Éditorial

Au-delà de la reddition de compte : l’évaluation dans les organismes communautaires et d’économie sociale[Notice]

  • David Buetti,
  • Isabelle Bourgeois et
  • Lynda Rey

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  • David Buetti, Ph. D.
    Associé de recherche à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa

  • Isabelle Bourgeois, Ph. D.
    Professeure agrégée à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa

  • Lynda Rey, Ph. D.
    Professeure adjointe à l’École nationale d’administration publique

Les organismes communautaires et les entreprises d’économie sociale jouent un rôle crucial au niveau de l’avancement des causes de la justice sociale et de l’équité. En plus de répondre aux besoins immédiats et émergents des groupes vulnérables qui résultent habituellement de conditions structurelles injustes et oppressives, ces organisations soutiennent le développement du pouvoir d’agir des individus et des groupes en les engageant dans les processus décisionnels et dans la création du changement (Lavoie et Panet-Raymond, 2014). Ils agissent donc tant en amont qu’en aval pour atténuer les effets néfastes des enjeux sociaux et économiques sur les individus et les communautés qu’ils desservent. Dans ce contexte, l’évaluation en tant que pratique organisationnelle et sociale orientée vers l’apprentissage peut constituer un important levier de transformation sociale. En effet, lorsqu’elle est conçue pour répondre aux besoins et aux intérêts des organismes communautaires et des entreprises d’économie sociale et de leur clientèle, cela contribue considérablement à l’atteinte des objectifs de mission et à l’innovation sociale (Fetterman et coll., 2015). Différents auteurs montrent à cet effet que l’évaluation, tant par son processus que par ses conclusions, peut stimuler l’apprentissage organisationnel et soutenir la planification et la prise de décisions collectives (Fetterman et coll., 2015; Lemay et coll., 2013). Il n’est donc pas surprenant qu’un nombre croissant d’organismes communautaires et d’entreprises d’économie sociale souhaitent maintenant s’approprier les méthodes évaluatives à leur image et cohérentes avec les causes qu’ils défendent. Pourtant, les avantages de l’évaluation pour l’apprentissage collectif et l’innovation sociale sont encore peu discutés dans la littérature québécoise et franco-canadienne. L’évaluation y est plutôt souvent présentée comme un outil de gestion conçu pour répondre aux exigences de bailleurs de fonds (Jetté et Goyette, 2010; Pole et Rey, 2022). L’attention insuffisante aux autres apports importants de l’évaluation n’a rien d’un hasard. L’offre et la demande pour l’évaluation sont influencées par différents facteurs (Alkin et Taut, 2003), dont le contexte politique actuel qui, depuis les années 1980 et 1990, demande aux organisations des preuves empiriques rigoureuses afin d’obtenir et de maintenir du financement (Garon et Roy, 2001; Goyette et Jetté, 2009; Jetté et Goyette, 2010). À ce sujet, Chouinard (2013) décrit l’évaluation réalisée spécifiquement pour répondre aux exigences des bailleurs de fonds comme une évaluation technocratique. Pour l’auteure, l’évaluation dite technocratique, qui s’inscrit dans le courant de la nouvelle gestion publique, accorde moins d’importance à l’utilisation conceptuelle et du processus de l’évaluation, des formes d’utilisation essentielles à l’apprentissage : Par conséquent, ce numéro intitulé « Au-delà de la reddition de compte : l’évaluation dans les organismes communautaires et d’économie sociale » propose de jeter un éclairage différent sur l’évaluation par et pour les organismes du milieu de l’économie sociale et de l’action communautaire, et ce, à l’échelle tant locale qu’internationale. Ainsi, les textes qui le composent permettent de mieux comprendre et documenter tout son potentiel en matière d’innovation, d’apprentissage et de transformation sociale. Évidemment, un tel sujet mérite d’être traité dans une perspective pluridisciplinaire, tout en portant une attention particulière aux pratiques et expériences du milieu communautaire et de l’économie sociale en matière de production et d’utilisation des évaluations. C’est pourquoi le présent numéro réunit des textes rédigés par des personnes provenant de diverses disciplines et de différents secteurs. Ainsi, nous vous présentons la rubrique « Dossier », composée de deux articles arbitrés qui apportent chacun une contribution originale et significative sur la présente thématique. L’article de Tello-Rozas et ses collaborateurs donne le coup d’envoi à ce numéro. Il fait le portrait tant attendu des pratiques d’évaluation des organismes communautaires au Québec. En combinant les forces des méthodes qualitatives et quantitatives, l’article met à jour nos connaissances …

Parties annexes