L’ouvrage « construire le rapport théorie-pratique » est un ouvrage collectif élaboré sous la direction de Sylvie Mezzena et Nicolas Kramer. Ces deux professionnels et l’ensemble des contributeurs exercent leurs fonctions à la Haute École de Travail Social (HES-SO) de Genève. À la lecture du titre, le lecteur s’attend à un contenu exposant la façon dont les formateurs accompagnent les étudiants dans la construction du rapport théorie-pratique, inhérent aux formations en alternance du travail social. Dès la présentation de l’ouvrage, Sylvie Mezzena et Nicolas Kramer invitent à déconstruire les attentes issues du titre de l’ouvrage. L’introduction leur permet d’exposer leur point de vue sur ce rapport entre théorie et pratique. Après avoir décrit les limites à penser la théorie comme première (vérité), la pratique comme première (feeling), et la conception de l’alternance entre les deux (réflexivité), ils convoquent la philosophie pragmatique (James, Dewey) qui permet de dépasser cette relation en considérant que les idées sont elles-mêmes situées dans la pratique. Sont déclinées les conséquences de ce point de vue (mais aussi des autres) sur la professionnalisation, les professionnels, les chercheurs et la formation. L’introduction répond à la mission de placer le lecteur dans la position intellectuelle attendue pour bien appréhender la suite des propos, qui pouvaient échapper à la compréhension au vu de la disparité des titres des contributions. Il nous semble que le sous-titre « expériences de formatrices et formateurs dans une haute école de travail social » rend davantage compte de la structuration de l’ouvrage, qui est composé des contributions de cinq formateurs. En effet, si les premières contributions s’inscrivent bien dans le cadre de pensée pragmatique proposée par les directeurs de l’ouvrage, il semble que, progressivement, ce fil directeur s’étiole pour donner une place de plus en plus grande aux préoccupations particulières de chacun des auteurs, dont nous rendrons compte ci-dessous. Soulignons enfin que l’ouvrage se termine sur une postface rédigée par Alain Muller, docteur en sciences de l’éducation et extérieur à l’école de formation. Cette postface constitue à la fois une critique de l’ouvrage et un angle de lecture particulier, où l’auteur tente de conceptualiser la pratique du formateur en tant que bricoleur, mobilisant des ressources théoriques qui reflètent l’éclatement épistémologique et théorique des sciences humaines. En effet, il est intéressant de constater que dans le même temps que les formateurs exposent la façon dont ils pensent les séquences pédagogiques proposées aux étudiants, ils témoignent de leurs propres pratiques et de ce qui les fonde. Nous nous proposons d’illustrer ces différentes lectures par une synthèse rapide des différentes contributions qui nous amènent à voyager dans l’univers pluriel de la formation. Kim Stroumza, docteure en sciences du langage, nous propose une immersion dans un séminaire de formation portant sur le langage des travailleurs sociaux (verbal, écrit) et sur les thématiques corollaires de l’interprétation (situation des personnes accompagnées), la tension entre objectivisme et subjectivisme, le pouvoir. L’auteure présente la façon dont elle s’appuie à la fois sur la perspective pragmatique présentée en introduction et sur les apports théoriques liés aux sciences du langage : il s’agit d’amener les étudiants à se détacher de la psychologisation et de l’individualisation des ressentis, afin de les considérer comme des expériences où se logent des idées professionnelles, qui peuvent donc être désubjectivées et ainsi échangées avec d’autres. Kim Stroumza expose la façon dont a été pensée la pédagogie du séminaire qui comporte des mises en situation, « expériences pragmatiques » permettant aux étudiants de s’éloigner des « y’a qu’à » pour « endosser » et « éprouver » la position du professionnel et l’utilisation du langage dans un entretien d’accompagnement. L’objectif est …
Mezzena, S. et Kramer, N. (dir.). (2019). Construire le rapport théorie-pratique. Expériences de formatrices et formateurs dans une haute école de travail social. Éditions ies[Notice]
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Valérie Janson
Chargée de recherche, Centre de recherche, Askoria