Comptes rendus

Michelle Perrot « Mon » histoire des femmes. Paris, Seuil, 2006, 245 p.[Notice]

  • Christine Piette

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  • Christine Piette
    Université Laval

Du 28 février au 1er avril 2005, la chaîne France-Culture a diffusé une série radiophonique de 25 émissions portant sur l’histoire des femmes. Quoi de plus naturel pour un tel projet que le recours à Michelle Perrot, pionnière de cette histoire dans l’Hexagone, bonne communicatrice, toujours aussi passionnée et engagée dans le mouvement des femmes? La série ayant remporté un vif succès, il a été décidé de fixer par écrit (accompagné d’un support CD) l’ensemble des conférences. L’ouvrage qui en a résulté, « Mon » histoire des femmes, porte la marque de cette origine, avec ses qualités et ses défauts. Le ton est vivant, alerte et accessible à tous et à toutes; synthétique, le propos est truffé d’exemples puisés dans la vaste culture de l’historienne. En revanche, public oblige, l’analyse demeure à un niveau de vulgarisation qui fait que les spécialistes n’y apprendront rien. Cette mise en garde faite, que peuvent y puiser les lectrices et les lecteurs? Au total, 5 thèmes regroupent les 25 sous-thèmes traités. Le premier, intitulé « Écrire l’histoire des femmes » se penche sur l’itinéraire relativement récent de cette écriture, soit une trentaine d’années. Inscrite dans un mouvement collectif, elle est le résultat de la prise de conscience sexuée de la société et de l’histoire. Perrot explore d’abord les raisons scientifiques et sociologiques qui ont permis de rompre avec l’invisibilité des femmes dans l’histoire et le silence qui les a si longtemps entourées. Les discours et les images les représentant ne manquaient pourtant pas, mais ces derniers en disent plus sur l’imaginaire des hommes que sur la réalité des femmes. Pour rendre une voix aux femmes elles-mêmes, la résolution du problème des sources était capitale, car ces dernières sont d’autant mieux conservées qu’elles concernent la sphère publique, alors que c’est dans le privé que les femmes étaient confinées. Dès le moment où l’on a voulu les faire émerger, on a toutefois réussi à retrouver leurs traces, du moins certaines traces, parfois par des voix détournées, partout mêlées à celles des hommes. Depuis, les digues étant rompues, nous sommes devant un corpus impressionnant de travaux de qualité portant sur les quatre autres thèmes de l’ouvrage. D’abord, le thème du corps, largement traité par les historiennes (les historiens étant rares dans le domaine). Non pas le corps envisagé dans « ses propriétés éternelles, mais le corps dans l’histoire, aux prises avec les changements du temps, car le corps a une histoire, physique, esthétique, politique, idéelle et matérielle » (p. 51). Ce thème permet d’explorer tous les âges de la vie, de la naissance à la mort, souvent pour les femmes aussi discrètes que leur vie. Il est d’abord question des apparences, en particulier la symbolique des cheveux, si centrale dans la question très actuelle du voile dont l’origine déborde largement l’islam. Ensuite, le sexe des femmes, sa représentation, sa protection et son appropriation; l’histoire du plaisir féminin et celle de l’homosexualité des femmes sont ensuite très brièvement abordées, suivies de l’incontournable sujet de la maternité, largement étudié, de même que celui de la régulation des naissances. Le chapitre se ferme sur l’assujettissement des corps (soit par la violence, soit par la prostitution) que les historiennes ont tenté de saisir à de multiples époques. En toute logique : l’âme après le corps. Vaste thème qui comprend aussi bien la religion que la culture, l’éducation que l’accès au savoir et à la création. Les trois grandes religions monothéistes ont historiquement eu comme fondement l’inégalité entre les sexes et ont exercé leur pouvoir sur les femmes qui, pourtant, ont longtemps joué le rôle de gardiennes des traditions religieuses …