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Bien que l’oeuvre de Lady Margaret Beaufort, première femme anglaise à être publiée, ait été le plus souvent négligée au profit de ses talents de stratège du camp des Lancastre ou de son rôle de fondatrice de la dynastie des Tudor, les analyses de Brenda Hosington et de Stephanie Morley ont récemment mis en lumière l’importance et la singularité de son cas. Dans la continuité de ces travaux, j’examine ici les stratégies à l’oeuvre dans sa traduction du quatrième livre du De Imitatione Christi, le fameux traité de dévotion attribué à Thomas à Kempis, en portant une attention particulière à la force évocatrice de l’oeuvre de Lady Margaret, ainsi qu’à ses doubles valences. M’appuyant d’une part, sur les analyses de Hosington, qui identifie la source française du texte, et offre un exposé détaillé des stratégies d’« explicitation, inclusion, personnalisation, [et] intensification » déployées par Lady Margaret ; et d’autre part, sur les remarques théoriques de Morley, selon qui la traduction permet à cette dernière de « s’octroyer le pouvoir symbolique de manipuler sa propre identité publique », je m’intéresse ici aux procédés de traduction qui lui permettent d’entremêler, au sein d’un texte portant sur l’Eucharistie, la ferveur de la dévotion et l’instruction pratique. Bien que la traduction laisse a priori peu de place à l’expression personnelle, le choix de la source et l’exercice même de réécriture d’un texte destiné à la transmission et à la diffusion d’enseignements théologiques donnent ici à lire tout ensemble le moi et son public ; il semble alors, pour reprendre les termes de Meredith Skura, que, tout en évoquant le moi intérieur, Lady Margaret Beaufort retrace aussi « l’histoire de ses relations aux autres ».