de l’« aide au développement » une sorte de relique d’une autre ère, ou encore un recours ultime pour « les pays en extrême pauvreté ». Bien que l’« industrie du développement » – avec ses experts et ses expertes, ses techniques, ses sciences, ses institutions, ses valeurs hégémoniques – soit toujours vigoureuse, les sommes consacrées par les États à l’aide officielle au développement n’ont pas augmenté depuis 1990 (OCDE 2011). En proportion du revenu national brut des pays donateurs, l’aide au développement a même diminué depuis cette date. En outre, le virage sécuritaire observé dans le dispositif de développement depuis les événements du 11 septembre 2001 (Escobar 2012, Marchand 2009; Marchand et Sisson Runyan 2011) contribue aussi à transfigurer le paysage de l’aide au développement, ne serait-ce qu’en créant violences et catastrophes humanitaires, d’une part, et en détournant les budgets des États vers le complexe militaro-industriel, d’autre part.
Par ailleurs, des courants intellectuels critiques ont commencé leur entreprise de dissection et de mise à mort du « développement » à la fin des années 80, entreprise qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui (voir Escobar 2012 pour une revue des débats autour du « postdéveloppement » depuis 1995), et à laquelle des féministes, notamment des penseuses du féminisme postcolonial, ont largement participé (Saunders 2002). Il s’agissait de montrer le « développement » pour ce qu’il était : non pas un impératif absolu et incontournable dont il fallait découvrir les « lois » (et, en cela, la gauche et la droite économique se rejoignaient), mais bien un ensemble de représentations contingentes tissées d’ethnocentrisme, de sexisme et de racisme, un discours historiquement construit devenu hégémonique, et, incidemment, aux conséquences désastreuses pour la majorité des populations de la planète.
Ainsi transfigurés par l’évolution historique récente, et mis en pièces de multiples manières par des courants intellectuels critiques, que peut-il rester aujourd’hui de l’idée et de la pratique du « développement », et surtout du champ d’investigation scientifique qui lui était lié? D’une part, même si les puissants champions du développement ont changé maintes fois de théories, de stratégies, de rhétorique et de vocabulaire, leur projet consistant à étendre la zone d’influence et la pénétration du capitalisme dans le monde (Peemans 2002) – Zillah Eisenstein dirait du « patriarcat raciste et capitaliste » (Marchand et Sisson Runyan 2011 : 13) – est encore en marche de nos jours, crise financière ou non. D’ailleurs, il est remarquable de constater à quel point les réponses des États, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à la crise financière mondiale de 2008 et à celle qui secoue l’Europe en 2011 sont semblables à ce qu’elles ont été depuis les années 70. La « fin » du Consensus de Washington, exemplifiée, selon Escobar (2012), par la série de gouvernements dits de gauche élus en Amérique latine depuis 1998, est loin de signifier la fin de l’application de stratégies découlant des dogmes néolibéraux, y compris par les dits gouvernements. Et même lorsque ces dogmes sont contestés, les représentations de l’économie issues des théories néoclassiques continuent de dominer l’imaginaire collectif. Même lorsque d’autres acteurs (tels que les gouvernements de Lula au Brésil ou d’Evo Morales en Bolivie) dont on pourrait penser qu’ils sont porteurs de projets différents, montent en puissance, les modèles de développement dont ils font la promotion sont souvent des hybrides complexes qui n’excluent pas les anciennes rationalités développementalistes (Bebbington 2009).
En somme, les modèles dominants de développement et les idéologies sur lesquels ils se fondent ont la vie dure. Ils semblent extraordinairement résistants aux innombrables démonstrations de leur incapacité à résoudre les problèmes qu’ils prétendent vouloir résoudre (au premier chef, le « sous-développement » et son avatar contemporain, la pauvreté). Ils continuent d’exister et de tenir le haut du pavé, en dépit des analyses intellectuelles critiques qui exposent au grand jour le simulacre que constituent les énoncés de principe des acteurs les plus puissants en quête de légitimité et d’acceptabilité sociale (pour une analyse décapante de la duplicité des discours de la Banque mondiale sur la lutte contre la pauvreté durant les années 90, voir Lautier (2002)). En conséquence, les intellectuelles et les intellectuels, radicalement critiques ou adhérant plus ou moins à différents aspects de ces modèles/projets, continuent de s’intéresser aux interventions, à leur nature, à leurs conséquences, aux mouvements et aux résistances qu’elles engendrent, ainsi qu’aux contre-propositions que les acteurs critiques mettent en avant (autre développement, développement alternatif, développement « par le bas », postdéveloppement, économie solidaire, etc.).
Par contre, les études sur le développement, comme champ d’investigation scientifique, ont beaucoup évolué. L’immense chantier d’études multidisciplinaires mis sur pied pendant les années 50 aux États-Unis pour découvrir les « lois du développement économique » devant provoquer la modernisation et le « rattrapage » des sociétés « sous-développées », avec son scientisme sous-jacent (Supiot 2010), a été relativement mis à la marge, en particulier au sein des perspectives critiques en sciences sociales. Ainsi, on s’est mis à étudier le développement comme un ensemble de relations (Labrecque 2000), de processus provoqués par des interventions faites sur les sociétés de manière délibérée. Le développement peut donc être défini comme suit (Sardan 1995 : 7) :
L’ensemble des processus sociaux induits par des opérations volontaristes de transformation d’un milieu social, entreprises par le biais d’institutions ou d’acteurs extérieurs à ce milieu mais cherchant à mobiliser ce milieu et reposant sur une tentative de greffe de ressources et/ou techniques et/ou savoirs.
Il s’agit d’étudier des interventions faites sur les sociétés en fonction d’objectifs à atteindre qui sont autant de critères normatifs (ce que ces sociétés devraient être, et comment les transformer en ce sens) et d’examiner les dynamiques qui leur sont associées. Les critères normatifs qui informent les interventions ne sont pas nécessairement tous explicites, et une partie du travail critique de la communauté intellectuelle féministe ou postcolonialiste, ou les deux à la fois, consiste à rendre explicites les normativités ethnocentriques et androcentriques des interventions, ou même carrément racistes et sexistes. En outre, les opérations prédatrices de domination ou d’appropriation (y compris les opérations militaires) se parent le plus souvent d’une rhétorique légitimatrice que les courants intellectuels critiques s’efforcent de démasquer, comme le fait Marie France Labrecque dans l’article qu’elle a écrit pour le présent numéro ainsi que dans plusieurs travaux précédents : « au coeur même de la relation de développement, il y a un ensemble de rapports sociaux qu’il importe de démystifier, autant sur le plan du discours, de la rhétorique ou du sens que sur celui des pratiques institutionnelles ou les deux simultanément » (Labrecque 2000 : 62). En conséquence, une attention toujours plus grande est accordée aux rapports de pouvoir et aux stratégies des acteurs, ce qui peut contribuer à expliquer que l’étude des résistances et des mouvements sociaux ait pris de plus en plus de place à l’intérieur des études du développement.
D’autres articles de ce numéro vont dans ce sens : celui de Lucie Direnberger, qui critique l’instrumentalisation du genre dans l’implantation d’un programme islamophobe de certaines agences de développement à l’oeuvre au Tadjikistan; de même que celui d’Anahi Morales Hudon, qui porte sur la mobilisation des femmes autochtones au Mexique. Ceux-ci font écho à une vision dynamique et politique du développement (Sabelli 1993 : 36) : « La relation de développement est sans cesse modifiée par les stratégies mises en oeuvre par les acteurs concernés, qu’ils soient puissants (ceux qui disposent de moyens économiques) ou faibles (ceux qui en sont dépourvus) ».
En outre, depuis les années 70, des acteurs ainsi que des intellectuelles et des intellectuels critiques cherchent à s’approprier le concept de développement, pour le mettre au service d’autres objectifs que ceux des acteurs dominants, d’autres référents normatifs liés à certaines conceptions de la démocratie, de la justice et de l’égalité sociale. Ainsi, plusieurs parlent de développement « endogène » ou « par le bas » pour décrire des initiatives issues des populations elles-mêmes, et non plus seulement pour décrire des interventions imposées de l’extérieur. C’est le cas de nombreuses féministes critiques des modèles dominants de développement, surtout à partir des années 80. Dans beaucoup de cas, il subsiste cependant des ambiguïtés, car les initiatives décrites bénéficient souvent de l’appui d’organisations non gouvernementales (ONG), ou d’autres apports extérieurs, et les référents normatifs « habituels » des populations (ainsi que les rapports de pouvoir qui les sous-tendent) sont nécessairement en jeu. À ce titre, l’ouvrage récent de Guérin, Hersent et Fraisse (2011) constitue un apport très intéressant à la réflexion sur le potentiel transformateur des mobilisations et des initiatives économiques des femmes en rapport avec les contraintes posées par les modèles économiques dominants, le dispositif de développement et les rapports sociaux de sexe.
Qui plus est, les outils conceptuels utilisés pour l’analyse des relations de développement dans les sociétés du Sud sont appliqués, dans les pays du Nord et notamment au Québec, à l’analyse des dynamiques de développement régional, notamment pour ce qui est de la place et du rôle des femmes, comme en discutent Côté et Tremblay-Fournier dans leur article inclus dans le présent numéro. Par exemple, au tournant des années 90, Anadon et autres décrivent ainsi les modes d’organisation communautaire des femmes dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean (Anadon et autres 1990) :
[L]oin d’être de simples spectatrices soumises au modèle dominant de développement régional capitaliste et patriarcal, les femmes comme groupe créent et produisent des actions et des discours positifs sur le développement, sur un développement autre, moins axé sur l’économique et plus près des ramifications du tissu social, des réseaux, du communautaire.
Ainsi, alors que Sardan (1995) se référait aux interventions faites par des acteurs du Nord dans des pays du Sud, et parlait donc explicitement d’interventions menées par des acteurs extérieurs au milieu visé, nous voyons les études sur le développement s’affranchir graduellement du contexte des interventions du Nord sur le Sud et acquérir, de ce fait, un caractère plus général. Cela leur permet de dépasser leur contexte d’émergence (l’idéologie et la pratique du développement telles qu’elles ont été élaborées par le Nord pour intervenir dans les pays du Sud à l’époque de la guerre froide) et de porter sur de nouveaux objets. L’article de Nora Nagels (dans le présent numéro), qui jette un regard critique sur les politiques de lutte contre la pauvreté mises en place par l’État péruvien, illustre à quel point les propres gouvernements des États du Sud sont des acteurs centraux dans la reproduction des valeurs néolibérales. En somme, conceptualisé de cette manière, le champ des études sur le développement s’élargit et recoupe en partie toute une série d’autres champs d’études, notamment les études sur la mondialisation (globalization studies), comme nous le verrons plus loin dans le cas des travaux féministes.
Évolution thématique et conceptuelle du champ femmes/genre et développement
Cette vision du champ des études sur le développement apporte un éclairage particulier sur l’évolution de la pensée et de la pratique féministe : d’une part, sur ses rapports complexes avec différentes normativités et, d’autre part, sur son évolution thématique et théorique. Les récits typiques sur l’émergence et l’évolution de la pensée féministe sur le développement (Degavre 2011; Rai 2011; Visvanathan 1997) se penchent le plus souvent sur une succession d’approches qui ont été proposées par des intellectuelles et des praticiennes, dans le but de faire en sorte que les interventions de développement améliorent les conditions de vie des femmes et leur position dans les rapports de pouvoir : l’approche « intégration des femmes au développement » (IFD) et l’approche « genre et développement » (GED), plus complexe et plus critique, sont les deux principales. Deux autres approches, une version d’inspiration marxiste, « women and development » (pour laquelle il n’existe pas vraiment de traduction et qui est moins connue dans le monde francophone) et « femmes, environnement et développement », la plus récente, ont été moins popularisées.
Chronologiquement la première, l’approche IFD, lancée par Esther Boserup en 1970, consistait, selon ses critiques, en une approche libérale en vue de mobiliser les femmes au service du projet de modernisation sans remettre celui-ci en question, et surtout sans réellement analyser les rapports sociaux de sexe et leur transformation (voir, par exemple, Beneria et Sen (1981)). On lui a aussi reproché de véhiculer tout un ensemble de présupposés ethnocentriques et hétéronormatifs issus des représentations occidentales dominantes sur les femmes, la famille et la division sexuelle du travail (Bisilliat 2000). Les femmes du Sud (et les femmes minorisées dans les pays du Nord, dont les femmes de couleur et les lesbiennes) se sont confrontées avec les féministes occidentales (et hétérosexuelles et blanches) et les ont accusées en quelque sorte d’imposer leurs représentations, leurs analyses et leurs méthodes à l’ensemble des femmes du monde, reproduisant ainsi le rapport colonial. L’approche GED, élaborée au cours des années 80, serait le fruit de réflexions, d’échanges et de confrontations entre des féministes marxistes, radicales, ou issues de l’école de la dépendance, et des mouvements de femmes radicaux des pays du Sud, dont le collectif DAWN, et son manifeste intitulé Development, Crises and Alternative Visions : Third World Women’s Perspectives (Sen et Gown 1987), serait représentatif (Degavre 2011). Cette approche se voulait plus critique (du développement), plus radicale (au sens de la transformation des rapports sociaux de sexe), plus relationnelle (poser le regard sur les rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes et leurs mécanismes, et non seulement sur les femmes prises isolément), plus globale (prendre en considération l’ensemble des dimensions de la vie des femmes et non seulement leurs activités dans la sphère dite « productive ») et surtout axée sur l’autoorganisation et les luttes par et pour les femmes. Il s’agissait donc d’une approche « par le bas », où les femmes seraient les auteures de la définition des problèmes qui les concernent et où les voix des femmes du Sud seraient véritablement entendues. En somme, cette approche se voulait, à l’origine, subversive, radicale, porteuse de changements profonds (Bisilliat 2000).
À partir de ce point, l’histoire éclate, se disperse, et il ne semble plus y avoir eu de nouvelles avancées ni de nouveaux consensus théoriques propres au champ « femmes et développement ». Est-ce à dire que la pensée féministe sur le développement a arrêté d’évoluer au tournant des années 90? Non, certes, mais elle s’est diversifiée, complexifiée, a pris des visages multiples. Une partie des efforts est restée concentrée sur les objets plus « traditionnels » du champ « femmes et développement » : l’analyse et la critique de projets de développement issus des budgets de l’aide publique au développement, des agences de développement international, des ONG, et bien sûr de la Banque mondiale, du FMI, de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et autres institutions multilatérales. Une autre partie des efforts s’est dirigée vers l’étude de la mondialisation (globalization studies), non seulement pour tenter d’élucider ses impacts contradictoires sur les femmes, mais surtout pour comprendre le rôle des rapports sociaux de sexe dans ces dynamiques complexes, ainsi que la dynamique des liens structurels entre les rapports sociaux de classe, de genre et de « race ». Saskia Sassen relève la continuité entre la littérature sur les femmes dans le développement produite à l’époque de l’émergence de l’approche IFD, qu’elle associe à une première phase, les travaux sur l’intégration planétaire de l’industrie manufacturière et la féminisation du prolétariat (deuxième phase), et la littérature des dernières années sur le genre et la mondialisation, marquée par l’attention accordée aux subjectivités, aux dynamiques internes des ménages, aux migrations et aux solidarités transfrontalières (Sassen (2007) citée dans Marchand et Sisson Runyan 2011 : 10). Les sept cahiers « Genre et développement » publiés chez L’Harmattan depuis 2000 reflètent d’ailleurs pleinement le spectre des thématiques et des problématiques incluses dans la littérature actuelle sur les femmes, le genre et le développement, traitant successivement du concept de genre (Bisilliat et Verschuur 2000), des réflexions féministes sur l’économie (Bisilliat et Verschuur 2001), de la mondialisation et de la pauvreté (Verschuur et Reysoo 2002), des pouvoirs et de la justice sociale (Verschuur et Reysoo 2003), du genre, de la nouvelle division internationale du travail et des migrations (Verschuur et Reysoo 2004), du genre, des mouvements urbains et de l’environnement (Verschuur 2007) ainsi que des perspectives féministes postcoloniales et de la diversité du mouvement des femmes (Verschuur 2010).
Du côté des thématiques plus traditionnelles du champ « femmes/genre et développement » (sur le plan théorique et pratique), l’essentiel des efforts, à partir de la fin des années 80, semble avoir consisté à essayer de faire en sorte que l’approche GED soit appliquée, et que son principal outil analytique, l’analyse différenciée selon les sexes, soit incorporé à l’ensemble des pratiques institutionnelles de planification, d’exécution et d’évaluation des programmes et projets de développement (le gender mainstreaming). Ces efforts semblent avoir connu leur apogée dans l’adoption de la Déclaration et plate-forme d’action de Beijing, à l’issue de la Quatrième Conférence mondiale de l’ONU sur les femmes.
La revue Recherches Féministes a publié, en 1988 et en 1995, deux numéros sur le thème des femmes et du développement, qui se révèlent représentatifs de ces époques. Dans l’introduction au numéro 2 du volume 1 de la revue Recherches féministes (1988), Huguette Dagenais présentait les critiques féministes qui ont émergé au cours des années 80 à l’égard du développement. Critiques qui ne remettaient pas en question le paradigme du développement en tant que tel, mais bien les formes et les mécanismes de mise en oeuvre du développement. Il s’agissait à cette époque de définir et de justifier le bien-fondé de la recherche féministe sur le plan épistémologique et politique, et de ses retombées pour l’amélioration des conditions de vie des femmes. Dagenais abordait aussi la difficile question des intérêts communs des femmes à l’échelle mondiale en parallèle avec une prise en considération des accusations d’impérialisme culturel et d’ethnocentrisme provenant des féministes du « tiers-monde » à l’égard de celles du monde « surdéveloppé ». En contraste avec le présent numéro, celui de 1988 accordait un espace à des ONG de développement d’orientation féministe afin que celles-ci présentent leurs projets et réalisations. Le numéro en question incluait aussi un article sur les priorités et les objectifs des agences de développement et des grandes fondations privées travaillant dans le champ du développement.
Sept ans plus tard, la revue Recherches féministes publiait un deuxième numéro sur ce thème (vol. 8, no 1, 1995), cette fois-ci avec une attention spécifique aux enjeux de population, abordés à travers les questions de santé et de sida, la militarisation et les conflits armés et, enfin, le développement durable et l’environnement. On reconnaît bien le contexte de la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing et de la Conférence internationale sur la population et le développement tenues au milieu des années 90, moment fort de la mobilisation féministe internationale autour des processus onusiens. Trois articles analysaient d’ailleurs les enjeux de ces conférences mondiales, attirant l’attention sur les progrès accomplis en matière de droits des femmes, de même que les écueils et les périls représentés notamment par la montée des intégrismes religieux et leur opposition à l’autonomie reproductive et sexuelle. Par ailleurs, certains articles analysaient des projets de développement et leurs effets sur les femmes ou les rapports sociaux de sexe.
En rétrospective, on constate que la perspective générale du numéro de 1995, bien qu’elle ait été hautement critique des conséquences du développement ainsi que des institutions et des acteurs dominants qui définissent ce champ ou encore l’empêchent de mieux se déployer (le complexe industriel est ainsi présenté), peut être décrite comme adhérant au paradigme du développement, dans une version critique, ainsi entendu (Young (1987) citée dans Dagenais et Piché (2000) : 33) :
un processus complexe impliquant une amélioration sociale, économique, politique et culturelle […] [ce qui] signifie la capacité de la société non seulement à répondre aux besoins physiques, émotionnels et créatifs de la population à un niveau historiquement acceptable; mais aussi à libérer le temps du travail humain du fardeau sans fin lié à la production des besoins essentiels. Cela entraîne des standards de vie meilleurs, mais non une consommation immodérée ainsi qu’une forme de société permettant une distribution égale de la richesse sociale.
Cette définition du développement, dont Dagenais et Piché se réclamaient en 1994, est en fait une explicitation de critères normatifs pour guider les interventions, ou qui servent à tout le moins à en évaluer le bien-fondé. Ainsi, bien que, selon ces auteures, les féministes soient celles qui ont poussé le plus à fond la critique du développement (Dagenais et Piché 2000 : 32), la plupart des féministes n’abandonnent pas l’idée que des interventions de développement puissent servir à améliorer les conditions de vie des femmes, pour peu que celles-ci soient guidées par des modèles normatifs plus appropriés. Cela peut s’expliquer à la fois par le relatif optimisme qui régnait à cette époque où les grands sommets onusiens se succédaient et aussi par le fait, plus fondamental, que les luttes féministes impliquent nécessairement la mise en conflit de différentes normativités et la contestation des rapports de pouvoir qui les sous-tendent.
Par ailleurs, quinze ans après la conférence de Beijing, le bilan des efforts consentis pour intégrer des analyses et des pratiques féministes au sein du dispositif de développement serait plutôt mitigé. Plusieurs observatrices considèrent que, bien que le vocabulaire de l’approche GED soit le plus employé jusqu’à ce jour, il fait trop souvent référence à des analyses et à des pratiques qui tiennent plus de l’approche IFD que de l’approche GED, c’est-à-dire que cette dernière serait souvent vidée de son contenu le plus critique ou subversif. Aussi, l’approche en termes de rapports sociaux de sexe serait négligée : le terme « genre » serait employé au lieu du terme « femmes », mais sans réellement procéder à une analyse des rapports de pouvoir et de leur fonctionnement (Jenson 2008). Depuis la fin des années 90, bon nombre de travaux féministes se sont penchés sur l’évaluation critique de la mise en oeuvre du gender mainstreaming, dans des contextes d’instrumentalisation de la « cause des femmes » par des chefs d’État peu convaincus par l’analyse féministe, et dans le contexte du manque de ressources réelles consacrées aux réformes institutionnelles qu’une telle orientation politique nécessite (voir notamment Prügla (2009), ou le numéro 44 des Cahiers du genre consacré à ce sujet (Dauphin et Sénac-Slawinski (dir.) 2008). L’article de Brière et Martinez inclus dans le présent numéro montre à quel point le gender mainstreaming est difficile à réaliser en pratique. L’article de Jules Falquet, de son côté, illustre les écueils de l’adoption de cette perspective par une partie importante du mouvement féministe latino-américain (voir aussi Falquet (2008) pour une analyse approfondie de la récupération de concepts et de stratégies féministes au service du néolibéralisme). Au début des années 2000, beaucoup de féministes actives dans les arcanes des processus onusiens considéraient en outre que la conjoncture était si défavorable que des reculs considérables seraient à craindre si l’ONU tenait une cinquième conférence mondiale sur les femmes (Druelle 2004). Parallèlement, des mouvements féministes radicalement critiques du dispositif de développement et de la mondialisation ont émergé, comme l’illustre l’exemple remarquable de la Marche mondiale des femmes et des féministes actives au sein du mouvement anti/altermondialiste (voir à ce sujet : Burrows et Spieler (2010); Dufour et Giraud (2010); Masson, Dufour et Caouette (2010); Eschle et Maiguashca (2010)).
Pour traiter brièvement de l’autre direction prise par la pensée féministe sur le développement, à savoir la littérature féministe sur la mondialisation, revenons un instant sur les débats entamés à partir des années 80. Ceux-ci ont émergé lors des rencontres, débats et confrontations entre femmes du Nord et du Sud, facilités à cette époque par les sommets onusiens sur les femmes (tenus en 1975, en 1980, en 1985) et autres processus internationaux associés au dispositif de développement. Tout aussi marquants ont été ceux qui ont opposé les féministes « hétérosexuelles, blanches et de classe moyenne » aux femmes minorisées des pays du Nord (des classes populaires, de couleur, lesbiennes) ou même de l’Amérique latine et des Caraïbes autour du sujet politique du féminisme. Ces débats ont mené à l’éclatement théorique et politique de la catégorie « femme » et à sa complexification radicale, à la reconnaissance de l’hétérogénéité du groupe des femmes, et aux inégalités qui existent entre elles le long des lignes de force de l’ensemble des systèmes de domination qui comptent non seulement les rapports sociaux de sexe, mais aussi de classe, Nord-Sud, et de « race ». « La Femme » et « Le Féminisme » doivent maintenant se conjuguer au pluriel : les femmes, sujets politiques multiples et contingents; les féminismes, des convergences et des alliances politiques plus ou moins durables, à construire à partir de la reconnaissance des différences autant que des intérêts communs (St-Hilaire 1994).
Ces réflexions ont constitué un socle à partir duquel la pensée et la pratique féministe pouvaient commencer à se désarrimer (non sans douleur) des cadres de la pensée moderne/modernisatrice dans laquelle le développement lui-même est enraciné. Au fil du temps, les rapports entre différents systèmes d’oppression fondés sur le genre, la sexualité, la « race » ou l’ethnicité, la classe et la nation en sont venus à être pensés en termes de « consubstantialité des rapports sociaux » (Kergoat (2000 et 2009); voir plus généralement Dorlin (2009)), ou encore de leur « intersectionnalité » (Hill Collins (1990); Corbeil et Marchand (2006); Bilge (2009); Fougeyrollas-Schwebel, Lépinard et Varikas (2005)). Les défis de la recherche liée à ces conceptualisations sont grands, puisqu’il s’agit d’aborder la réalité sociale dans son immense complexité et de manière non réductionniste.
Nous ne pouvons entrer ici dans les détails de ces débats et réflexions théoriques, qui dépassent largement le cadre de ce texte. Ce que nous voulons plutôt retenir pour notre propos est que cet éclatement, d’une productivité extraordinaire pour l’avancement de la pensée féministe et plus généralement dans le domaine des sciences sociales, a donné lieu à de multiples chantiers intellectuels dont on trouve certaines des expressions les plus avancées dans la littérature féministe sur la mondialisation, notamment. En effet, l’étude féministe ancrée à différentes échelles de ces dynamiques mondiales a permis de faire des liens analytiques entre les réalités vécues par des femmes situées différemment dans l’espace et dans la toile complexe des hiérarchies sociales. Les travaux sur la division sexuelle et internationale du travail, sur les migrations et la restructuration mondiale de la reproduction sociale ainsi que sur le militarisme, les violences et les résistances (organisées sous forme de mouvement sociaux ou non), sont particulièrement riches sur le plan des théorisations (voir, par exemple, Falquet et autres (2010); Bakker et Gill (2003); Zimmerman, Litt et Bose (2006)). Dans ce présent numéro, l’article de Myriam Ariey-Jouglard portant sur le tourisme et les conditions de travail des serveuses comme révélateur des rapports sociaux de sexe au Vietnam s’inscrit dans ce type de perspective. Alors que, pendant une bonne partie des années 2000, la majorité des travaux sur les femmes et la mondialisation consistait à montrer les impacts des restructurations économiques sur les rapports sociaux de sexe (Galerand 2007), pour Falquet et autres (2010 : 13), il s’agit, à l’inverse, de démontrer ce qui suit :
[Le] genre est un organisateur clé de la mondialisation néolibérale. C’est effectivement le genre qui permet de comprendre les dynamiques de classe ou de « race » et les mouvements migratoires aujourd’hui à l’oeuvre et sous les feux de l’analyse. Sans perspective de genre, tout reste opaque, tant les femmes sont à la fois une main-d’oeuvre capitale pour le travail rémunéré, non rémunéré, une source de profit, et simultanément, l’un des groupes sociaux les plus actifs dans l’analyse et la mise en place de luttes et d’alternatives à cette mondialisation.
Du côté de la littérature anglophone, on observe une préoccupation plus marquée pour le rôle des subjectivités et la question de l’« agentivité » (voir, par exemple, Davids et Van Driel (2005)); cette emphase semble particulièrement productive lorsqu’elle est fortement articulée autour des analyses en termes d’économie politique (voir, par exemple, Marchand et Sisson Runyan (2000 et 2011); Lenz, Ulrich et Fersch (2007); Cohen et Brodie (2007)). D’autres courants, ancrés scientifiquement ou politiquement, ou les deux à la fois, dans des contestations encore plus radicales cherchent à définir les contours de modèles de développement alternatif (voir, par exemple, Bennholdt-Thomsen, Faraclas et Von Werlhof (2001); Gibson-Graham (1996 et 2006)).
Pour conclure ce survol, nécessairement incomplet, de l’évolution des critiques féministes du développement, nous souhaitons rappeler que ce monde de la deuxième décennie du XXIe siècle est marqué par des discours contradictoires sur les femmes et le féminisme dans l’espace public. Certaines représentations dénotent une apparente progression de l’égalité de genre à l’échelle internationale, ou à tout le moins par la présence croissante du discours sur l’« égalité déjà là ». Récemment, en septembre 2011, la présidente du Brésil, Dilma Roussef, nouvellement élue à la tête de cette puissance émergente, déclarait être la première femme à inaugurer le débat annuel général de l’Assemblée générale des Nations Unies. Qui plus est, une femme, Christine Lagarde, ancienne ministre des Finances de France, est maintenant directrice du Fonds monétaire international! Le Rapport sur le progrès des femmes dans le monde 2011-2012, produit par la nouvelle entité ONU Femmes (qui englobe l’ancienne UNIFEM notamment), rappelle que 186 pays ont signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), et que l’égalité entre les femmes et les hommes est garantie dans la Constitution de 139 pays et territoires. Il qualifie de progrès le fait que 173 pays garantissent un congé de maternité payé et que 125 pays considèrent la violence conjugale comme illégale (ONU Femmes 2011).
Ces chiffres font paraître superflu l’objectif de nombreuses féministes libérales et responsables d’agences de développement d’intégrer les femmes au développement. Ce mantra des années 70 renouvelé à la sauce néolibérale dans les politiques de microcrédit et de lutte contre la pauvreté (voir l’article de Nora Nagel dans le présent numéro) est dépassé par les nouvelles perspectives théoriques sur le travail, l’économie et le genre, de même que par les transformations structurelles profondes qui ont touché l’ensemble de la planète depuis la mise en oeuvre du néolibéralisme. Celles-ci font en sorte qu’il est évident que les femmes sont centrales, à la fois par rapport aux rouages de l’économie capitaliste et aux circuits de la reproduction sociale, en tant que travailleuses, productrices, commerçantes, artisanes et travailleuses non rémunérées. Cependant, comme le montre l’article de Nora Nagel, les politiques ayant pour objectif déclaré d’intégrer les femmes au développement ont en général bien d’autres motifs et conséquences, dont certaines tendent à entretenir des représentations de la dépendance et de la vulnérabilité des femmes. En outre, la « mise au travail des femmes » ne s’est pas faite dans des termes favorables à la majorité de la main-d’oeuvre féminine, tant au sein de la sphère dite « productive » qu’au sein de la sphère dite « domestique » (Lautier 2006). La sous-valorisation du « travail considéré comme féminin » (Falquet 2009) a même largement servi à faciliter la dévalorisation et la flexibilisation, voire l’« informalisation », du travail salarié dans son ensemble. Ainsi, la mise au travail des femmes, telle qu’elle a été planifiée et orchestrée par les États et les institutions internationales, ne saurait être assimilée à l’aboutissement des revendications féministes (Falquet 2009).
Par ailleurs, un simple regard sur la situation quotidienne de la majorité des femmes dans le monde nous révèle que derrière les chiffres et le discours de l’« égalité déjà là » se cache une réalité bien moins rose. Ne serait-ce que parce que, bien qu’elle soit fondamentale, la reconnaissance juridique des droits des femmes, qui est loin d’être acquise et connaît même des reculs dans certaines régions du monde, ne garantit en rien leur réalisation concrète. Surtout dans des contextes où la dégradation environnementale, la libéralisation des marchés, les privatisations et l’affaiblissement, voire la disparition des régimes de protection sociale augmentent sans cesse la précarité des conditions de vie de la majorité, au premier chef des femmes et des filles. Pour rester dans l’univers des chiffres, le même rapport d’ONU Femmes affirme d’ailleurs que 127 pays ne pénalisent pas explicitement le viol conjugal et que 53 % des femmes occuperaient un emploi vulnérable. La ségrégation des emplois et les écarts de rémunération entre les sexes demeurent des problèmes criants, dans un contexte de dualisation et d’« informalisation » croissante des marchés du travail. Les fondamentalismes religieux, qu’ils soient catholique, musulman, évangélique ou autre, ne montrent aucun signe d’affaiblissement, avec toutes les conséquences néfastes que l’on connaît sur les droits et les libertés des femmes. Il s’agit bien là de problèmes mondiaux qui concernent l’ensemble des femmes et des hommes et qui repoussent toujours plus loin l’horizon de l’égalité de genre.
Les huit articles que comporte le présent numéro reflètent l’évolution de la pensée et de la critique féministe du développement, apportant de l’eau au moulin à celles et ceux qui considèrent que la compréhension des sources et des mécanismes reproducteurs des inégalités dépend de notre capacité à les saisir dans leurs dimensions mondiales et systémiques.
À cet ensemble de textes, s’ajoutent deux articles hors thème. Celui de Sara-Juliette Hins présente les modèles de genre proposés aux femmes dans la presse périodique pendant la période 1920-1940, plus particulièrement chez les héroïnes de la femme de lettres canadienne française Emma Gendron. L’auteure y montre comment ces représentations, tout en restant à l’intérieur des balises d’une société conservatrice, proposent une position plus autonome pour les femmes, dans la vie privée comme dans la vie professionnelle.
Enfin, l’article de Marie-Ève Lang situe le concept d’« agentivité sexuelle » dans les courants théoriques et propose des façons de l’opérationnaliser en recherche. Il s’agit d’un texte essentiel pour la recherche portant sur la sexualité, notamment sur celle des adolescentes et des jeunes femmes.
Parties annexes
Notes biographiques
Elsa Beaulieu est doctorante en anthropologie à l’Université Laval et coordonnatrice du Groupe interuniversitaire et interdisciplinaire de recherche sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS), attaché à l’École de service social de l’Université de Montréal. Elle est titulaire une maîtrise en études et interventions régionales de l’Université du Québec à Chicoutimi, ainsi que d’un diplôme de deuxième cycle en développement économique communautaire de l’Université Concordia. Sa recherche doctorale porte sur la Marche mondiale des femmes au Brésil, en rapport avec des initiatives de femmes rurales en vue de la construction d’une économie dite solidaire dans la région ouest du Rio Grande do Norte.
Stéphanie Rousseau est professeure agrégée au Département de sociologie de l’Université Laval depuis 2005. Elle est titulaire d’un doctorat en science politique de l’Université McGill (Montréal) et d’une maîtrise en études internationales de l’Université Carleton (Ottawa). Auteure de l’ouvrage Women’s Citizenship in Peru. The Paradoxes of Neopopulism in Latin America (New York, Palgrave Macmillan, 2009), elle a publié plusieurs articles dont les suivants : « Indigenous and Feminist Movements at the Constituent Assembly in Bolivia : Locating the Representation of Indigenous Women » (Latin American Research Review, 46, 2, 2011 : 5-28) et « The Politics of Reproductive Health in Peru : Gender and Social Policy in the Global South » (Social Politics. International Studies in Gender, State and Society, 14, 1, 2007 : 93-125).
Note
-
[1]
Nous employons ici la formulation « femmes/genre et développement » non parce que nous pensons que les termes « femmes » et « genre » sont équivalents, ni pour signifier une position théorique. À nos yeux, cette formulation désigne deux choses : premièrement, le fait que, chronologiquement, la pensée et les pratiques féministes en rapport avec le développement se sont d’abord attachées aux femmes elles-mêmes avant de prendre pour objet les rapports sociaux de sexe; deuxièmement, le constat que, même aujourd’hui, pour toutes sortes de raisons, dans la pratique du développement tout comme dans une partie de la littérature qui s’y intéresse, le terme « genre » tend à être sous-théorisé et employé comme une sorte d’équivalent du mot « femmes » plutôt que de servir à mettre en lumière les rapports sociaux de sexe, leur caractère dynamique, leurs dimensions relationnelles et leurs modes de fonctionnement (Bisilliat 2000).
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