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Introduction
Sous la direction de Genest Dufault, Gusew, Bélanger et Côté, Accompagner le projet de formation pratique en travail social — Complexité — enjeux — défis traite de l’importance de la formation pratique pour les étudiantes et étudiants en travail social au Québec, tant au bac- calauréat qu’à la maîtrise, incluant également l’accompagnement d’un stage international.
L’ouvrage témoigne de toute la complexité de l’accompagnement dans le cadre du projet de formation pratique, afin que puisse se concrétiser l’intégration de la théorie et de la pratique. Il décrit les enjeux, les défis, les profils multiples d’étudiantes et d’étudiants, les différents contextes organisationnels ainsi que les activités d’apprentissage qui influenceront ledit accompagnement. Divisé en trois parties encadrées d’une introduction et d’une conclusion, l’ouvrage se décline en neuf chapitres couvrant un ensemble de sujets forts pertinents pour les responsables de la formation pratique. Les divers chapitres sont indépendants les uns des autres. La lectrice ou le lecteur peut ainsi s’attarder à un concept de son choix et l’approfondir.
D’entrée de jeu, le codirecteur et les co-directrices considèrent la formation pratique comme un projet qui transcende tout programme de formation en travail social et qui ne se résume pas simplement à des stages. En effet, « les trois axes de la formation [méthodologie, théorique et pratique] contribuent à la construction du projet qui s’actualise lors de la formation pratique et que ce dernier doit tenir compte de la diversité des profils étudiants » (p. 4).
Bien que la formation pratique relève des normes de l’Association canadienne pour la formation en travail social (ACFTS), chaque programme utilise différents modèles pour l’encadrement de leurs stages.
Partie 1 — La complexité des enjeux et des défis
Chapitre 1 — La signature pédagogique de la formation pratique des programmes en travail social — Complexité, défis et enjeux
Dans ce premier chapitre, Gusew analyse à l’aide du concept de signature pédagogique, issu des travaux de Shulman, les défis et les enjeux rencontrés face à la formation pratique. La signature pédagogique se définit « comme étant la façon d’enseigner et d’apprendre qui représentent et reflètent la marque distinctive d’une profession » (p. 19). Ainsi, les programmes d’études universitaires enseignent davantage que la connaissance; ils doivent offrir des moyens d’intégrer la théorie et la pratique et des façons d’appliquer cette connaissance. Gusew mentionne vouloir s’éloigner de la vision séparant la théorie de la pratique. Les trois volets des programmes de formation (théorique, pratique et méthodologique) sont interreliés afin d’aider les étudiantes et étudiants à acquérir les connaissances inhérentes à la profession. Certains défis, tels que le recrutement de superviseures ou superviseurs et l’exercice du rôle de responsable de la formation pratique, sont présentés dans ce chapitre. Enfin, des pistes de réflexion pour bonifier la formation pratique sont décrites, comme l’utilisation d’enregistrements vidéo ou audio ou des activités de groupe afin d’aider les étudiantes et étudiants à développer une pratique réflexive.
Chapitre 2 — Le processus de développement de l’identité professionnelle en travail social — L’apport de la formation pratique
Signé Bélanger et Genest Dufault, ce chapitre définit le concept d’identité professionnelle pour le travail social et discute de la contribution importante de la formation pratique à son développement. Cette identité professionnelle est ce qui permet aux membres d’une même profession de parler le même langage et de partager des valeurs communes. Bélanger et Genest Dufault avancent que l’identité professionnelle n’est pas statique, qu’elle évolue. Cette évolution est démontrée par trois types de savoirs (savoirs d’expérience, savoirs théoriques et méthodologiques et savoirs d’action ou de pratiques), et ce, à l’aide de vignettes qui décrivent le cheminement d’une étudiante face à son identité professionnelle. Bien avant leur inscription à un programme de formation en travail social, les étudiantes et étudiants ont déjà une représentation de ce qu’est la profession. Par la suite, la formation théorique a un rôle important dans le processus de développement de l’identité. Le contenu des cours et les personnes qui enseignent influencent la conception des valeurs et des fondements liés au travail social. Enfin, la pratique est aussi un moment où se concrétise la vision de la profession. Les contacts avec la pratique confirment ou confrontent la représentation de l’exercice du travail social. Bélanger et Genest Dufault poursuivent en énonçant que cette identité est complexe et qu’elle n’est pas toujours claire. En effet, plusieurs paradigmes traversent la profession et influencent la conception de l’identité professionnelle. De plus, les contextes d’intervention et les équipes interprofessionnelles ont des effets sur le développement de cette identité; ils déterminent certaines représentations de la profession. Cette collaboration interprofessionnelle implique pour les travailleuses sociales et travailleurs sociaux de bien connaître leurs rôles et leurs limites. En somme, la formation pratique permet aux étudiantes et aux étudiants de développer leur identité professionnelle en prenant conscience des enjeux, des valeurs et des rôles exercés par les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux, ainsi qu’une pratique réflexive.
Partie 2 — Les projets de formation pratique des étudiants en travail social
Chapitre 3 — Les étapes du processus de placement au premier cycle — Arrimer les projets de formation pratique des étudiants avec les contextes de stage
Dans ce chapitre, Careau, Bernard et Genest Dufault traitent de l’importance et du rôle de l’agente ou agent de stage qui coordonne l’ensemble du processus de placement de stage. L’agente ou agent de stage travaille étroitement avec diverses personnes (responsable de la formation pratique du programme, superviseures ou superviseurs de stage, responsables des stages des organismes partenaires et professeures ou professeurs de stage). Les différences entre l’agente ou agent de stage et la personne responsable de la formation pratique sont décrites.
Une des tâches de premier plan de l’agente ou agent de stage est le jumelage entre l’étudiante ou l’étudiant et l’organisme de stage/superviseure ou superviseur. En effet, en raison de leurs profils diversifiés, les étudiantes ou étudiants ont des attentes variées quant à leur projet de formation pratique. Par ailleurs, les critères de choix des étudiantes et étudiants du milieu de stage est aussi influencé par leur profil et par leur premier contact avec la formation pratique dans les universités. Les auteurs mentionnent aussi d’autres éléments spécifiques à considérer dans le jumelage entre une étudiante ou étudiant et un milieu de stage. En outre, Careau, Bernard et Genest Dufault décrivent dans ce chapitre les différences entre les universités dans le processus de placement de stage, soit un accompagnement personnalisé ou un modèle basé sur un appel d’offres auprès des organismes. Finalement, on énumère les enjeux liés au placement de stage, à savoir la recherche de milieux de stages et le recrutement de superviseures ou de superviseurs qualifiés, notamment dans un contexte de réorganisation du réseau de la santé et des services sociaux. Ils terminent en discutant des motivations pour une personne d’accepter ou non de superviser un stage; nommons par exemple le fait de vouloir transmettre ses connaissances et son savoir-faire et d’être reconnu par les collègues et le milieu. En somme, le processus de placement est un élément central de la formation pratique en travail social.
Chapitre 4 — L’accompagnement d’un stage international — Gérer la complexité et l’imprévisibilité
Dans ce chapitre, Mercure expose les particularités de l’accompagnement d’un stage international au niveau du baccalauréat, qui ont fait l’objet de sa thèse doctorale. Elle discute des enjeux et défis vécus par les personnes impliquées dans ce stage et montre les avantages de l’internationalisation pour les étudiantes ou les étudiants, dont le développement d’une sensibilité interculturelle et d’une plus grande confiance chez les stagiaires à travailler dans un contexte interculturel. « Le stage international permet de saisir le fonctionnement social dans un autre contexte que le sien; il appelle à une vision critique des systèmes, à une adaptation au milieu, à une nécessité de collaboration pour pouvoir composer avec les différents obstacles rencontrés et à un ancrage des valeurs professionnelles » (p. 83, cité de Mercure, Ba et Turcotte, 2010). En outre, certains défis rattachés aux stages internationaux sont mentionnés, tels que la difficulté à développer des habiletés en intervention en raison de l’imprévisibilité du terrain. Le stage international comporte certaines étapes quant à son organisation, notamment, un soutien pour les démarches administratives ainsi que des rencontres pré-départ qui touchent, entre autres, les motivations des stagiaires à faire un stage à l’international, leurs attentes, les comportements éthiques, « une sensibilisation aux effets de la colonisation et à l’importance de respecter l’empowerment des communautés » (p. 89).
Mercure présente les différents modèles privilégiés en pédagogie interculturelle afin d’accompagner les apprentissages des stagiaires, soit le modèle développemental de la sensibilité interculturelle, l’approche expérientielle et le travail d’analyse culturelle par la carte sociale. Elle poursuit en décrivant divers outils pédagogiques pour soutenir les apprentissages (analyse des incidents critiques, journal d’analyse créé par l’auteure, discussion de groupe, récit de pratique). Pour conclure, malgré la complexité pouvant être reliée au stage international, ce chapitre met en lumière les habiletés développées sur le plan du savoir-faire et du savoir-être des stagiaires, ainsi que sur l’accompagnement à privilégier pour leur offrir un soutien face à leurs apprentissages.
Chapitre 5 — Une analyse réflexive et critique d’une expérience de formation pratique au deuxième cycle en service social
Ce chapitre porte sur une expérience de formation pratique au deuxième cycle, laquelle a permis à ses auteures de développer une stratégie pédagogique visant à accompagner les étudiantes ou étudiants. Roy et Picard utilisent le modèle expérientiel de Lewin pour décrire le processus de réflexion et d’analyse de leur expérience d’enseignement.
En premier lieu, leur questionnement découle d’une expérience concrète qui touche à la fois à la diversité des profils des étudiantes et étudiants à la maîtrise qu’aux contextes organisationnels en changement. En effet, elles observent les défis rencontrés par ces dernières ou ces derniers, qui font une maîtrise en service social, qui ont peu d’expériences en intervention ou qui proviennent d’autres disciplines. Il y a un écart entre les exigences académiques demandées et le manque « d’expériences professionnelles de certains d’entre eux » (p. 107). Les auteures entrevoyaient l’importance pour ces étudiantes ou étudiants d’avoir accès dans les cours à une mise à niveau avant d’étudier des notions plus spécialisées. Les différences avec celles et ceux qui détenaient un baccalauréat devenaient source de tensions dans les classes. De plus, les changements dans les contextes de la pratique, tels que le projet de loi 21 et le référentiel des compétences des travailleurs sociaux, ont eu un effet sur la formation pratique et sur les attentes des milieux de pratique. Bien que le but des programmes soit de former des étudiantes ou étudiants à faire l’apprentissage des valeurs et fondements d’une profession, « les organisations s’attendent à ce qu’une partie de la formation des étudiants soit consacrée à les préparer à répondre aux besoins spécifiques de leur organisation » (p. 109). Ainsi, ces observations ont amené les auteures à réfléchir et à développer une stratégie pédagogique afin de bien encadrer les étudiantes et les étudiants.
Dans un deuxième temps, Roy et Picard ont effectué une recherche qualitative leur permettant de recenser les pratiques d’accompagnement à la maîtrise. Des résultats ressortent deux structures d’encadrement : l’expérimentation d’une intervention innovante ou un stage spécialisé. En outre, les deux principaux moyens pédagogiques pour soutenir ces deux structures sont le séminaire et le portfolio. Finalement, la troisième étape de la démarche expérientielle de Roy et Picard a permis de dégager le concept de continuum pour la formation pratique, « allant de l’intégration des fondements théoriques et pratiques vers le développement de compétences avancées en intervention. » (p. 116). Ces dernières comprennent non seulement des habilités d’intervention spécialisées, mais aussi le développement d’une pratique réflexive. Les auteures voient la construction de l’identité professionnelle comme étant un des apprentissages essentiels de la formation pratique. Face à ces constats, elles discutent des différentes stratégies amorcées pour atteindre ce continuum d’apprentissages, dont « consolider la formation de base de la scolarité préparatoire et améliorer les pratiques d’encadrement du projet d’intervention » (p. 117).
Partie 3 — L’accompagnement des étudiants en contexte de stage
Chapitre 6 — La relation en supervision — Un élément-clé du processus d’apprentissage
Ce chapitre porte sur l’importance de la relation superviseur(e) — supervisé(e). Gusew et Côté y définissent ce qu’est la supervision en s’appuyant sur la définition de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Celle-ci présuppose, entre autres, que « la supervision est un processus [d’échanges et] de réflexion interactif, continu et formel […] entre un superviseur et un supervisé portant sur l’analyse de la pratique de ce dernier » (p. 132, cité de OTSTCFQ, 2010, p. 6). Les auteures mentionnent que les définitions consultées accordent toutes une place importante à la qualité des échanges entre la superviseure ou le superviseur et la personne supervisée. Certaines caractéristiques de cette relation sont soulevées (établissement d’une relation de confiance et de collaboration, analyse des enjeux de pouvoir liés à la relation d’autorité de la superviseure ou du superviseur en lien avec l’évaluation des apprentissages de l’étudiante ou de l’étudiant). Pour bien remplir son rôle, la superviseure ou le superviseur exerce trois fonctions auprès des stagiaires : éducative, administrative et de soutien. Cela permet à l’étudiante ou à l’étudiant de développer sa capacité d’autoévaluation de sa pratique. Gusew et Côté discutent ensuite des forces et des limites des différents modèles de supervision : individuelle et de groupe. Bien que la première soit celle qui est le plus souvent utilisée en raison des contraintes organisationnelles et de recrutement de superviseures ou de superviseurs, la seconde mérite d’être considérée. Les auteures dégagent l’avantage d’utiliser l’option d’une supervision combinée. Il aurait été intéressant aussi d’approfondir d’autres modèles de supervision, par exemple, la co-supervision ou la triade : deux étudiantes ou étudiants pour une superviseure ou un superviseur.
De surcroit, afin que la travailleuse sociale ou le travailleur social puisse exercer son rôle de superviseure ou de superviseur, les auteures relèvent l’importance d’une formation à la supervision. Celle-ci étant une activité professionnelle, il est important de bien comprendre les différentes tâches et fonctions y étant reliées. Le chapitre illustre donc trois modèles de programme de formation à la supervision. Par la suite, les différentes variables de la relation superviseur(e) - supervisé(e) sont décrites ainsi que les facteurs favorables et défavorables aux apprentissages en stage. Il faut tenir compte notamment du contexte organisationnel, des caractéristiques individuelles des superviseur(e)s - supervisé(e)s, des styles d’apprentissages, de la composante pédagogique, de la gestion des conflits et des rapports de genre, ethnoculturel, intergénérationnel et spirituel (p. 143). Cette relation superviseur(e) - supervisé(e) comporte des défis et des conflits potentiels d’où l’importance soulignée par les auteures d’établir dès le départ une relation de confiance. Le processus de supervision comprend aussi des questions éthiques à considérer. Dans la plupart des programmes, c’est dans le guide de stages que les responsabilités des différentes parties impliquées dans les stages sont explicitées ainsi que les attentes mutuelles.
Pour clore ce chapitre, Gusew et Côté discutent de l’importance et des défis de la fonction d’évaluation des apprentissages. En effet, « l’utilisation du contrat pédagogique lors de l’évaluation des apprentissages du stagiaire est reconnue […] comme la pierre d’assise de ce processus […] » (p. 153).
Chapitre 7 — Les séminaires de stage — Utilisation d’une pédagogie mettant à profit les dynamiques des petits groupes
Ce chapitre est consacré aux séminaires d’intégration qui accompagnent le stage et qui ont pour but de faciliter les liens entre théorie et pratique. Genest Dufault et Bélanger exposent leurs expériences en tant que professeures au baccalauréat en travail social de l’UQAR et proposent d’inclure une pédagogie pour les séminaires qui intégrerait les notions de groupe en travail social. En effet, les séminaires sont souvent de taille réduite, d’où l’intérêt d’accorder une réflexion aux dynamiques de groupe et au fonctionnement des groupes afin de favoriser une aide mutuelle. En raison des enjeux liés à la cohésion du groupe observés dans leur enseignement, Genest Dufault et Bélanger réfléchissent à l’importance d’établir dès le départ un climat de confiance, discutent ensuite de différentes activités pédagogiques de groupe à explorer pour stimuler l’entraide par les pairs. Une explication détaillée sur les fondements et la mise en oeuvre de chacune des activités est décrite et illustrée par des vignettes. Genest Dufault et Bélanger affirment que cette pédagogie a démontré de bons résultats bien que des conditions doivent être respectées comme la taille du groupe, des compétences en animation de groupe ainsi que la reconnaissance des savoirs d’expériences. Cette approche utilisée dans les séminaires de stage « permet d’initier les étudiants à devenir de réels praticiens réflexifs » (p. 172, cité de Schön, 1996). L’accent est mis davantage sur l’établissement de ce climat de partage que sur la planification du contenu théorique. Genest Dufault et Bélanger terminent en décrivant leurs observations des dynamiques d’aide mutuelle dans les groupes de séminaire de stage.
Chapitre 8 — Le portfolio de développement professionnel en travail social — Éléments de pertinence et repères pour son utilisation en formation pratique
Ce chapitre explique comment les stages en travail social constituent une opportunité d’apprentissage et que les objectifs de la formation pratique sont d’acquérir des compétences de base de la profession et d’intégrer la théorie et la pratique. Genest Dufault et Bélanger nous encouragent à réfléchir aux manières de personnaliser l’accompagnement pédagogique, et suggèrent l’utilisation du portfolio de développement professionnel pour documenter le parcours des étudiantes et des étudiants lors des stages, afin d’évaluer leur progrès et de faciliter l’intégration des savoirs. Le but d’un portfolio de développement professionnel est de présenter un portrait des meilleurs travaux réalisés, de démontrer l’atteinte de compétences ou la réalisation d’objectifs dans un champ donné, de documenter une trajectoire d’apprentissage et d’y poser un regard réflexif. On l’utilise comme stratégie pédagogique encourageant les étudiantes et étudiants à réfléchir, à entrer en contact avec leur réalité d’apprenant et à évaluer leurs acquis. Il s’inscrit dans une vision participative de la formation, car on reconnaît l’importance de l’engagement des étudiantes et des étudiants dans la construction de leurs apprentissages et dans l’exercice de leur pratique en devenir. Le portfolio offre « une expérience de formation pratique qui soit la plus personnalisée possible, tout en permettant une intégration de la théorie et de la pratique par le biais de la réflexion dans et sur l’action » (p. 188).
Genest Dufault et Bélanger énumèrent les caractéristiques d’un portfolio, sa mise en application et son contenu, ainsi qu’un exemple de son application dans la formation pratique en travail social à l’UQAR. On explique que l’évaluation du portfolio s’effectue au fur et à mesure que les travaux sont remis par les étudiantes ou étudiants et que la version complète du portfolio est remise aux professeures ou professeurs. Une appréciation informelle est faite en fin de parcours lors d’un colloque au dernier séminaire où les finissants présentent des kiosques dans lesquels ils partagent leur expérience de stage avec leurs collègues de 1re et 2e année, leur famille, leurs amis, ou toute personne intéressée.
Du point de vue de l’accompagnement pédagogique, la réalisation du portfolio permet aux professeures ou professeurs de mieux connaître les étudiantes ou étudiants, il enrichit la démarche de supervision, en servant de support d’échange entre la superviseure ou le superviseur et l’étudiante ou l’étudiant, et facilite l’atteinte des objectifs de formation fixés. De plus, le portfolio stimule l’analyse critique et favorise une posture réflexive chez les étudiantes et les étudiants et de consolider leur identité professionnelle. D’une dimension pratique, il permet de s’organiser, de classer, de documenter et de structurer. Cependant, certaines limites sont associées à l’utilisation d’un portfolio : les objectifs généraux de l’outil ne semblent pas toujours bien compris par les étudiantes et les étudiants, ce qui peut mener à un manque d’enthousiasme de leur part. L’utilisation d’un portfolio est novatrice et demande un effort d’introspection, d’intégration des différents savoirs et une posture réflexive, ce qui représente des défis chez ceux et celles qui n’ont jamais expérimenté ce type d’approche.
Enfin, les auteures suggèrent l’idée d’implanter le portfolio dès la première année de formation universitaire et non pas uniquement en formation pratique.
Chapitre 9 — L’accompagnement des étudiantes et étudiants ayant des besoins éducatifs spéciaux
St-Onge consacre ce dernier chapitre aux étudiantes et aux étudiants qui ont des incapacités et qui demandent des mesures d’accommodements lors de la formation pratique. L’auteure dresse un portrait de la situation au Québec où il y a une augmentation des demandes de soutien au niveau universitaire. D’une part, plusieurs ne demandent pas d’accommodements des centres d’aide des universités par peur du stigma et, d’autre part, les universités ne sont pas toujours outillées pour accompagner celles et ceux qui composent avec des limitations, notamment en ce qui concerne les stages. St-Onge indique que les étudiantes et les étudiants ont la responsabilité de divulguer leurs besoins d’accommodements pour obtenir le soutien nécessaire en stage. En revanche, dans une étude réalisée par St-Onge, et collab. (2009), les participantes et participants ont affirmé devoir se sentir accueillis par leur superviseure ou superviseur, professeure ou professeur pour qu’une telle divulgation puisse avoir lieu. En effet, l’auteure croit important que les étudiantes ou étudiants puissent soulever ces questions sans crainte d’être jugés et de pouvoir réfléchir avec les responsables de la formation pratique sur la divulgation ou non du diagnostic. Par contre, « [l]a divulgation ne doit servir qu’à des fins de développement des compétences » (p. 209).
Puis l’importance d’une concertation entre les différents intervenantes et intervenants est démontrée afin de favoriser la mise en place de mesures d’accommodements en stage. Certaines stratégies sont avancées, telles qu’évaluer avant le stage les difficultés possibles qui pourraient intervenir dans l’atteinte des objectifs ainsi que mettre en place un mécanisme permettant aux étudiantes et aux étudiants de s’auto-identifier. De plus, le fait de les informer sur leurs droits en matière d’accommodements s’avère une autre piste prometteuse. Enfin, la coordonnatrice ou le coordonnateur de la formation pratique peut informer les superviseures ou superviseurs de stages des services d’aide disponibles à l’université, ce qui aurait pour effet de diminuer un sentiment de surcharge de leur part. Pour conclure, l’auteure mentionne l’importance d’analyser la totalité de la situation lors de difficultés rencontrées en stage afin de soutenir l’étudiante ou l’étudiant et d’éviter que les stagiaires « ne se retrouvent en situation de handicap » (p. 214).
Notre réflexion
Accompagner le projet de formation pratique en travail social — Complexité — enjeux — défis est à notre avis un outil de référence essentiel pour les superviseures ou superviseurs de stages, les professeures ou professeurs, et surtout pour les nouveaux actrices et acteurs dans le domaine. En effet, il n’existe que très peu d’ouvrages portant sur la formation pratique, et encore moins en français. Les différents chapitres et une bibliographie à jour permettent une vue d’ensemble de la formation pratique et proposent moult réflexions sur divers aspects touchant cette dernière.
Au fil des trois parties de l’ouvrage et de ses neuf chapitres, plusieurs outils pédagogiques concrets et pratiques sont proposés, peuvent être reproduits en salle de classe et être adaptés au processus de formation pratique. La lectrice ou le lecteur peut se familiariser avec les questions relatives à la formation pratique grâce aux exemples concrets, aux vignettes et aux outils suggérés dans le livre. En effet, des vignettes présentes dans plusieurs chapitres servent à illustrer les concepts énoncés, et ce, par le biais de mises en situation.
Le fil conducteur de ce recueil de textes est de voir les enjeux et les défis liés à la formation pratique des écoles de travail social au Québec comme des leviers à l’apprentissage. Les auteures veulent sortir du discours fataliste, elles veulent donner espoir face aux défis qui attendent les personnes impliquées dans la formation pratique des travailleuses sociales ou des travailleurs sociaux.
Les idées avancées portent sur l’importance de la pratique réflexive et des savoirs d’expériences dans le développement de l’identité professionnelle. L’apport de cet ouvrage est de voir la formation pratique comme partie prenante des programmes de formation, et non pas en opposition à la théorie. Parallèlement, la formation pratique est présentée comme un objet de recherche. En ce qui nous concerne, il serait intéressant de produire un complément à cet ouvrage, lequel toucherait aux réalités de la formation pratique en milieu minoritaire francophone.
En conclusion, Accompagner le projet de formation pratique en travail social —Complexité — enjeux — défis s’avère une lecture selon nous fondamentale pour les personnes impliquées dans la formation pratique. L’ouvrage offre des pistes de réflexion aidant à cerner les enjeux et à contourner les défis qui y sont inhérents, tout en proposant des stratégies innovantes.