Revue multidisciplinaire sur l'emploi, le syndicalisme et le travail
Volume 11, numéro 1, 2017
Sommaire (5 articles)
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Présentation du numéro
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La mise en oeuvre de la Loi sur les normes du travail : étude empirique d’un modèle singulier d’inspection du travail
Dalia GESUALDI-FECTEAU et Guylaine VALLÉE
p. 4–31
RésuméFR :
L’inspection du travail a pour mission, dans plusieurs systèmes nationaux, d’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs. Au Québec, l’inspection en matière de normes du travail est confiée à un organisme administratif qui possède un large éventail de moyens d’intervention pour réaliser cette mission. Après avoir présenté la genèse et les caractéristiques de ce modèle d’inspection du travail, l’article examine, à l’aide de deux études empiriques menées entre 2012 et 2015, comment cet organisme administratif [la Commission des normes du travail, au moment de la réalisation de ces études] utilise concrètement ses moyens d’intervention. Les résultats montrent qu’outre les caractéristiques institutionnelles de l’organisme chargé de l’inspection du travail (notamment son autonomie et son expertise spécialisée), des facteurs organisationnels liés à son fonctionnement interne ont des effets réels dans la réalisation de son mandat. Ainsi, les moyens d’intervention que ses agents, notamment les inspecteurs-enquêteurs, choisissent de mobiliser, la reconnaissance et l’encadrement de leur rôle au sein de l’organisation et les ressources dont ils disposent ont un impact direct sur la manière dont les normes du travail sont appliquées. Ces facteurs sont particulièrement utiles dans l’analyse des impacts que pourraient avoir les changements organisationnels engendrés par la création de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) le 1er janvier 2016.
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La défense des droits des travailleuses et travailleurs. Enjeux et défis d’une mobilisation collective à Montréal
Loïc MALHAIRE, Lucio CASTRACANI et Jill HANLEY
p. 32–59
RésuméFR :
L’article explore les enjeux de deux campagnes de mobilisation réalisées au Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI), auprès de personnes (1) immigrantes permanentes insérées en agence de placement et (2) migrantes temporaires. À partir de données collectées par participation observante et complétées par des entretiens semi-directifs, nous restituons une chronologie des deux actions collectives dont nous analysons les défis et les stratégies. Les résultats montrent que ces deux mobilisations constituent des réponses alternatives et complémentaires à des syndicats inopérants pour rejoindre la main-d’oeuvre précaire immigrante. Premièrement, le CTI offre les ressources humaines et matérielles nécessaires pour le développement du leadership des personnes qui deviennent sujet de droit et acteur de leur lutte. Cette dimension citoyenne semble d’ailleurs tout aussi importante pour les travailleurs que l’amélioration de leurs conditions matérielles de travail. De plus, les deux campagnes montrent une complémentarité entre la défense individuelle et collective de la main-d’oeuvre. D’autre part, les collaborations menées avec un syndicat révèlent un rapprochement stratégique entre deux organisations dont les ressources et les expertises sont complémentaires, renforçant aussi la légitimité du CTI. Cependant, l’engagement communautaire du syndicat reste marginal et produit des effets limités quant aux résultats des campagnes et à la possibilité de transformer profondément ses pratiques. Enfin, l’informalité des rapports de travail qui concernent les deux catégories d’immigrants, oblige à composer avec des moyens tout aussi informels pour appuyer leur organisation, rendant nécessaire le réseautage communautaire, religieux et culturel.
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La décision de faire la grève : déterminants théoriques et perceptions syndicales
Marc-Antonin HENNEBERT et Marcel FAULKNER
p. 60–85
RésuméFR :
Dans le contexte du déclin tendanciel du nombre de grèves au Québec et dans une vaste majorité de pays industrialisés, cet article s’intéresse à la décision syndicale de faire grève. Partant de ses principaux déterminants théoriques, les auteurs confrontent ces derniers aux perceptions entretenues à l’égard de la grève par des représentants syndicaux actifs dans les processus de négociation collective du secteur privé québécois. L’analyse des entretiens réalisés dans le cadre de cette étude témoigne tout d’abord d’une forte intégration par les représentants syndicaux des contraintes qui pèsent aujourd’hui sur la pratique de la grève, que celles-ci soient de nature économique, institutionnelle, organisationnelle ou, encore, qu’elles soient relatives aux dynamiques de mobilisation que la grève implique. Si les représentants syndicaux rencontrés ne représentent pas un bloc homogène, cette étude souligne néanmoins la nature plus ambiguë du rapport qu’ils entretiennent désormais à son égard. De manière générale, ce rapport se caractérise par une plus grande prudence qui commande une analyse plus serrée des risques et des avantages associés au déclenchement d’une grève. Les propos de nos répondants permettent toutefois de conclure que la prudence affichée n’est pas une abdication et que la grève constitue toujours un outil important du répertoire de l’action syndicale.
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Perspective historique de la responsabilité sociale des entreprises (RSE)
Nejla JBARA
p. 86–102
RésuméFR :
La responsabilité sociale des entreprises est une notion très répandue sur le plan international, aussi bien dans les pays développés que dans les pays sous-développés. Le Maroc ne fait pas exception : il adhère bel et bien à cette pratique, constituant depuis quelques années un chantier dans lequel innovation sociale et économique sont en plein développement. En bref, les entreprises qui y pratiquent sont amenées à jouer un rôle qui dépasse le cadre de leur activité économique, en participant au bien public, en luttant contre la pauvreté, l’analphabétisme, etc., ainsi qu’en promouvant le développement durable, la gouvernance, l’éthique et l’instauration d’une philosophie conforme aux droits de l’homme. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a pu distinguer trois vagues successives de conception de la RSE : dans les années 1950, la conception éthique aux États-Unis ; dans les années 1970-1990, la conception utilitariste aux États-Unis ; depuis 1990, la conception fondée sur la soutenabilité dans les pays européens occidentaux qui est loin d’être arrivée à maturité encore de nos jours.
Dans notre article, nous essaierons de définir ces trois conceptions de la RSE en nous attardant aux différents termes qui ont vu le jour en association avec cette notion : éthique, gouvernance, développement durable, management responsable, etc. Nous exposerons en même temps le cas du Maroc, en tant que situation prometteuse d’intégration de la RSE dans les pays en développement.
L’analyse de ces trois conceptions se fera dans une perspective historique, par la présentation des lieux et des dates d’apparition et de développement de cette notion, y compris de son développement historique au Maroc.