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Le rôle des organisations non gouvernementales (ONG) dans la gouvernance climatique est capital, que ce soit au Sahel, à l’île Maurice, ou dans d’autres pays (Chacowry, 2023; Tahiru Dallas et coll., 2019), surtout quand les changements climatiques sont perçus comme un enjeu social et non seulement économique ou environnemental (Allan, 2020). Dans certains cas, les ONG ouvrent la voie. Ainsi, au Bangladesh, l’implication de la société civile, à travers des ONG et des institutions de recherche, a précédé dès les années 1990 l’établissement d’un cadre d’action gouvernemental (Ayers et Huq, 2008). Rojas Blanco (2006) souligne le besoin d’échange d’informations entre les organismes communautaires, les ONG et le secteur académique. Dans le même ordre d’idée, les coopératives énergétiques s’établissent à travers le monde, et en particulier au sein de l’Union européenne. Elles catalysent la transition énergétique, tout en générant des retombées positives pour les communautés et en contribuant à changer les perceptions sur la question de l’énergie (Capellán-Pérez et coll., 2018; Hentschel et coll., 2018; Hufen et Koppenjan, 2015). On trouve, par exemple en Allemagne, une grande variété de modèles économiques de projets énergétiques à l’échelle locale, s’apparentant à des coopératives, comme les parcs éoliens citoyens (« Bürgerwindparks ») (Yildiz et coll., 2014). Le modèle coopératif connaît cependant aussi, tout comme l’action climatique des ONG et communautés, certaines limites, comme des barrières financières, fiscales, réputationnelles, l’aversion à la prise de risque ou le manque de compétences et de temps des bénévoles (Herbes et coll., 2017; Hufen et Koppenjan, 2015; Tarhan, 2015).

Le Canada, et en particulier les communautés côtières du pays, est sévèrement affecté par les impacts des changements climatiques (Cohen et coll., 2019; Dietz et Arnold, 2021). En l’absence d’un cadre fédéral portant sur l’adaptation (jusqu’à la Stratégie nationale d’adaptation du Canada en 2022), l’action en la matière a longtemps reposé sur les initiatives portées par les autorités et communautés locales (Chouinard et coll., 2015, 2017). La nouvelle stratégie nationale ne remet d’ailleurs pas en question le rôle des municipalités et gouvernements régionaux, qui restent responsables de l’aménagement du territoire et du zonage, ainsi que de la gestion des risques d’inondation et de feux de forêt (Canada, 2023). Les approches basées sur les communautés (Forsyth, 2017; McNamara et Buggy, 2017) sont ainsi particulièrement appropriées au contexte canadien. Cette échelle d’action locale apporte des avantages en ce qu’elle peut favoriser l’innovation et la recherche de solutions localement appropriées (Birchall et coll., 2021; Shi, 2019), mais pose aussi le problème du manque de ressources des petites municipalités ou des territoires non incorporés (Guillemot et Aubé, 2015).

La province du Nouveau-Brunswick est l’une des moins organisées à l’échelle locale au Canada (Finn, 2008). Avant la réforme de gouvernance locale de 2021, le tiers de la population habitait dans des districts de services locaux (DSL), qui couvraient les deux tiers du territoire, et qui n’avaient ni élus municipaux ni assiette fiscale propre, et qui dépendaient essentiellement de la province et du soutien des commissions de services régionaux (CSR) pour assurer les services (Signer et coll., 2014).

Il s’agit aussi de l’une des provinces les moins riches du Canada. Selon le recensement de 2016, le revenu total moyen individuel était de 31 000 $ CAN, le deuxième le plus faible après le Nunavut. Les districts de recensement englobant les territoires de Lamèque et du bassin de Cocagne se situent légèrement au-dessous de la moyenne provinciale (27 400 $ CAN pour Gloucester, 28 200 $ CAN pour Kent) (Census mapper, n.d). Ces régions fortement rurales ont été ciblées par des programmes et mesures de lutte contre la pauvreté depuis les années 1960 et 1970 comme le programme Chances égales pour tous (Cormier, 2004; Lewey et coll., 2019), les réseaux d’inclusion communautaire créés en 2010 avec la Loi sur l’inclusion économique et sociale et la stratégie Ensemble pour vaincre la pauvreté (CCND, 2012), et incorporé aux CSR en 2023 (Nouveau-Brunswick, 2023). En effet, il ne peut pas y avoir de développement durable sans un engagement social de lutte contre la pauvreté (Veyret, 2008). Face à ce manque de ressources institutionnelles et financières, la société civile a ainsi appris à se mobiliser en bâtissant des structures pour « vivre ensemble en créant des associations » (Landry, 2015, p.145).

En plus des défis socioéconomiques, les communautés, en particulier côtières, sont vulnérables à différents aléas climatiques, comme les événements extrêmes (tempêtes, tempêtes de verglas, etc.) de plus en plus fréquents et intenses, l’augmentation du niveau de la mer et l’érosion côtière (Dietz et Arnold, 2021). Pour les communautés du Nouveau-Brunswick, ces événements météorologiques extrêmes représentent un défi majeur en termes de vulnérabilité (Chouinard et coll., 2015, 2017; Klenk et Meehan, 2017). Plusieurs initiatives ont été menées depuis le début et le milieu des années 2000 dans différentes parties de la province afin de réduire cette vulnérabilité (Semal, 2013)[10]

Du côté institutionnel, pour renforcer la gouvernance locale, 12 commissions de services régionaux (CSR) ont été mises en place en 2013 dans le cadre de la réforme de la gouvernance locale de 2011 (« Plan d’action pour un nouveau système de gouvernance locale au Nouveau-Brunswick »), dans le but d’assister la gestion de services partagée comme la planification territoriale et les mesures d’urgence. À la suite des inondations printanières de 2018 et 2019 le long du fleuve Saint-Jean/Wolastoq, le nombre de coordinateurs de mesures d’urgence provinciaux a doublé, coïncidant avec le nombre de CSR. Finalement, la réforme de la gouvernance locale de 2021 (Projet de Loi 82 : Loi concernant la réforme de la gouvernance locale), entrant en vigueur en 2023, réduit de 340 à 90 le nombre d’entités locales, et élimine les 236 DSL au profit de 12 districts ruraux, traduisant une volonté de renforcement des capacités de prise de décision à l’échelle locale.

La lutte contre les changements climatiques au Nouveau-Brunswick s’est articulée en trois phases guidées par trois plans provinciaux successifs (Nouveau-Brunswick 2007, 2014 a, 2022a) et la promulgation d’une loi sur les changements climatiques en 2018 (LN-B 2018, c 11, modifiée depuis). Les cibles des plans 2007-2012 et 2014-2020 sont calées sur les objectifs décidés en 2001 par la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et plusieurs premiers ministres de l’Est du Canada (Nouveau-Brunswick, 2007). Dans son plan d’action sur les changements climatiques 2014-2020, le Nouveau-Brunswick s’est engagé à réduire ses émissions à 10 % au-dessous des niveaux d’émissions de 1990 en 2020 et de 75-85 % au-dessous du niveau de 2001 jusqu’en 2050 (Nouveau-Brunswick, 2014a). Le Plan d’action sur les changements climatiques 2022-2027, nommé Notre voie vers la décarbonisation et la résilience aux changements climatiques, basé sur le plan d’action sur les changements climatiques de 2016, intitulé La transition vers une économie à faible émission de carbone, propose dans un premier temps de ramener les émissions de GES à 47 % au-dessous du niveau de 2005 d’ici 2030, et, dans un second temps, d’atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050 (Nouveau-Brunswick, 2022). Ces plans ont eu un succès indéniable puisque les émissions de GES de la province ont chuté de 38 % depuis 2005, en grande partie grâce à la mise hors service de la centrale au charbon de Grand Lake en 2010 et celle au pétrole de Dalhousie Power en 2012, et se situent maintenant en termes d’émissions d’équivalents CO2 per capita, 10 % au-dessous de la moyenne canadienne (Nouveau-Brunswick, 2022b; RÉC, 2023). Bien sûr, cela reste beaucoup en comparaison des autres pays du monde, puisque le Canada est le deuxième plus important émetteur de GES des pays du G20 après l’Arabie Saoudite (Statista, 2023). La province a ainsi atteint sa cible de 2020 et est sur une bonne trajectoire pour atteindre celle de 2030 (Nouveau-Brunswick, 2022b). Le gouvernement Higgs a néanmoins été critiqué pour la faiblesse de ses ambitions, son opposition à la taxe au carbone et son soutien au gaz de schiste et au gaz naturel liquéfié (Corbett, 2019; Emberger, 2022; Poitras, 2018).

L’éolien ne représentait que 7 % de la production électrique de la province en 2019, alors que l’Île-du-Prince-Édouard retire 99 % de son électricité de ses parcs éoliens (mais importe 60 % de l’électricité du Nouveau-Brunswick) et la Nouvelle-Écosse, 11 % (RÉC, 2023). La production d’électricité de sources renouvelables a cependant été propulsée grâce au programme d’Énergie renouvelable communautaire en 2015 (RÉC, 2023).

Sur le plan de l’adaptation, l’action du gouvernement du Nouveau-Brunswick a été relativement faible jusqu’aux années 2012 et largement dépendante du soutien du gouvernement fédéral (Noblet, 2015). Dans sa dernière stratégie, La transition vers une économie à faibles émissions de carbone — Le plan d’action sur les changements climatiques du Nouveau-Brunswick , la province du Nouveau-Brunswick organise son action en matière d’adaptation autour de six axes : 1) Comprendre les effets des changements climatiques; 2) Construire des infrastructures pouvant résister aux changements climatiques; 3) Appuyer la planification de l’adaptation à l’échelle communautaire; 4) Adapter les ressources naturelles et l’agriculture; 5) Réduire les dangers liés au climat; 6) Réduire les répercussions des changements climatiques sur la santé publique. Ainsi, le gouvernement provincial appuie la planification de l’adaptation à l’échelle communautaire sur l’ensemble du territoire depuis 2017. Toutes les municipalités côtières les plus à risque ont réalisé leur évaluation de la vulnérabilité climatique et leur plan d’adaptation (Nouveau-Brunswick, 2020).

Dans ce texte, nous voulons explorer comment l’action collective à l’échelle locale sur le littoral acadien peut contribuer à l’action et à la gouvernance climatique au Nouveau-Brunswick, dans un contexte de développement territorial durable. Comme études de cas, nous avons sélectionné le Groupe de développement durable du pays de Cocagne (GDDPC) et la Coopérative d’énergie renouvelable de Lamèque, deux organismes issus de mouvements citoyens engagés dans l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques.

Cadre conceptuel pour l’analyse des études de cas

Notre cadre théorique s’articule autour de concepts liés au développement territorial dans le contexte du développement durable, local et communautaire, dans une perspective de lutte contre les changements climatiques et d’adaptation aux impacts de ceux-ci. Cette vision du développement territorial est ancrée dans des initiatives de solidarité ou encore la transition sociale et l’innovation sociale.

Selon Guillemot et coll. (2008, p. 522), « le développement territorial reflète la capacité des acteurs à mettre en valeur les ressources locales, en exploitant leurs dimensions historiques, naturelles, économiques et sociales ». De plus, selon Gagnon et coll. (2008, p.1), le développement territorial est « l’expression du changement social caractérisé par un renforcement des partenariats, l’émergence d’acteurs multiples, la recherche de solutions autres que celles de superstructures économiques, et l’introduction de critères sociaux et culturels au-delà d’une rationalité strictement économique… ». Ici, le territoire devient un construit social avec les caractéristiques d’un système complexe, à travers quoi il acquiert une cohésion et lie les acteurs à leurs lieux de travail, de loisirs et de vie (Courlet et Pecqueur, 2013). En étudiant la mobilisation territoriale, il est également important d’observer comment les acteurs articulent leurs actions à l’échelle locale et à travers la gouvernance locale et la gouvernance territoriale partagée (Chiasson et coll., 2008; Lévesque, 2014). L’importance de la gouvernance locale dans la lutte contre les changements climatiques au Canada a été soulignée entre autres par Noblet et Chouinard (2014) et Plante et coll. (2011).

Pour Dionne et Thivierge (2000), le sentiment d’appartenance est une condition de base du développement territorial. Ce sentiment d’appartenance est néanmoins complexe, pouvant s’attacher à un territoire, à un groupe, à des relations organisées, ou à des projets communs (Leloup, 2010; Sack, 1986, dans Torre, 2018). Le territoire lui-même n’est pas défini de manière purement géographique, mais à travers les liens qui y existent (Laplante et Simard, 2013). L’appartenance au territoire évolue dans le temps en fonction de dynamiques externes et internes, liées notamment à la mondialisation et à l’innovation locale (Oliveira et coll., 2010).

L’attachement au territoire est particulièrement important dans le domaine de l’environnement, puisqu’il permet de mieux appréhender « les liens (affectifs, symboliques, traditionnels, mémoriels et souvent quotidiens) entre l’individu et son environnement (naturel et/ou bâti) » (Laberge, 2022, par. 4). Dans le contexte des changements climatiques et des risques côtiers, cet attachement peut influencer à la fois la perception des risques et l’acceptabilité des solutions proposées (Bousquet et coll., 2021; Quinn et coll., 2015).

Le territoire est aussi une « matrice culturelle et lieu de la fabrique identitaire » (Brédif, 2021, p. 149). Dans le contexte de l’histoire acadienne, marquée par l’arrachement de ce même territoire lors du Grand de 1775 à 1763 et la situation minoritaire au Nouveau-Brunswick, cet élément identitaire prend un sens particulier et très présent dans la représentation collective de l’identité acadienne (Marsh, 2015). L’attachement au territoire, réel ou idéel, peut catalyser l’action politique sous certaines conditions, que Sébastien (2016) résume en deux conditions nécessaires : « [L]es acteurs d’un territoire sont actifs 1) dans la transmission de l’attachement à autrui (lien identitaire); 2) dans l’accumulation de savoirs et pour la protection des entités aimées et de leur environnement (lien différentiel) ».

Bien sûr, d’autres facteurs sociaux, économiques et structurels, par exemple, présences de ressources, organisation de l’espace, disponibilité de services, leadership, possibilités de financement, définissent la capacité d’une population à orienter le changement (Laplante et Simard, 2013)

L’économie sociale est un autre aspect important pour l’étude de la lutte contre les changements climatiques à travers les initiatives locales. Selon Bouchard (2013, p. 2), l’économie sociale est liée à deux conditions nécessaires : « la nécessité, ou […] un besoin social non satisfait et un sens d’appartenance à un groupe social lié par une identité collective ou un destin commun ». L’économie sociale est ancrée dans l’économie participative en privilégiant les projets qui impliquent le bien-être individuel et collectif (Costanza et coll., 2015). Elle établit aussi un fort lien avec le territoire et les spécificités des communautés qui y habitent (Abele et Southcott, 2016).

L’adaptation et la lutte contre les changements climatiques s’inscrivent toutes deux dans la transition socioécologique. Celle-ci consiste en « une démarche qui fait progresser des secteurs d’activités vers un état durable, par des changements structurels et à travers un ensemble d’innovations technologiques, économiques, socioculturelles et institutionnelles se renforçant mutuellement » (Tremblay, 2011, dans Courtemanche, 2022, p. 74). Cette transition socioécologique a une composante technocentriste, soit l’innovation technologique, mais aussi une composante sociocentriste, consistant en une « reconfiguration des liens sociaux au niveau local [produisant] les innovations qui permettront la transition et rendront les communautés plus résilientes » (Audet, 2017, p. 35). Cela en fait un véhicule de choix pour un développement territorial plus intégré, englobant les trois sphères du social, de l’économique et de l’environnement, ainsi que l’héritage socioculturel et les traditions du territoire (Courtemanche et coll., 2022; Lachapelle et Bourque, 2020).

L’innovation sociale est essentielle pour mettre en oeuvre la transition socioécologique et le développement régional. On peut trouver plusieurs définitions de l’innovation sociale selon le contexte. Pour notre étude, la plus pertinente est celle de Bouchard (2011, p. 7), reprise en substance par le Forum social mondial (CRISES, 2016, dans Richard et coll., 2017, p. 43), celle d’« une intervention initiée par des acteurs sociaux, pour répondre à une aspiration, subvenir à un besoin, apporter une solution ou profiter d’une opportunité d’action afin de modifier des relations sociales de transformer un cadre d’action ou de proposer de nouvelles orientations culturelles ». Lévesque (2014a, dans Richard et coll., 2017, p. 42) voit l’innovation sociale comme un moyen de bâtir la résilience des acteurs sociaux devant la poussée néolibérale. De manière plus générale, l’innovation sociale territoriale prend en compte les réalités socioéconomiques, sociopolitiques et structurelles de la région concernée, en vue de concrétiser la vision d’une société régionale qui satisferait les besoins individuels et collectifs (Moulaert et Nussbaumer, 2014).

Question de recherche

Notre analyse vise à comprendre les caractéristiques des projets choisis par les communautés locales sur la côte Acadienne pour assurer leur développement territorial durable, et spécifiquement par rapport aux changements climatiques, durant les deux dernières décennies. Afin de répondre à cette question, nous avons sélectionné deux projets locaux emblématiques : l’un lié à l’adaptation aux changements climatiques, le Groupe de développement durable du pays de Cocagne (GDDPC) (dont c’est une mission, mais non la seule), et l’autre lié à l’atténuation, donc à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la Coopérative d’énergie renouvelable de Lamèque.

Méthodologie

Nous avons utilisé l’approche de l’étude de cas (Roy, 2021). L’étude de cas nous permet d’explorer en profondeur la question du développement durable en contexte de changement climatique. En particulier en prenant en compte le contexte et en réalisant un travail de description dense (Yin, 2009), il a été possible d’explorer en profondeur les cas du GDDPC et de la Coopérative d’énergie renouvelable de Lamèque. Le cas de Lamèque dans la Péninsule acadienne (Comté de Gloucester) a mobilisé des coopératives de pêche, de crédit et de consommateurs, en partenariat avec la municipalité de Lamèque pour la création d’une coopérative d’énergie renouvelable. Dans le cas du GDDPC (Comté de Kent), une mobilisation a eu lieu autour de la qualité de l’eau, d’activités environnementales, de projets d’agriculture locale, de la réduction de l’empreinte énergétique et climatique, ainsi que de l’adaptation aux changements climatiques et de manière générale du développement territorial du bassin versant de la rivière Cocagne.

Notre méthodologie est qualitative avec de l’analyse documentaire, des entrevues semi-dirigées, des groupes de discussion, ainsi que de l’observation participante dans le cas du GDDPC. Les résultats proviennent de différents projets de recherche qui se sont échelonnés entre 1999 et 2015. En détail :

GDDPC 

Les données proviennent de partenariats de recherche entre le GDDPC et l’Université de Moncton entre 1999 et 2015, ainsi que d’une série de 19 entrevues semi-dirigées et deux groupes de discussion tenus entre 2012 et 2015 (Chouinard et coll., 2013; Malam Harouna, 2016; Noblet, 2015; Rabeniaina et coll., 2014, 2015) et une douzaine d’entretiens semi-dirigés en 2018 (Madore, 2020).

Coopérative d’énergie renouvelable de Lamèque

Les données proviennent de travaux de recherche menés au cours des vingt dernières années sur le territoire des Îles de Lamèque et Miscou. Une série d’entrevues semi-dirigées ont été réalisées entre 2008 et 2010 auprès de différentes leaders du secteur coopératif et du secteur municipal (Chouinard et coll., 2009, 2010, 2014a, 2014b). Après la mise en service du parc éolien, 36 entrevues semi-dirigées ont été menées, et trois groupes de discussion ont été organisés entre 2011 et 2013 avec des acteurs associés au projet, dont le dernier réunissait 45 participantes et participants et ressemblait ainsi davantage à une réunion publique (Chouinard et coll., 2016a, 2016b).

Résultats principaux des deux études de cas

Groupe de développement durable du Pays de Cocagne (GDDPC)

Fondé au début des années 1990, d’abord sous le nom d’Éco-Cocagne, le GDDPC poursuit un double objectif, premièrement d’être le « catalyseur du développement territorial durable et innovant » (GDDPC, 2019, dans Madore et Chouinard, 2019), et deuxièmement d’assurer la gestion intégrée du bassin versant de la rivière et de la Baie de Cocagne (environ 400 km2) à l’aide d’un réseau d’acteurs clés et de nombreux partenariats (Madore et Chouinard, 2019; Madore, 2020 ; Noblet et coll., 2016). Au fil du temps, d’autres mandats ont émergé, tels que l’élaboration de stratégies d’éducation et de sensibilisation citoyenne pour la protection de l’environnement, l’atténuation et l’adaptation dans un contexte de changements climatiques, et la résilience des communautés locales par le milieu associatif.

Le GDDPC a également participé, avec l’Université de Moncton et la Commission des services régionaux de Kent (CSRK), à l’élaboration d’un plan d’adaptation aux changements climatiques pour Cocagne et Grand-Digue (Paris et Thériault, 2022; Noblet et coll., 2016). Un autre projet mené en collaboration entre l’Université de Moncton et le GDDPC en 2019-2020, a étudié le rôle et les perceptions des aînés par rapport aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles (Paris et Thériault, 2022). Le GDDPC a oeuvré durant dix ans à sensibiliser, et a publié un guide sur les changements climatiques pour les entreprises et d’autres matériels d’information sur les changements climatiques, les gaz à effet de serre, l’adaptation et l’efficacité énergétique (Noblet et coll., 2016).

Le GDDPC a toujours travaillé dans une perspective de réseautage, autant localement qu’à l’international, mettant ainsi en pratique la philosophie de l’Agenda 21, « penser globalement et agir localement » (Chouinard et coll., 2018). Ainsi, en 2009, le GDDPC a créé Transition Cocagne, impliquant un groupe de citoyens pour augmenter la résilience envers le pic du pétrole et les changements climatiques. Transition Cocagne fait partie du réseau Transition Towns créé en 2006 au Royaume-Uni. En 2012, le GDDPC a mis sur pied Slow Food Cocagne Acadie dans un effort de promouvoir l’agriculture et l’alimentation locales. Cette initiative s’est de son côté inspirée du mouvement Slow Food, débuté en 1986 en Italie. Des partenariats locaux ont été mis en place avec des écoles, des entreprises locales, d’autres ONG, l’Université de Moncton et la province (Noblet et coll., 2016).

Le GDDPC mise sur une forte participation citoyenne dans la mise en oeuvre de ses actions et même dans l’élaboration de ses priorités dans l’objectif d’assurer « les besoins des diverses générations, des caractéristiques rurales et culturelles de la collectivité » (Chouinard et Fauré, 2018).

Les entrevues ont révélé plusieurs sujets qui catalysent l’adhésion au GDDPC et à ses activités, comme l’intérêt pour les produits locaux, les variétés ancestrales, l’ancrage de la communauté dans les familles et dans son histoire collective, l’autosuffisance, l’économie participative, la qualité de l’environnement (p. ex. la qualité de l’eau), l’adaptation aux changements climatiques (entre autres les risques côtiers ou la sélection de cultivars résistants en agriculture), le développement d’une vision à long terme. On y retrouve donc, comme le formule Semal (2013, p. 241), « une réelle préoccupation pour les biens essentiels, leur pénurie possible dans les décennies à venir, et la manière dont ils sont préparés », mais au-delà de ces incitatifs plutôt négatifs, une volonté de développement de pratiques de vie en accord avec l’histoire et l’identité du territoire et de ses occupants, en accord avec leurs valeurs (Madore et Chouinard, 2019).

Depuis 2003, le GDDPC a aussi joué un rôle important dans la gouvernance démocratique et participative, en attirant l’attention sur les préoccupations liées aux changements climatiques et au besoin pour les municipalités de développer des réglementations et une planification territoriale apte à protéger l’environnement. Il a d’ailleurs largement contribué au mouvement qui a mené à la création de la communauté rurale de Cocagne en 2014 à la suite du plébiscite de 2013 (Malam Harouna, 2016; Nouveau-Brunswick, 2014b). Selon les résultats de nos recherches, les résidentes et les résidents du bassin versant jugent que le GDDPC a joué un rôle exemplaire de sensibilisation vis-à-vis des enjeux de la gouvernance locale et du développement territorial.

L’appartenance territoriale et l’aspect émotionnel de ce lien avec l’environnement jouent un rôle crucial dans l’implication citoyenne, comme l’exprime cette résidente de Cocagne « L’engagement, ça prend de l’amour pour notre communauté… l’engagement ça ne vient pas tout seul (…) on veut protéger ce qu’on aime » (Chouinard et Fauré, 2018, p. 1). Également très importante dans l’engagement citoyen, la reconnaissance du travail de longue haleine du GDDPC est réelle au sein de la population et en fait une référence dans le domaine de la gestion de l’environnement, vers laquelle les résidentes et les résidents se tournent pour trouver des réponses à leurs questions et pour renforcer leurs connaissances sur l’environnement et la durabilité (GCNWA, 2016; Madore et Chouinard, 2019). On peut ainsi citer des citoyens de Cocagne et Grande-Digue : « On a tendance, parce que ça fait 20 ans qu’ils sont là (…) à se fier sur eux autres » (Citoyen de Cocagne) ou « Le Groupe de développement durable (GDDPC) est essentiel. Si y’était pas là ça ferait une grosse, grosse différence » (Citoyen de Grande-Digue), ou encore « Le GDDPC a beaucoup de respect dans la communauté. Je pense qu’ils sont des leaders. […] on a des gens qui pataugent là-dedans [l’environnement] ça fait 20 ans et plus, puis c’est sûr que ça fait une différence à la longue » (Citoyen de Grande-Digue, tous dans Madore et Chouinard, 2018, p. 5).

Le GDDPC joue un rôle clé comme catalyseur de la mobilisation envers l’adaptation aux changements climatiques (Malam Harouna, 2016). Comme l’exprime un représentant du DSL de Cocagne, « s’il y avait juste le DSL, on serait resté sur notre chaise » (participant au groupe de discussion, Cocagne, 2012, dans Noblet et coll., 2016, par. 31). Dans la mise en oeuvre de l’adaptation, proactive autant que réactive, le GDDPC est une source d’informations essentielle pour la population. Selon un membre du GDDPC, surtout jusqu’à la refonte de la gouvernance locale menant à la création des CSR, les citoyens venaient trouver au GDDPC sur toutes sortes de réponses à des questions liées aux changements climatiques, même à des questions de type légal et administratif liées aux mesures de construction, qui ne relèvent en principe pas du mandat d’une ONG comme le GDDPC, mais que celui-ci assumait, en se renseignant lui-même pour répondre à la demande publique (GCNWA, 2016). Le GDDPC est ainsi devenu le point d’information sur les changements climatiques le plus respecté de la population. « Ce sont les informations données par les organismes à but non lucratif comme le Groupe de développement durable du pays de Cocagne. Je me fie plus à eux qu’au gouvernement ou aux médias » (résident du territoire de Cocagne, dans Malam Harouna, 2016, p. 56).

La coopérative d’énergie renouvelable de Lamèque (CÉRL)

La coopérative d’énergie renouvelable de Lamèque (CÉRL) est située sur le territoire des îles Lamèque et Miscou, à l’extrémité nord-est de la Péninsule acadienne. Ce territoire compte près de 7 000 habitantes et habitants répartis sur les 214 km2 des deux îles (Chouinard et coll., 2014a). La CÉRL a été créée par la collaboration entre trois municipalités, majoritairement celle de Lamèque, et une dizaine de coopératives, dont principalement trois coopératives implantées dans le territoire et oeuvrant dans les domaines de la pêche, de la consommation et du crédit, soit l’Association coopérative des pêcheurs de l’Île, la Société coopérative de Lamèque et la Caisse populaire des Îles. Le parc éolien, bâti sur l’île de Lamèque, qui compte 6 000 habitantes et habitants, dont 1 600 dans des DSL jusqu’en 2022, comporte 30 turbines de 1,5 MW réparties sur 3100 acres. Sa capacité de production est de 45 MW. La CÉRL s’est formée à travers un processus graduel qui s’est étalé sur une douzaine d’années entre 1999 et 2011. Le coût a été de 115 millions de dollars canadiens. Les turbines ont été fournies par la multinationale espagnole Acciona, qui a accepté de signer une entente avec la CÉRL, devenant ainsi propriétaire et exploitante du parc éolien (Chouinard et coll., 2014a).

La viabilité financière du projet est assurée par une entente avec NB Power garantissant l’achat et la distribution de l’énergie éolienne à un tarif garanti (feed-in tariff). En effet, le projet, classé comme une production locale d’énergie renouvelable à petite échelle, est régi par le Règlement sur l’électricité issue de sources renouvelables — Loi sur l’électricité du Nouveau-Brunswick. Cette initiative du ministère des Ressources naturelles et du Développement de l’énergie vise à permettre à Énergie NB d’obtenir jusqu’à 40 MW d’énergie renouvelable auprès des Premières Nations et 40 MW d’énergie renouvelable auprès d’entités locales.

Sous la gestion de la CÉRL, les bénéfices collectifs comprennent un fonds d’investissement de 175 000 dollars annuellement sur une période de 25 ans, une somme de 25 000 dollars versée à la municipalité de Lamèque pour la gestion et le co-développement de services, ainsi que son soutien pour l’obtention initiale d’une subvention de la Fédération canadienne des municipalités de 600 000 dollars pour l’étude de faisabilité et l’étude d’impacts.

Les entrevues et groupes de discussion ont montré que les résidentes et résidents estiment que la CÉRL contribue à l’adaptation climatique en réduisant la dépendance du territoire aux ressources énergétiques fossiles. L’impact économique du projet est également important pour les répondantes et répondants. Au-delà des retombées financières, toutes et tous soulignent la création de sept emplois permanents et le fait que la formation et certification d’employées et employés et de participantes et participants au projet a renforcé les capacités de la communauté et des individus de se développer et de s’engager dans de nouveaux projets. Ainsi, une personne déclare que le projet a permis de « … rejoindre les standards internationaux concernant la santé et sécurité au travail, la protection de l’environnement, et les relations humaines […]. [De plus], cela nous a permis de développer nos habiletés de travailler en équipes, de collaborer avec d’autres entrepreneurs sur une courte période de temps […]. [Maintenant], je peux travailler n’importe où au Canada ou aux États-Unis. […] Nous avons appris à respecter l’environnement, ce qui implique de payer attention aux rivières, de considérer les terres humides et de prendre en compte les plantes et les artéfacts qui doivent être protégés » (participant de Lamèque, dans Chouinard et coll., 2014b, p. 249).

Les participantes et participants estiment que le succès du projet était largement attribuable à la confiance que les résidentes et résidents placent dans les coopératives traditionnelles bien établies dans le territoire. Une personne s’exprime ainsi : « Si une compagnie était arrivée, par exemple Acciona, et aurait approché les propriétaires des terres, je ne suis pas sûr que nous aurions été si réceptifs » (propriétaire de terres de Lamèque, dans Chouinard et coll., 2014a, p. 16). Les trois coopératives participantes sont reconnues de longue date pour être des piliers de l’économie sociale du territoire de Lamèque, l’Association coopérative des pêcheurs de l’Île existant depuis 1943, la Société coopérative de Lamèque depuis 1940, et les caisses populaires de Lamèque et de Saint-Raphaël-sur-Mer depuis 1937, fusionnant en Caisse populaire des Îles en 2003 (Chouinard et coll., 2010).

Le processus d’articulation du projet a néanmoins pris plus d’une dizaine d’années (tableau 1), même si des projets intercoopératifs impliquant les trois coopératives principales avaient déjà été lancés, notamment dans les années 1980 pour créer des logements pour personnes âgées et la réhabilitation de l’aréna dans les années 2000 (Chouinard et coll., 2010).

Tableau 1

Évolution dans le temps du projet de la coopérative d’énergie renouvelable de Lamèque

(données de Chouinard et coll., 2014a; Ville de Lamèque, 2023)

Évolution dans le temps du projet de la coopérative d’énergie renouvelable de Lamèque

Tableau 1 (suite)

Évolution dans le temps du projet de la coopérative d’énergie renouvelable de Lamèque

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Discussion

Dans les deux cas, les répondantes et répondants définissent leur territoire comme un espace d’action collaborative et d’innovation sociale qui peut améliorer les conditions de vie à travers un développement territorial. L’innovation sociale est ancrée dans des partenariats à l’échelle locale, régionale et internationale. Ainsi, pour le parc d’éoliennes de Lamèque, le financement était essentiellement local, tandis que les éoliennes venaient d’Espagne et la grue nécessitée pour les ériger avait été apportée de Nouvelle-Écosse. Il y a donc une hiérarchie d’implication qui maintient la mobilisation, la planification et le contrôle à l’échelle locale, mais qui profite des connaissances et des ressources à des échelles plus grandes, jusqu’à l’international. Le même constat est fait dans le cas du GDDPC qui agit localement avec les ressources locales, mais qui s’intègre dans des réseaux internationaux, dont le soutien, l’expertise et l’entraide lui permettent de mieux accomplir sa mission. Notre enquête de terrain met en évidence la présence d’un secteur associatif fortement développé dans les communautés étudiées. La région de Cocagne dispose d’un réseau associatif bien développé, plus d’une vingtaine d’organismes communautaires pour moins de 5 000 habitantes et habitants (Noblet et coll., 2016). Ces associations de tout ordre, Club d’âge d’or, Association de pêcheurs récréatifs, Association de bassin versant, Mouvement local Slow Food, Transition Cocagne, Groupe de développement durable, etc., contribuent au maintien d’un capital social dense au sein de ces communautés rurales.

Les projets d’économie sociale peuvent également renforcer la « conscience du territoire », comme on le constate sur l’île de Lamèque et dans le bassin versant de Cocagne, à travers le caractère spécifique des actrices et acteurs et des activités impliqués. Comme le relèvent Klein et Raufflet (2014), deux aspects sont essentiels pour l’économie sociale, le sentiment d’appartenance à une communauté et à son identité, et l’attachement de la citoyenne et du citoyen à cette communauté.

La lutte contre les changements climatiques et l’adaptation à ses impacts, d’ailleurs pas toujours dissociés, est un motivateur important pour les deux communautés étudiées. Cependant, au contraire des programmes gouvernementaux ciblés et spécifiques, ces objectifs s’inscrivent dans une perspective de développement territorial plus large, qui s’apparente de manière explicite ou implicite au développement durable, et au sein duquel l’aspect social joue un rôle aussi important que l’aspect environnemental, avec un développement économique qui est vu surtout comme un moyen d’améliorer les conditions de vie des communautés, mais qui n’est pas nécessairement une fin en soi. En effet, le capital social est fondé sur le renforcement des liens entre acteurs et avec des organisations clés (au sens de Putnam (1999) ou Adger [2003]). En effet, les deux exemples démontrent que des initiatives locales relevant de l’économie sociale et des mouvements associatifs ou coopératifs peuvent contribuer de manière importante et efficace à la création de territoires plus résilients et avec une plus faible empreinte carbone au Nouveau-Brunswick (Guillemot, 2015).

L’importance de la confiance (« trust ») dans la mobilisation envers des actions d’adaptation aux changements climatiques a été soulignée par plusieurs auteurs (par exemple Kettle et Dow, 2014; Jones et Clark, 2014). Dans les cas d’étude décrits ici, on constate que la population du bassin de Cocagne accordait sa confiance principalement aux ONG, et en premier lieu au GDDPC, surtout avant l’établissement de la communauté rurale de Cocagne et le renforcement de capacité de la CSR de Kent. Dans la Péninsule Acadienne, le fait que les coopératives locales aient piloté le processus d’établissement de la Coop d’énergie renouvelable plutôt que des actrices et acteurs extérieurs a généré un niveau de confiance suffisant pour mener le projet à bien. L’expérience du projet éolien d’Anse Bleue démontre que cela ne va pas de soi. Dans ce projet, situé à une centaine de kilomètres de Lamèque, et définitivement abandonné en 2022, l’acceptabilité sociale n’a pas été obtenue. Selon Louise Comeau de l’Université du Nouveau-Brunswick, « ce qu’on va probablement trouver c’est que la population ne s’opposait pas à l’énergie éolienne comme telle, ils s’opposaient à la façon dont le projet était mené » (Comeau, dans Landry et Villeneuve, 2022).

L’établissement de ces projets de développement territorial ne peut cependant pas faire l’économie du temps nécessaire à investir pour leur planification et surtout pour l’établissement du lien de confiance avec les citoyennes et citoyens ainsi que des partenariats et des collaborations nécessaires à l’échelle locale, régionale, et plus large. La recherche de financement a également représenté une partie chronophage des initiatives décrites ici.

Sur le plan social, les initiatives du GDDPC et de la CÉRL ont consolidé les liens entre les communautés, impliquant autant les citoyennes et citoyens que les ONG et les instances de gouvernance locales, en plus du milieu académique. Elles ont également permis de repenser le territoire et son développement en fonction des changements climatiques, tout en gardant en perspective le bien-être des populations. En bâtissant sur les forces et capacités locales, les deux initiatives ont contribué à l’autonomisation (ou « empowerment ») des régions dans lesquelles elles sont impliquées.

Conclusion

Nous avons appris que tant la Coop d’énergie renouvelable que le GDDPC ont été des groupes innovants. En ce sens, la CERL n’avait pas les capitaux nécessaires pour bâtir une ferme éolienne, mais le capital humain et social des trois coopératives traditionnelles, en collaboration avec la municipalité, a été instrumental dans l’attraction et la négociation avec la multinationale Acciona. Quant au GDDPC, en l’absence de municipalisation, l’association a joué son rôle de substitution à une municipalité, en plus d’oeuvrer à la création d’une communauté rurale pour faire avancer ses dossiers sur l’environnement, le développement durable et l’adaptation aux changements climatiques. En ce sens, ces organismes et entreprises d’économie sociale ont été des « enfants de la nécessité ». Enfin ces deux études de cas sont exploratoires et exemplaires par la confiance et la fierté qu’elles ont créée en s’appuyant sur le leadership local, et permettant de renforcer la résilience de leur territoire. Il sera intéressant de continuer à étudier le rôle des initiatives locales et régionales collaboratives dans la mise en oeuvre de la transition socioécologique au Nouveau-Brunswick, comment cette action s’imbriquera dans les politiques provinciales ou fédérales, et quelle importance revêt le caractère Acadien des territoires étudiés.