Résumés
Résumé
Lorsqu’à la suite d’une longue série d’apostrophes à la Nuit, la Chance, et le Temps, Lucrèce dénonce sa propre façon de se plaindre et condamne ses vaines paroles, elle utilise de nouveau l’apostrophe, transformant ainsi ses mots en action d’une façon particulière, désignée par la « figure d’action » (« action figure », d’après les historiens de la rhétorique tels que George Puttenham). La manière avec laquelle le langage figuratif de Shakespeare dans ce poème fait appel à plusieurs reprises à un sens de l’action — activité, energeia — amène à reconsidérer l’importance du drame dans cette oeuvre essentiellement narrative, et la nature de la pensée. La charge dramatique de ces figures, ainsi que leur interaction avec l’intrigue, ouvrent de nouvelles perspectives au sujet du rôle de Lucrèce en tant que protagoniste. L’importance mise sur l’activité dans le langage même de l’oeuvre met en lumière le rôle d’agent du personnage, tout particulièrement dans les figures de style qui ont souvent été considérées comme l’expression de sa passivité et de son immobilisme, telles qu’apostrophe, proclamation, syneciosis ou paradoxe, et ecphrasis. Ce drame de l’action, même au coeur de la souffrance et de grande tristesse, est par ailleurs éclairé à l’aide d’un passage de la Poétique, dans laquelle Aristote avance qu’un pathos est une praxis. Le parcours d’une victime de viol souffrante et réussissant quand même à exercer assez de force pour infléchir les événements et la signification de cette tragédie est un processus d’une importance capitale pour la compréhension de Lucrèce; ce qui comporte aussi des implications significatives pour la dynamique entre le langage et l’intrigue, voir pour la pensée, ainsi que pour l’oeuvre subséquente de Shakespeare.