Chercheuse féministe et professeure de droit, à la retraite, de l’Université Laval, Ann Robinson nous offre son premier roman. Une mère de quatre enfants, deux fois divorcée, écrit son journal à la fin des années 80. Avec humour, elle adresse ses pensées profondes, ses secrets intimes et ses divagations à sa « chère Ordine » (p. 11), discrète, efficace, qui semble même parfois discuter avec elle. La vie de la narratrice, professeure d’université, est d’entrée de jeu fort mouvementée et pas très heureuse. Cette femme ressent un sentiment d’échec à la suite de ses relations difficiles avec « Premier Ex » (p. 13) et « Deuxième Ex » (p. 29). Elle trouve que ses enfants – qu’elle adore – lui en demandent beaucoup, elle travaille énormément pour joindre les deux bouts, car elle est soutien de famille, et elle suit une thérapie pour se sentir mieux dans sa peau. La maison ancestrale à l’île d’Orléans, est à la fois son point d’ancrage et une lourde charge. Elle fera tout pour la garder, en dépit des préoccupations économiques. Cette maison accueille et abrite toute la tribu, soit « Premier Fils » et « Dernier Né », « Première Fille » et « Deuxième Fille » et leurs amis. Le thème principal est la trajectoire de la narratrice vers le lesbianisme; l’amour et le féminisme sont des sous-thèmes importants. La nature, splendide et apaisante, est très présente. Les 27 courts chapitres se divisent en trois parties. La première, « Retour à la case départ » (p. 9), s’ouvre à un moment charnière dans la vie de la protagoniste : « Féministe convaincue à l’université, il fallait maintenant le devenir dans ma vie privée. C’est ainsi que je me suis retrouvée rapidement devant une nouvelle rupture en prenant conscience que cette deuxième conjugalité m’opprimait tout autant que la première » (p. 17). Celle qui signe « Ton mouton noir » (p. 19) écrit, courageusement, à sa mère : « Essaie de ne pas me juger et d’accepter que je vive enfin à ma façon, comme je l’entends, sans m’occuper des convenances sociales et du bien-être matériel que procure un homme à temps plein dans une maison […] Je suis une marginale et je crois bien que je le resterai toute ma vie » (p. 18 et 19). Pour ajouter à ces difficultés, « Première Fille » a été agressée sexuellement alors qu’elle avait 15 ans. Le procès au cours duquel la jeune fille doit témoigner représente, ce printemps-là, une grande épreuve pour cette mère qui se sent coupable de ne pas l’avoir protégée, elle-même étant avocate, de surcroît, et connaissant bien la violence faite aux femmes et les imperfections du système judiciaire. Sur les entrefaites, la narratrice écrit à Nadine, partie faire des recherches en Sicile, une amie avec qui elle se sent particulièrement bien et qui lui manque beaucoup. Comme elle ne peut aller la visiter, elle choisit de manger, boire et lire… « italien »! Une rencontre fortuite et douce, avec son premier amoureux des années de collège, fait de celui-ci « L’Amant » (p. 39), un être qui n’est pas libre, mais qui lui redonne le goût de vivre. Cette relation clandestine, faite de rencontres trois fois par mois, ne satisfait cependant pas l’héroïne qui continue à rêver à Nadine (p. 67) : « Amitié? Attirance intellectuelle? Ou même attirance physique? Non, non, « je n’en suis » tout de même pas! » Puis, plus tard : « Ordine, qu’en penses-tu? Comment? Qu’est-ce que tu dis? L’amour entre femmes? Mais comment savoir? ». La deuxième partie du roman présente maints …
Ann Robinson, Et si j’en étais. Collection « Azimuts », Gatineau, Éditions Vents d’Ouest, 2009, 197 p.[Notice]
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Marie-José Des Rivières
Université Laval