Le champ de la sexualité constitue à la fois un lieu et un enjeu majeur de la construction des genres et, de façon générale, des rapports sociaux de sexe. C’est à l’intérieur de cette problématique que le livre de l’auteure et historienne Yvonne Knibiehler s’inscrit : elle y tente plus particulièrement de comprendre comment la sexualité a été historiquement pensée, organisée et représentée par les sociétés occidentales depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Son ouvrage : La sexualité et l’histoire présente donc un vaste panorama des « façons » par lesquelles ces diverses sociétés ont encadré et régulé la sexualité des femmes et des hommes, en assignant aux unes et aux autres des places inégales et en fondant d’abord et avant tout les relations de couple sur la procréation, au moins jusqu’au xxe siècle. Le point de départ du livre est général : se basant sur l’appel au dépassement de la seule dimension physique de la sexualité, lancé récemment par Philippe Sollers dans Cavale, l’auteure entend apporter des réponses en faisant oeuvre d’historienne, c’est-à-dire en examinant le passé pour comprendre le présent ainsi que penser et organiser l’avenir. Deux raisons principales la motivent à s’attaquer à ce projet. Il faut, dit-elle, « repenser la relation entre les sexes » et « repenser l’éducation sexuelle » (p. 7). Si Yvonne Knibiehler n’utilise pas d’approche ni de méthode particulière pour réaliser son étude, elle la situe tout de même dans un cadre féministe et cherche à mettre à nu ce qui encadre et définit socialement les relations hommes-femmes depuis le monde gréco-romain. Son objectif, à la fois vaste et général s’inscrit dans le contexte de bouleversement de la sexualité depuis 40 ans (la révolution sexuelle) mais également dans celui, plus récent, de mondialisation de la sexualité et de marchandisation des corps qui la caractérise, et elle en appelle aujourd’hui à une adaptation des usages et surtout de l’éducation sexuelle. Précisons d’emblée que cet ouvrage d’Yvonne Knibiehler est d’abord et avant tout une synthèse ce qui veut dire qu’il présente les avantages et les inconvénients de ce type d’étude. Il constitue une bonne introduction à la question de la sexualité dans l’histoire selon une perspective de longue durée en se concentrant à la fois sur les pratiques liées à la sexualité et sur l’apprentissage de ces pratiques d’un point de vue diachronique, mais c’est aussi un livre général qui ne permet pas toujours de grandes nuances. Ici, les « les grecs et les romains » sont traités généralement ensemble ; le Moyen Âge est parfois décortiqué mais parfois aussi considéré comme une période homogène ; de même, si certaines nuances sont apportées ici et là quant aux ordres ou aux classes sociales, ailleurs les divers groupes sociaux sont fusionnés pour faire ressortir les grandes dominantes du fonctionnement social en matière de sexualité, ce qui conduit à des généralisations un peu irritantes. L’ouvrage s’articule en six chapitres : les jeunes, les couples, les amours, les « genres », les violences et les parents, où sont traitées conjointement les deux idées à la base du livre (« repenser la relation entre les sexes et l’éducation sexuelle »). Chaque chapitre est donc l’occasion d’explorer la vision, les pratiques et l’encadrement des activités liées à la sexualité, en particulier par l’Église catholique à laquelle est accordée une part importante de la démonstration en raison de sa domination historique. Dans tous les chapitres, l’auteure aborde également le système de domination des femmes (le « viriarcat ») différent selon les sociétés et pourtant commun à toutes, notamment à travers la construction des sexes en genres, le recours à …
Yvonne KnibiehlerLa sexualité et l’histoire. Paris, Odile Jacob, 2002, 267 p.[Notice]
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Sylvie Pelletier
Département d’histoire
Université Laval