Résumés
Résumé
Les émissions de téléréalité sont révélatrices d’une certaine conception de la femme, même si elles ne se réclament d’aucun féminisme. Les stéréotypes de la « féminité », c’est-à-dire un ensemble d’attentes concernant la façon dont les femmes doivent se comporter en public comme en privé, y sont sur-représentés, sur un mode quasi pornographique. Cette « quasi-pornographie » a pour fonction de favoriser l’acquisition de la norme d’internalité, c’est-à-dire celle par laquelle la fillette intériorise les critères de réussite et se les approprie, sur la base de la présentation de soi telle qu’elle est renforcée par la téléréalité – le modèle étant la vedette ou son avatar, la Lolita. Ces émissions participent ainsi de la surveillance sociale, surveillance-spectacle qui s’appuie sur l’intérêt des jeunes filles pour les mécanismes d’inclusion et d’exclusion sociale, qui influent sur la constitution de leur identité personnelle. Elles tendent à favoriser le discours féminin, perçu comme en phase avec le modèle télévisé commercial et la notoriété des marques et à évacuer le discours féministe, potentiellement critique à l’égard des pratiques, des déplacements et des dépendances véhiculées par le média. Il se dégage la nette impression d’une régression sur les acquis antérieurs des mouvements sociaux féministes et d’un grand désarroi des représentations collectives devant la précarité de l’émancipation. Cette difficulté à pérenniser les gains place les nouveaux enjeux du féminisme dans l’articulation entre libération des sexes et différence des générations.
Abstract
Reality TV programs reveal a certain vision of women, though they don’t claim any explicit relation to feminism. The stereotypes of femininity (i.e. the expectations about the way in which women are to behave in public as in private spheres) are over-represented, on a quasi-pornographic mode. Such quasi-pornography functions in order to favor the acquisition of the norm of internality whereby a young girl internalizes the social criteria for success and interprets them on the basis of the self-presentation that is re-enforced by reality programming – the role model being the star or its avatar, the Lolita. Such programs partake in social surveillance, turned into a spectacle that feeds on the young girl’s interests in understanding mechanisms of social inclusion and exclusion that in turn will influence the way she will construct her personal identity. They tend to favor a discourse on femininity, in congruence with the audiovisual commercial model and the notoriety of brands, and to exclude a discourse on feminism, that could potentially be critical of the practices, displacements and dependencies created by the media. There results a clear impression of regression from the past inroads of feminist social movements and a great sense of disarray in relation to the precariousness of emancipation. Such difficulty in maintaining feminist gains implies to posit the new stakes of feminism in the need to bridge the gap between the generations as much as between the sexes.
Parties annexes
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