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Ce numéro de REMEST présente deux articles au sujet de facteurs structurant l’évolution des conditions de travail : la législation sur les normes du travail dans le premier cas et un type d’organisation du travail, soit le lean manufacturing dans l’autre cas. Le troisième article de ce numéro présente «L’abduction et l’enquête sociale comme procédé méthodologique pragmatiste». Cet article complète l’article théorique présenté par Hallée dans le numéro précédent de REMEST, article intitulé : Spécificité de l’institutionnalisme pragmatiste de John Rogers Commons. Une réhabilitation du cadre commonsien dans le champ disciplinaire des relations industrielles ». Le quatrième article analyse l’évolution des critères utilisés par les recruteurs canadiens dans les annonces d’emploi.
L’article de Dumaine et Perreault évalue les effets de la mise en oeuvre de certaines dispositions de la Loi sur les normes du travail en fonction de diverses formes d’emploi. Cette Loi est aujourd’hui mise à l’épreuve par les nouvelles réalités du travail. De son adaptation et adéquation à ces réalités découlent sa pertinence et son respect par les salariés et employeurs. Leur analyse se fonde sur les données d’un sondage mené en 2010 auprès de 3 413 salariés non syndiqués. Le principal constat qui se dégage de l’enquête est que le statut d’emploi temporaire est associé à un plus grand risque d’infraction à la Loi. Ainsi, les salariés québécois ne disposent pas d’une protection équivalente de la Loi. Selon les auteurs, cette situation pose un problème politique et organisationnel. Les prochaines recherches devront tenter de comprendre quelles sont les limites dans les mécanismes et pratiques de surveillance de la Commission des normes du travail qui peuvent expliquer ce résultat. De même, il faudra mener une enquête auprès des directions d’entreprises pour tenter de comprendre quels sont les facteurs organisationnels qui contribuent à cette situation.
Bruere propose une analyse des liens entre le système de production Lean manufacturing et la santé au travail. Inspiré du modèle Toyota, ce système de gestion de la production s’étend partout en occident, et déborde le secteur manufacturier pour s’étendre au secteur des services. Au Québec, son extension au secteur des services de santé et des services sociaux est en plein développement et soulève de nombreuses critiques. À titre d’exemple, voir : http://recifs.ca/le-lean-fait-mal-a-la-sante/. Partout où il est implanté, ce mode de gestion semble soulever des questions en matière de prévention des risques professionnels. À partir de l’analyse de 58 textes pertinents recensés dans la littérature scientifique francophone et anglo-saxonne, l’auteur dresse un bilan général tendant à justifier les inquiétudes soulevées par les salarié.es. : augmentation du stress, des troubles musculosquelettiques, dégradation des conditions de travail… Il semble que les dispositifs concrets de mise en application du lean manufacturing soient déterminants dans ses effets sur les conditions de travail.
Hallée poursuit son objectif de réhabilitation de l’analyse commonsienne en relations industrielles, en mettant l’accent dans son article sur ses dimensions épistémologiques et méthodologiques. Il explique les caractéristiques de la méthode de l’abduction proposée par Commons comme alternative à la tradition analytique cartésienne, qu’il contraste avec les méthodes de l’induction du positivisme et de la déduction du néo-positivisme. Il explique ensuite les procédés de l’expérimentation active, ou de mise à l’épreuve, et de causalité circulaire pour finalement illustrer cette méthode avec l’expérience d’enquête de sa thèse de doctorat qui avait pour objet les travaux en comités d’équité salariale.
Finalement, Lauzier, Annabi, Matte et Mélançon présentent une analyse de l’évolution des critères utilisés par les recruteurs canadiens dans les annonces d’emploi. Selon les auteurs, considérant la perspective d’éventuelles pénuries de main-d’oeuvre, il y aurait un renversement des rôles sur le marché de l’emploi : il reviendrait maintenant aux employeurs de séduire les meilleurs candidats. L’étude s’appuie sur une approche marketing axée sur la « marque employeur ». Les auteurs se demandent alors quels sont les critères qu’utilisent les recruteurs afin d’attirer des candidats au sein de leur entreprise ? Est-ce que ces critères varient selon le secteur d’activité ? Existe-t-il des tendances évolutives quant aux critères utilisés par les recruteurs afin de mettre en valeur les emplois disponibles ? La recherche a étudié les 1186 annonces publiées dans une revue spécialisée dans les questions d’emploi entre 2000 et 2010.
Bonne lecture !