Résumés
Sommaire
Cet article s’inscrit au sein des débats qui accompagnent le développement spectaculaire des marchés financiers et la naissance au cours des dix dernières années d’une industrie financière internationale. Notre recherche s’est construite à partir du constat de l’émergence d’une nouvelle catégorie d’acteurs, celle des analystes financiers opérant au sein des sociétés de bourse filiales de grandes banques d’investissement françaises, chargés d’analyser les sociétés cotées et d’émettre des recommandations d’achat ou de vente à destination des marchés financiers et dont beaucoup d’auteurs estiment qu’ils jouent un rôle majeur au sein de cette industrie. Elle repose sur une étude de la littérature historico-sociologique relative aux sociétés de bourse et aux analystes financiers. Cette analyse de la littérature, reliée à une analyse documentaire managériale (études de cas, enquêtes de rémunération...) vise à identifier les principales configurations de gestion des ressources humaines (GRH) en vigueur au sein des entreprises d’investissement opérant sur le marché financier français.
La GRH des sociétés de bourse a été bouleversée en France par l’accroissement de la concurrence des structures anglo-saxonnes. C’est ainsi que les organisations au sein desquelles évoluent les analystes financiers français ont dû opérer une mutation de leur gestion du travail qui a pris principalement la forme de politiques de rémunération incitatives. Cet article montre comment, dans cette perspective, s’est structurée la fonction ressources humaines des activités de marché des banques françaises dans un processus de mimétisme des pratiques de GRH déjà existantes au sein des structures anglo-saxonnes.
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Parties annexes
Notes
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[1]
Déclaration du Procureur de la République de Paris suite à la mise en examen du salarié pour abus de confiance (AFP, 28 janvier 2008).
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[2]
Courtier qui passe des ordres de bourse pour le compte de tiers. La dénomination juridique de ces sociétés est « entreprise d’investissement » selon le code monétaire et financier.
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[3]
Les auteurs notent qu’un fondé de pouvoir pouvait recevoir jusqu’à 92 mois de salaire, contre 6 pour un administratif.
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[4]
Par exemple, la convention collective de la banque de détail identifie des « métiers-repères ». A un même métier correspond un éventail possible de niveaux dans une grille de classification qui peut aller de cinq niveaux pour un chargé de clientèle entreprises (F à J), à 7 niveaux pour un technicien administratif des opérations bancaires (A à G) et 6 niveaux pour un responsable de point de vente (F à K).
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[5]
Notamment, études de cas d’Harvard : « Morgan-Stanley : Becoming a one Firm-Firm » (2006) ; «The Firm wide 360-degree Performance Evaluation Process at Morgan Stanley» (1998) ; « Morgan Stanley and S.G. Warburg: Investment Bank of the Future» (1998).
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[6]
Sur les politiques de rémunération des banques d’investissement américaines, notamment : Jacobs (2003), «Which Incentives Pay Off Now? » (à partir de l’analyse de la politique RH de Citigroup), Harvard Management Update Article ; Leser (2006), « Goldman Sachs, une banque toute puissante », Le Monde du 23 juin.
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[7]
Ces opérations sont qualifiées dans l’industrie financière de « méga-deals ». Selon le cabinet d’études Dealogic (2006), le montant moyen d’une opération de fusion-acquisition (à laquelle la banque perçoit une commission) réalisée par Goldman Sachs en 2006 était de 2,2 milliards d’euros, plus que chez Morgan Stanley (2 milliards), Merrill Lynch (1,9 milliards) ou encore Credit Suisse (1,6 milliards). Ce marché des fusions et acquisitions a atteint en 2006 un montant de 3.368 milliards de dollars (2.634 milliards d'euros) avec 36 % du total de l’activité pour le marché américain (1.220 milliards de dollars). Pour 2007, ce sont ces mêmes activités qui représentent la plus grande part du profit des banques (Le Monde du 16 janvier 2008). La crise financière de 2009 a considérablement modifié cette donne puisque depuis le début de l’année 2008, cette activité a baissé de près de 30 % sur les marchés européens et américains (source : Thomson Reuters).
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[8]
Cité par Le Monde Economie du 28 novembre 2005
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[9]
Rendu obligatoire par la loi du 12 juillet 1977 pour les entreprises de plus de 300 salariés, le bilan social fournit des informations sur les paramètres les plus représentatifs de l’activité des ressources humaines : indicateurs statistiques pour les trois dernières années portant sur l’emploi, les rémunérations, les conditions de travail, la formation et les relations professionnelles. Le bilan social donne une définition stricte des salaires (à savoir les salaires fixes, primes, avantages en nature) car la présentation des bilans sociaux est encadrée par le code du travail. Les rémunérations indiquées au bilan social n’incluent donc pas les stock-options, l’intéressement et la participation. Cela contribue selon nous à quelque peu minimiser le montant global des rémunérations versées.
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[10]
Ces études sont citées par la presse financière ou généraliste et analysées par le Guide des Carrières en Finance édité à Paris par Efinancialcareers.fr (coordonné par Catalano, 2006).
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[11]
Données concernant l’industrie financière britannique pour le premier et les activités de marché à New-York pour le second.
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[12]
Ainsi, l’action de Bear Stearn (cinquième banque d’investissement de Wall Street rachetée en mars 2008 par JP Morgan Chase) a perdu au cours du premier semestre 2008 83,41 % de sa valeur, chutant à un peu moins de deux dollars l’action. 30 % des 14.000 salariés de cette banque en étaient actionnaires.
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[13]
Dans Le Monde Economie, 5 février 2008, p. 3.
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[14]
Source : Les Echos du 30 mars 2009.
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