Inscrites dans la poétique textuelle, les études génétiques ont l’avantage d’en élargir la perspective en y ajoutant le paramètre du temps de l’écriture, qui inclut ses différentes étapes, notamment les divers avant-textes, les journaux d’écriture et les dossiers préparatoires. L’analyse se déplace de l’auteure vers l’écrivaine, de l’écrit vers l’écriture, de l’oeuvre vers sa genèse. Comme le mentionnent Jacinthe Martel et Alain Carbonneau (1992 : 8), le développement de cette perspective tient, entre autres, au regain d’intérêt suscité par le manuscrit littéraire depuis les années 50 et 60, mais également à l’apparition de divers discours critiques et mouvements théoriques. L’étude en particulier du sujet féminin représente un aspect relativement nouveau dans ce champ d’études. C’est dans la foulée de ces recherches que se situe l’ouvrage de Julie LeBlanc, qui est consacré à l’écriture diaristique de cinq auteures contemporaines, soit quatre Québécoises et une Française. C’est la mise au jour de manuscrits pour la plupart inédits et rassemblés pour la première fois de Madeleine Ouellette-Michalska, Nicole Brossard, Marie-Claire Blais, Madeleine Monette et Annie Ernaux qui a incité LeBlanc à classer, à analyser et à transcrire les nombreux avant-textes qui accompagnent la genèse des cinq journaux appréhendés. L’étude de ces textes permet à l’auteure, dans une perspective féminine de l’écriture diaristique, de mettre au jour les différents processus d’écriture dans la concrétude de leur exécution, de montrer comment le sujet féminin s’édifie et construit sa parole à travers les phases de la création. Les manuscrits fournissent à la critique de nouvelles pistes susceptibles de mener à des analyses enrichies et plus complètes des oeuvres dont ils dévoilent la genèse. Comme le souligne LeBlanc, le sous-genre autobiographique, en raison de la grande souplesse de sa définition, ne possède pas de caractéristiques bien précises. Toutefois, ce qui rassemble ces pratiques d’écriture diverses, c’est qu’elles sont toutes issues d’un journal d’écriture ou d’un journal personnel qui renferme la genèse d’une oeuvre. Structuré en trois parties, « La genèse d’un journal », « Le journal d’une genèse » et « Le roman-journal : simulation d’une écriture autobiographique au féminin », l’ouvrage de LeBlanc débute par deux études comparatives. Dans la première partie, on trouve l’étude comparative des journaux de Madeleine Ouellette-Michalska dans un premier temps, soit celui qui a été diffusé en 1982, en 1984 et en 1985 sur les ondes de Radio-Canada, Journal intime, et celui qui a été publié chez Québec Amérique en 1985, La tentation de dire. Journal. Dans un second temps, on peut lire l’étude des journaux intimes de Nicole Brossard, celui qui a été lu par Pol Pelletier à Radio-Canada en 1983 et celui qui a été publié aux Herbes rouges en 1985, Journal intime ou Voilà donc un manuscrit. Il s’agit ici de saisir dans leur devenir ces oeuvres féministes uniques et de mettre en relief les étapes de l’écriture et de la réécriture. Au fil des pages, leur conception de l’écriture au féminin, particulièrement ses fonctions, ses modalités et sa destination, se dévoile. Dans la deuxième partie, « Le journal d’une genèse », LeBlanc se penche sur les carnets d’écriture de Marie-Claire Blais rédigés pendant la production d’Une saison dans la vie d’Emmanuel et du Testament de Jean-Le Maigre à ses frères. Elle examine également trois pratiques d’écriture d’Annie Ernaux : celle, descriptive, de Passion simple, celle de l’intimité, de Se perdre, et celle, spéculative, du journal d’écriture centré sur la genèse de Passion simple. Chez ces deux écrivaines, il existe une conception particulière de la narrativité et des principaux éléments qui la composent. Dans la troisième et dernière partie, l’auteure …
Parties annexes
Référence
- MARTEL, Jacinthe et Alain CARBONNEAU, 1992 « Présentation », Études françaises, 28, 1 : 7-10.