Recensions

Matthew R. Anderson, Prophets of Love: The Unlikely Kinship of Leonard Cohen and the Apostle Paul, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2023, 192 p., ISBN 9780228018643[Notice]

  • Mikołaj Wyrzykowski

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  • Mikołaj Wyrzykowski
    Université du Québec à Montréal

Quand, dans The Future, l’on entend Leonard Cohen chanter « Give me Stalin and St. Paul », on ne se doute aucunement d’une possible analogie entre ce dernier et le poète-compositeur montréalais. Et pourtant, Matthew R. Anderson, qui enseigne les études bibliques à l’Université Concordia et St. Francis Xavier University, spécialiste en études pèlerines et paulines, relève dans l’ouvrage Prophets of Love le défi de rapprocher ces deux figures et les religions qu’ils partageaient. Comme il le fait remarquer, Leonard est, paradoxalement et en dépit de son profond attachement au judaïsme, plus chrétien que Paul – du simple fait qu’il a vécu deux mille ans plus tard, ce qui lui permet d’avoir recours à l’imagerie façonnée par les siècles du christianisme –, alors que l’apôtre-missionnaire, a quant à lui vécu, et est mort, en tant que juif. Au coeur de la relation entre ces deux « prophètes de l’amour », l’on trouve donc le judaïsme et Jésus. Anderson rend Paul et Leonard plus proches, déjà, en employant leurs prénoms, et s’attarde à briser les stéréotypes qui les entourent. Il démontre ainsi combien Paul n’était pas misogyne, malgré certains passages de ses Épitres (1 Cor, 13-34) qui ont contribué à l’établissement d’un tel portrait. Il prend en même temps en compte les arguments, qui ont explosé au cours du mouvement MeToo, dénonçant Cohen comme « ladies man », et analyse de près la relation que le chanteur canadien établissait entre la femme, le sexe et Dieu. Sa recherche est menée dans une approche théologique et socio-historique, avec quelques touches d’analyses stylistique et rhétorique, et parsemée d’humour et d’anecdotes personnelles. Dans chacun des onze chapitres, sa propre analyse comparative est suivie d’une « méditation » sur les textes choisis, à laquelle invite l’auteur, ainsi que de lectures complémentaires proposées afin d’approfondir la réflexion. Cet ouvrage, loin de figer le sens par des analyses exhaustives, se propose comme un manuel de lecture permettant d’ouvrir de nouvelles voies d’interprétation. Si Paul est étudié par le prisme de son judaïsme, il se rapproche de Leonard Cohen, notamment par la centralité de Jésus dans ses épitres, cependant le poète et chanteur se représente le Christ bien autrement. En les imaginant comme compagnons de route, Matthew R. Anderson s’adonne à un jeu de contrastes et de ressemblances, et dresse ainsi un portrait révélateur des deux figures et de leurs religions respectives. Cet ouvrage commence précisément par la comparaison de ces mythologies : en effet, si Paul a été (mal)compris comme voulant élever les chrétiens au statut de nouveau peuple élu – au détriment des Juifs, considérés dès lors comme formant un « peuple déicide » –, Leonard, dont les paroles sont imprégnées par le judaïsme ainsi que par les intertextes et les images chrétiens, permet quant à lui de mieux comprendre la nature de l’énonciation de l’apôtre-missionnaire, et vice versa (p. 25). Comme cela est mentionné ci-dessus, cela n’empêche pas la fascination que Jésus suscite chez eux. Or, tandis que l’un le voit en tant que le Christ rédempteur dont la résurrection annonce la quasi-imminence du Jugement Dernier, l’autre ne décrit pas son humiliation comme une exaltation, mais se concentre sur ce que sa souffrance révèle de notre condition humaine : « Put briefly : Paul is a preacher, Leonard a witness » (p. 35). Si cette différence fondamentale se manifeste dans plusieurs aspects de leurs écrits, ils échangent étonnamment leurs attitudes quand de Jésus ils passent au rapport aux femmes. Le contraste ne pourrait être plus grand : Paul prônait en effet le célibat, alors que le sexe et les femmes sont omniprésents dans l’oeuvre …

Parties annexes