Corps de l’article

Introduction

Les communautés francophones en situation minoritaire (CFSM) font partie de l’identité canadienne. Le Canada compte près de 7,2 millions d’habitants ayant le français comme langue maternelle; un million d’entre eux se situe au sein des CFSM (Statistique Canada, 2016b). Environ 5 % des francophones canadiens résident en Ontario. À l’heure actuelle, il existe un manque de données décrivant les services auxiliaires de santé offerts en français et disponibles dans les CFSM. Cette pénurie d’information est inquiétante, car plusieurs études ont montré que la langue de communication entre la personne qui fournit un service (la professionnelle ou le professionnel de la santé) et celle qui la reçoit (l’utilisatrice ou l’utilisateur) a un impact sur la qualité, l’efficacité et la sécurité des services (Bouchard, et collab., 2009; Bouchard, et collab., 2006; Forgues et Landry, 2014). Cette concomitance avec l’accès restreint aux services de santé francophones dans les CFSM fait en sorte que la santé de cette population est compromise.

Loi sur les services en français (LSF)

La Loi sur les services en français (LSF) garantit le droit de recevoir des services en français dans tous les organismes gouvernementaux désignés (Gouvernement de l’Ontario, 2014). Cette désignation est émise lorsqu’une région se compose d’un minimum de 10 % ou de 5 000 francophones (Gouvernement du Canada, 1988). Dans la présente étude, la région du NordEst de l’Ontario a été ciblée. Cette région compte sept districts et 23,4 % des francophones de l’Ontario (Commissariat aux langues officielles, 1991). Selon la LSF, ces districts sont désignés pour offrir des services gouvernementaux en français, à l’exception du district de Manitoulin.

Services de santé dans les régions rurales et urbaines

En 2001, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada a révélé qu’entre 50 et 55 % des francophones n’ont aucunement ou rarement accès à des services de santé en français. En Ontario, ce sont les réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) qui tentent d’harmoniser les services de santé auprès des communautés locales et leurs besoins. Par contre, ces services sont difficiles à fournir au sein des communautés rurales isolées (Rural and Northern Health Care Panel, 2010). En effet, on rapporte souvent qu’il est compliqué d’obtenir des services en français dans ces régions (Qualité des services de santé Ontario, 2017).

La concentration de la population franco-ontarienne se situe au sein de régions rurales; l’accès aux services de santé en français est limité dans ces régions en raison du nombre élevé de personnes nécessitant ces services, comparativement aux prestataires disponibles (Bouchard, et collab., 2010). Des chercheures et chercheurs ont étudié ce phénomène et ont montré que les communautés fortement francophones et rurales du Nord ont les plus petits ratios de médecins pouvant offrir des services en français (Gauthier, Timony et Wenghofer, 2012; Timony, et collab., 2013). On peut supposer que ce serait de même pour les services auxiliaires de santé (SAS). Cependant, très peu de ces services ont été examinés (Benoît, et collab., 2015).

Offre active des services de soins de santé

Ayant comme but d’assurer l’offre proactive des services de soins de santé dans la langue officielle et dominante des personnes, l’offre active est un principe qui invite ouvertement le public à faire l’utilisation d’une des deux langues officielles du Canada lorsqu’il utilise des services fédéraux (Commissariat aux langues officielles, 2017). L’offre active cherche donc à s’opposer aux effets de minorisation et à améliorer les services offerts aux populations francophones (Bouchard, Beaulieu et Desmeules, 2012). Plusieurs chercheurs ont montré que l’offre active a un impact considérable sur la demande de services au sein des CFSM : plus on offre des services en français, plus il y aura de demandes (Boileau, 2009; Deveau, Landry et Allard, 2009; Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario, 2016; Statistique Canada, 2017).

L’importance de l’offre active est mise en évidence lorsque l’on considère le fait que les francophones sont souvent moins motivés et plus réticents à demander un service en français si la personne qui offre le service leur adresse la parole en anglais dès le début (Lortie et Lalonde, 2012). Cette possibilité d’une barrière linguistique réduit complètement le recours aux services préventifs et aux suivis adéquats. Elle fait aussi en sorte que les francophones acceptent des services de santé en anglais malgré l’inconfort ressenti ou la compétence, voire l’incompétence dans cette langue (Bouchard, et collab., 2009).

En 1999, l’honorable Allan Rock a mis sur pied le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire (CCCFSM) ayant pour but d’améliorer la santé des francophones en situation minoritaire. Le comité était composé de deux coprésidents, soit un représentant de la partie communautaire et un représentant de la partie fédérale, de sept représentants des CFSM, de trois représentants de gouvernements provinciaux, de hauts fonctionnaires de Santé Canada et d’un représentant du ministère du Patrimoine canadien (Santé Canada, 2001). Ce comité a élaboré un projet afin de tenter de faire en sorte que les francophones aient davantage accès aux personnes fournissant des services de santé en français. C’est ainsi que le Règlement de l’Ontario 284/11 : Prestation de services en français pour le compte d’organismes gouvernementaux a été adopté par le gouvernement en 2011, règlement qui incluait l’initiative de l’offre active (Gouvernement de l’Ontario, 2014). Grâce à ce règlement, les institutions désignées doivent instaurer une offre active « proactive » (Bouchard, Beaulieu et Desmeules, 2012; Consortium national de formation en santé, 2014).

Services auxiliaires de santé (SAS)

De toutes les études effectuées, il n’y a aucune étude empirique portant sur les SAS, c’est-à-dire les services d’orthophonie, d’ergothérapie et de physiothérapie, en conjonction avec l’offre active. Les SAS sont importants puisqu’ils contribuent à la santé, à l’indépendance et au bienêtre des individus qui en ont besoin.

Les orthophonistes oeuvrent auprès de gens ayant un trouble de la communication. La pratique permet d’offrir des services d’évaluation et de traitement des troubles de parole, de langage et de déglutition (Orthophonie et Audiologie Canada, 2014). Les ergothérapeutes offrent des services reposant sur l’éducation, la rééducation et la réadaptation par l’entremise de l’activité physique, du travail manuel et de stratégies compensatoires (Ordre des ergothérapeutes de l’Ontario, 2015). Enfin, les physiothérapeutes visent l’amélioration des capacités physiques, permettant ainsi l’intégration sociale des patients, ainsi que l’exécution d’activités quotidiennes, de travail, de loisirs et de sports (Ordre des physiothérapeutes de l’Ontario, 2015).

Malgré le fait que les SAS soient utilisés par une vaste gamme d’individus en Ontario, il existe peu de données concernant la disponibilité des SAS dans le Nord-Est de l’Ontario, les habiletés des personnes fournissant des SAS à desservir la population francophone et la participation actuelle de celles-ci à l’offre active des SAS.

En janvier 2017, le rapport de Statistique Canada sur les services de santé en français offre quelques informations intéressantes par rapport aux services de santé. Parmi plusieurs analyses, le nombre d’« autres professionnels de la santé » dans le Nord-Est de l’Ontario pouvant desservir la population francophone a été comptabilisé. Cette catégorie regroupe les orthophonistes, les ergothérapeutes et les physiothérapeutes, ainsi que 30 autres professions telles que les dentistes, les vétérinaires et les optométristes. En 2011, il y avait dans le Nord-Est 6 340 prestataires de services qui tombaient sous la catégorie « autres professionnels de la santé » (Statistique Canada, 2017). Parmi les 6 340, environ 20 % ont indiqué être francophones, environ 35 % ont indiqué être capables d’entretenir une conversation en français, et environ 30 % ont indiqué utiliser le français régulièrement au travail. En 2011, comme la population francophone du Nord-Est correspondait à 117 650 individus, cela nous indique qu’il y avait un faible pourcentage de personnes pouvant au minimum entretenir une conversation en français (Statistique Canada, 2017). D’une part, nous rappelons que le fait de pouvoir entretenir une conversation en français ne correspond pas à l’offre active d’un service de qualité en français. D’autre part, ce total n’offre pas un portrait des effectifs des orthophonistes, ergothérapeutes et physiothérapeutes au sein de la région. Dès lors, des données portant sur les besoins actuels de ces services de la part des francophones sont lacunaires.

Cadre conceptuel

Depuis la parution du rapport Lalonde (1974), la santé est envisagée de manière multidimensionnelle, impliquant à la fois les facteurs biologiques, comportementaux, environnementaux et médicaux (Bouchard et Desmeules, 2013). En 2001, Bowen a contribué à cette conceptualisation en montrant les effets négatifs de la barrière linguistique sur l’accès aux services de santé, la qualité des soins, les droits des personnes, l’efficacité de la communication patient-médecin et la santé elle-même (Bowen, 2001). Dans son rapport pour Santé Canada, Bowen a indiqué plus spécifiquement qu’une barrière linguistique aurait un impact plus considérable sur les services qui reposent sur la communication, tels que les services de santé mentale et les services sociaux. Par conséquent, cette barrière peut mener à une sous-utilisation des services de santé par les groupes minoritaires.

Dans notre recension des écrits, nous avons indiqué que, dans les communautés rurales isolées, les RLISS ont de la difficulté à fournir tous les services de santé (Rural and Northern Health Care Panel, 2010). De plus, malgré le fait que six des sept districts du Nord-Est sont désignés pour offrir des services gouvernementaux en français, il est difficile de les obtenir (Qualité des services de santé Ontario, 2017). En effet, les communautés fortement francophones rurales du Nord ont les plus petits ratios de médecins pouvant offrir des services en français (Timony, et collab., 2013). Nous posons donc comme hypothèse que la situation linguistique minoritaire influencera aussi négativement la disponibilité et l’offre active des SAS en français. Le but de l’étude était donc de sonder les personnes fournissant des SAS, ainsi que celles les utilisant afin de déterminer leurs perceptions concernant l’offre de ces services en français, ainsi que l’accessibilité aux services auxiliaires de santé en français.

Méthode

Présondage

Suivant les meilleures pratiques pour l’élaboration d’outils de sondage (Umback, 2004), deux questionnaires ont été créés dans une étude préalable, l’un pour les personnes qui offrent les SAS (les professionnelles et professionnels de la santé) et l’autre pour les personnes qui les utilisent (les clientes et clients) (Coutu, 2017). Chaque questionnaire a ensuite été traduit en anglais, afin que les personnes puissent répondre dans la langue de leur choix. Par la suite, la validité du contenu des outils a été déterminée par trois expertes : deux en recherche expérimentale et une en recherche sur l’offre active des soins de santé en français. Enfin, la validité des questionnaires a été vérifiée à l’aide de l’analyse factorielle.

Un prétest des outils a été effectué auprès d’un groupe de consultation (focus group). Vingt individus (n = 20) ont été recrutés pour participer au prétest : 10 personnes fournissant un SAS (orthophoniste, ergothérapeute ou physiothérapeute) et dix personnes qui y ont eu recours. À cet effet, la technique de l’interrogation des répondantes et répondants (respondent debriefing), soit une méthode quantitative pour prétester un questionnaire, a été utilisée (DeMaio, Rothgeb et Hess, 1998). Cette technique comporte deux étapes. Dans la première, les personnes doivent compléter l’outil en répondant à toutes les questions. Dans la deuxième, elles doivent répondre à une série de questions, immédiatement après avoir rempli le questionnaire, et donner leur rétroaction par rapport à leur expérience (DeMaio, Rothgeb et Hess, 1998).

Les résultats du prétest ont révélé que les questionnaires étaient faciles à comprendre, qu’ils ont été remplis en peu de temps et qu’ils mesuraient efficacement l’offre active de services en français. Après quelques modifications, les questionnaires étaient prêts à être utilisés afin de comprendre les besoins par rapport aux SAS en français dans les CFSM en Ontario, soit des besoins qui n’avaient pas été mesurés à ce jour.

Sondage et recrutement

Le questionnaire destiné aux personnes fournissant un SAS se compose de 39 questions, regroupées en cinq thèmes : informations personnelles, caractéristiques de l’organisme où travaille la personne fournissant le SAS, caractéristiques de la clientèle desservie par l’organisme, connaissances par rapport à l’offre active et rétroaction. Le questionnaire destiné aux personnes qui utilisent les SAS se compose de 29 questions, regroupées en quatre thèmes : informations personnelles, informations par rapport au service reçu, connaissances par rapport à l’offre active et rétroaction. Le sondage a été effectué à l’aide du site Internet http://freeonlinesurveys.com. Cette étude a permis de faire une première exploration du point de vue des personnes fournissant des SAS et de celles les utilisant eu égard à l’accessibilité des SAS et de l’offre active en français. Ce projet a été approuvé par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laurentienne.

Afin de recruter des personnes fournissant des SAS dans le Nord-Est de l’Ontario, une recherche a été effectuée sur les sites Internet de l’Ordre des audiologistes et des orthophonistes, celui des ergothérapeutes et celui des physiothérapeutes de l’Ontario. Par la suite, des invitations ont été envoyées à des personnes fournissant des SAS dans le but d’expliquer le projet de recherche et de partager les liens menant aux questionnaires. Nous avions aussi demandé que les personnes fournissant des SAS partagent l’invitation avec leur clientèle. L’effet boule de neige a donc permis de recruter d’autres répondantes et répondants. De plus, il y a eu une diffusion de l’invitation et des affiches par l’entremise des médias sociaux, ce qui a permis le recrutement de répondantes et répondants additionnels.

Personnes ayant répondu au sondage

Au total, 226 personnes ont consenti à prendre part à l’étude avec un taux de réponse de 22 % : 138 personnes fournissant des SAS (49 orthophonistes, 42 ergothérapeutes et 47 physiothérapeutes) et 87 personnes utilisant des SAS (26 en orthophonie, 15 en ergothérapie et 46 en physiothérapie). Selon une étude effectuée aux États-Unis en vue de déterminer le niveau de réponse à divers sondages auprès de plus de 100 000 organismes, le taux de réponse attendu est de 35,5 % avec un écart-type de 18,8, soit une étendue de 16,7 % à 54,3 %. Le taux de 22 % obtenu dans le cadre de cette étude est donc conforme aux tendances rapportées (Baruch et Holtom, 2008). Malgré le fait que le nombre de personnes pour chaque SAS soit faible, les résultats offrent des pistes afin de poursuivre nos questions de recherche puisqu’elles décrivent les tendances concernant les cinq thèmes du questionnaire. Le tableau 1 donne un aperçu de la distribution des personnes fournissant un SAS selon la profession et le district de provenance. Puisque les personnes utilisant les services ont été invitées à participer par diverses méthodes (ex. médias sociaux, personnes fournissant un SAS, méthode boule de neige, etc.), il était impossible de déterminer le nombre d’invitations envoyées.

Tableau 1

Invitations envoyées aux personnes fournissant un SAS

Invitations envoyées aux personnes fournissant un SAS

-> Voir la liste des tableaux

Les personnes devaient aussi s’identifier à un groupe linguistique, soit francophone, bilingue, allophone ou anglophone. Les tableaux 2 et 3 montrent la répartition des personnes selon le groupe linguistique.

Tableau 2

Identités linguistiques des personnes fournissant un SAS par district*

Identités linguistiques des personnes fournissant un SAS par district*

* Cette information était manquante pour 31 participants.

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 3

Identités linguistiques des personnes utilisant un SAS par district*

Identités linguistiques des personnes utilisant un SAS par district*

* Cette information était manquante pour 1 participant.

-> Voir la liste des tableaux

À ce sujet, il est important de noter que l’identité linguistique des personnes fournissant des SAS différait de celle des personnes qui les utilisent. En effet, le taux de francophones utilisant un SAS était de 79 %, tandis que le taux de personnes fournissant des SAS n’était que de 47 %. Ces pourcentages représentent, selon nous, l’iniquité entre prestataires et usagers francophones dans le Nord-Est de l’Ontario. En fait, l’étude de Gauthier, Timony et Wenghofer (2012), portant sur les médecins dans la région du Nord-Est de l’Ontario, a soulevé des résultats comparables. Cette iniquité pourrait être expliquée par le fait qu’il y a seulement une université en Ontario qui offre les programmes d’ergothérapie et de physiothérapie en français et deux universités avec une admission contingentée qui offrent le programme d’orthophonie en français. Nous revenons sur ce constat dans la discussion.

Résultats

Le progiciel de statistiques pour les sciences sociales (SPSS) (International Business Machines Corporation, 2016) a été utilisé afin d’effectuer les analyses quantitatives. Certaines variables ont été regroupées afin de faciliter l’analyse puisque, dans certains cas, il y avait un nombre trop restreint de personnes à l’intérieur d’un même groupe. Nous avons regroupé les variables des organismes comme suit : 1) la variable « hôpital » comprend les organismes suivants : hôpitaux, centres de réadaptation, services de santé de longue durée et centres de santé communautaire; 2) la variable « centre de traitement pour enfants » regroupe les centres de traitement pour enfants et les agences préscolaires. Les districts ont aussi été regroupés comme suit : Cochrane, Nipissing, Sudbury et autres (Algoma, Manitoulin, Parry Sound et Timiskaming). Les analyses (tableaux croisés utilisant le chi carré) ont été effectuées afin de déterminer s’il y avait une différence significative entre les personnes qui fournissent des SAS. Lorsqu’il y en avait une, une analyse ANOVA a ensuite été effectuée afin de déterminer où se trouvait la différence significative.

LSF, offre active et accès aux services en français

Loi sur les services en français (LSF) et offre active

Les résultats sont présentés dans les tableaux 4, 5, 6 et 7. Une différence significative est notée quant à la connaissance de la LSF et de l’offre active chez les personnes fournissant des SAS. Ainsi, un plus grand nombre d’orthophonistes connaissait la LSF (item 15 F), offrait un accueil bilingue (item 25 F) et participait à l’offre active (item 23 F), comparativement aux autres disciplines. De plus, la grande majorité des personnes fournissant des SAS ont dénoté qu’il est important que les personnes utilisant des SAS puissent communiquer dans leur langue première (item 17 F). Par conséquent, elles offrent des services en français (item 14 F). Malgré ces propos, certaines personnes fournissant des SAS ont mentionné qu’elles ne connaissaient pas le concept de l’offre active (item 16 F) : 96 % (n = 121) des personnes fournissant un SAS ont déclaré que l’offre active est importante, mais seulement 80 % (n = 80) ont indiqué y participer.

Parmi les personnes qui utilisent les SAS, plus de la moitié a mentionné connaître la LSF (item 27 U), et toutes ont indiqué que l’offre active des SAS est importante (item 37 U). De plus, les personnes qui utilisent les services en ergothérapie et en orthophonie ont plus souvent mentionné avoir été accueillies en français (items 14, 20 et 26 U) et avoir reçu des services en français (items 10, 16 et 22 U). Toutefois, ce sont ces mêmes personnes qui ont le plus souvent demandé des services en français (items 12, 18 et 24 U). Enfin, une différence significative a été notée pour ce qui est de la connaissance de l’offre active : les personnes utilisant les SAS connaissent mieux le concept de l’offre active que les personnes qui les fournissent.

Tableau 4

Items oui/non des personnes fournissant un SAS : Offre active et accès aux SAS

Items oui/non des personnes fournissant un SAS : Offre active et accès aux SAS

* F = personnes fournissant un SAS; **ORTH = orthophonie; PHYS = physiothérapie; ERGO = ergothérapie.

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 5

Item 25 des personnes fournissant un SAS : Offre active et accès aux SAS

Item 25 des personnes fournissant un SAS : Offre active et accès aux SAS

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 6

Items oui/non des personnes utilisant un SAS : Offre active et accès aux SAS

Items oui/non des personnes utilisant un SAS : Offre active et accès aux SAS

* U = personnes utilisant un SAS; ** Aucune statistique puisque ces données sont constantes.

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 7

Items des personnes utilisant un SAS : Offre active et qualité du service

Items des personnes utilisant un SAS : Offre active et qualité du service

-> Voir la liste des tableaux

Accès aux SAS en français

Nous rappelons que les items 20 (F) et 32, 33, 34 (U) mesurent ensemble la disponibilité des SAS en français. Plus de la moitié des personnes ont noté qu’il y avait un manque de SAS en français. Ce constat est appuyé par le fait qu’environ 40 % des personnes utilisant un SAS ont indiqué qu’elles ont dû attendre pour recevoir un service en français. Comme pour la connaissance de l’offre active, une différence significative a été notée pour ce qui est du manque de SAS en français (items 38 F et 39 U) : un plus grand taux de personnes qui utilisent des SAS croient qu’il y a un manque, comparativement aux personnes qui les fournissent. Le tableau 8 illustre ces données. Par ailleurs, lorsqu’un SAS a été reçu, il a été jugé comme étant de « bon » à « excellent » (items 11, 17, 23 U). Les données relatives à cet item se trouvent au tableau 9.

Tableau 8

Items oui/non des personnes utilisant un SAS : Disponibilité et attentes des services

Items oui/non des personnes utilisant un SAS : Disponibilité et attentes des services

*** Items 20 (F) et 32, 33, 34 (U) mesurent ensemble la disponibilité des services en français.

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 9

Items des personnes utilisant un SAS : Qualité du service reçu en français

Items des personnes utilisant un SAS : Qualité du service reçu en français

-> Voir la liste des tableaux

LSF et offre active : organismes communautaires

Les résultats concernant les organismes communautaires sont présentés dans les tableaux 10, 11, 12 et 13. Lorsque nous comparons les réponses des personnes fournissant des SAS selon le type d’organisme, des différences significatives sont notées. Rappelons qu’il y avait cinq catégories, soit : 1) conseil scolaire; 2) milieu hospitalier; 3) centre d’accès aux soins communautaires (CASC); 4) centre de traitement pour enfants (CTE); 5) pratique privée. Par rapport à l’offre active, les conseils scolaires (6,25 %) et les cliniques privées (0 %) utilisent moins le système d’identification visuelle (p. ex. affiches annonçant la désignation bilingue) (item 8 F) et accueillent moins les personnes de façon bilingue (item 24 F) (33,3 % et 71,4 %, respectivement). Les cliniques privées connaissent moins la LSF (item 15 F) (25 %) et participent moins à l’offre active (28,6 %). En revanche, les CTE (100 %), les CASC (80 %) et les conseils scolaires (100 %) participent davantage à l’offre active (item 23 F).

En général, la plupart des personnes fournissant un SAS ont indiqué que leur lieu de travail offre des services en français (item 6 F), et plusieurs ont indiqué qu’elles offrent elles-mêmes des services en français (item 14 F). Malgré cela, environ 50 % des personnes utilisant un SAS ont énoncé avoir attendu plus longtemps pour un service en français.

Les analyses ont montré qu’il y avait une différence significative entre les organismes en ce qui touche l’obtention d’un service en français (items 10, 16 et 22 U), comme les personnes utilisant des SAS ont accordé aux conseils scolaires, aux CASC et aux CTE des pourcentages plus élevés. Ce résultat n’était pas surprenant compte tenu du fait que ce sont ces organismes qui ont fait un accueil plus fréquent en français. Finalement, lorsque les services en français sont reçus, la plupart des personnes utilisant un SAS ont indiqué que la qualité du français était d’« adéquate à bonne » dans les hôpitaux et de « bonne à excellente » dans les conseils scolaires, les CASC et les CTE (items 11,17 et 23 U).

Tableau 10

Items oui/non des personnes fournissant des SAS : Offre active et accès aux SAS

Items oui/non des personnes fournissant des SAS : Offre active et accès aux SAS

*** Items 20 (F) et 32, 33, 34 (U) mesurent ensemble la disponibilité des services en français.

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 11

Items oui/non des personnes fournissant des SAS : Offre active et accès aux SAS

Items oui/non des personnes fournissant des SAS : Offre active et accès aux SAS

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 12

Items oui/non des personnes utilisant des SAS : Offre active et accès aux SAS

Items oui/non des personnes utilisant des SAS : Offre active et accès aux SAS

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 13

Items oui/non des personnes utilisant des SAS : Offre active et accès aux SAS

Items oui/non des personnes utilisant des SAS : Offre active et accès aux SAS

-> Voir la liste des tableaux

LSF et offre active selon les districts du Nord-Est de l’Ontario

Les tableaux 14, 15 et 16 présentent les résultats de l’offre active selon les districts. On note une différence significative entre les sept districts en ce qui touche l’offre des services en français selon le point de vue des personnes fournissant des SAS (item 23 F). Au sein du groupe « Autres », les personnes fournissant des SAS ont moins participé à l’offre active (71,4 %). En revanche, celles des districts de Sudbury (82,4 %), Nipissing (81,8 %) et Cochrane (75 %) en ont fait davantage. Parmi les districts, aucune différence significative n’a été soulevée pour ce qui est du système d’identification visuelle pour le personnel bilingue (item 8 F), ni auprès de la connaissance de la LSF (item 15 F). Encore une fois, malgré le fait que plus de la moitié des personnes fournissant un SAS ont indiqué connaître la LSF, plusieurs n’étaient pas familières avec le concept de l’offre active (item 16 F).

Les personnes utilisant des SAS ont moins demandé que ces services soient offerts en français dans le district de Sudbury; en revanche, dans les districts de Cochrane et de Nipissing, la demande de SAS en français était plus élevée (items 12, 18 et 24 U). Ce résultat concorde avec les réponses des personnes fournissant des SAS : dans le district de Sudbury, on voit que l’accueil de la clientèle francophone oscille de « parfois » à « souvent », alors que, dans les districts de Cochrane et de Nipissing, elle va de « souvent » à « toujours » (item 25 F). Quant à la LSF, les personnes utilisant des SAS à Cochrane la connaissent mieux, et les personnes dans la catégorie « Autres » la connaissent le moins (item 27 U). Quant à l’offre active, les organismes communautaires de Sudbury y participent « parfois », et ceux des districts de Cochrane et de Nipissing de « parfois » à « toujours » (item 23 F).

Tableau 14

Items oui/non des personnes fournissant des SAS : Offre active et accès aux SAS

Items oui/non des personnes fournissant des SAS : Offre active et accès aux SAS

*Autres = Algoma, Manitoulin, Parry Sound et Timiskaming

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 15

Items oui/non des personnes fournissant des SAS : Offre active et accès aux SAS

Items oui/non des personnes fournissant des SAS : Offre active et accès aux SAS

-> Voir la liste des tableaux

Tableau 16

Items oui/non des personnes utilisant des SAS : Offre active et accès aux SAS

Items oui/non des personnes utilisant des SAS : Offre active et accès aux SAS

-> Voir la liste des tableaux

LSF et offre active : personnes fournissant des SAS

Afin de mieux comprendre les défis liés à l’offre active et les SAS en français, une série de questions ouvertes ont été incluses dans les questionnaires. Des analyses qualitatives ont été effectuées pour mieux saisir ces réponses; les énoncés des personnes ont ensuite été répartis selon les différentes catégories. Ainsi, par rapport à la facilité avec la langue française (item 19)[2], les personnes fournissant un SAS ont répondu :

  1. qu’elles ne font pas confiance à leurs habiletés à communiquer en français;

  2. qu’elles sont moins à l’aise avec les différents registres de la langue française;

  3. qu’il y a un manque de ressources en français (p. ex. matériel d’évaluation et d’intervention en français, documentation écrite pouvant être partagée avec les personnes utilisant les services, etc.);

  4. qu’elles dirigent leurs clientèles vers une autre personne qui s’exprime mieux en français. La figure 1 illustre la répartition des réponses.

Figure 1

Facilité avec la langue française

Facilité avec la langue française

(n = 29)

-> Voir la liste des figures

L’item 30 du questionnaire des personnes fournissant des SAS portait sur les barrières supplémentaires à l’offre active[3]. Les barrières suivantes ont été dénotées (en ordre décroissant) :

  1. un manque de matériaux en français (59 %);

  2. un environnement de travail et de la communauté qui ne favorise pas l’utilisation du français (16 %);

  3. un horaire trop chargé (11 %);

  4. un manque de confiance ou de compétence pour parler la langue française (10 %);

  5. la requête des personnes (p. ex. la personne demande de recevoir le service en anglais même si elle s’identifie comme francophone) (3 %);

  6. le manque de ressources humaines (personnes fournissant des SAS qui parlent en français) (1 %);

  7. les droits ou les exigences de l’environnement (p. ex. la politique du conseil scolaire francophone suggère d’offrir des services en français peu importe la langue de l’enfant/de la famille) (1 %).

La figure 2 illustre la distribution des répondantes et répondants.

Figure 2

Barrières supplémentaires quant à l’offre des SAS en français

Barrières supplémentaires quant à l’offre des SAS en français

(n = 103)

-> Voir la liste des figures

Par rapport à la charge supplémentaire que peut apporter l’offre active[4] (item 31), les personnes fournissant un SAS ont répondu que cette charge est influencée par (en ordre décroissant) :

  1. les éléments de temps et de coût lorsqu’elles travaillent avec une personne francophone (49 %);

  2. le manque de matériaux disponibles en français (46 %);

  3. l’obligation de diriger les personnes francophones vers un autre membre du personnel francophone (3 %);

  4. l’environnement de travail plutôt anglophone (3 %) (Figure 3).

Figure 3

Charge supplémentaire quant à l’offre des SAS en français

Charge supplémentaire quant à l’offre des SAS en français

(n = 33)

-> Voir la liste des figures

Par rapport aux obstacles à l’offre active[5], les personnes fournissant des SAS ont fourni les explications suivantes (en ordre décroissant) :

  1. le manque de ressources humaines en français (46 %);

  2. le manque de matériaux en français (31 %);

  3. l’environnement de travail et de la communauté plutôt anglophone (8 %);

  4. la pénurie de perfectionnement professionnel en français (6 %);

  5. aucun obstacle (p. ex. travailler dans un conseil scolaire francophone) (6 %);

  6. le manque de requête de la part des personnes pour des services en français (2 %);

  7. le manque de connaissance de l’offre active et de la LSF (1 %) (Figure 4).

Figure 4

Principaux obstacles à offrir des SAS en français

Principaux obstacles à offrir des SAS en français

(n = 128)

-> Voir la liste des figures

Certaines personnes fournissant des SAS ont mentionné que l’offre active n’était pas importante, pour les raisons suivantes :

  1. la nonnécessité puisque les personnes peuvent utiliser un interprète;

  2. l’environnement de travail et/ou de la communauté qui ne leur permet pas de communiquer dans la langue première de la personne (p. ex. travailler dans un conseil scolaire anglophone).

L’item 17 du questionnaire des personnes fournissant des SAS portait sur les priorités actuelles de santé par rapport aux SAS[6]. L’importance d’offrir des SAS a été dénotée afin (en ordre décroissant) :

  1. d’améliorer la communication cliente ou client- thérapeute (64 %);

  2. d’améliorer le traitement et son efficacité (18 %);

  3. de respecter la culture et l’identité de la personne (9 %);

  4. de respecter les droits de la personne (la LSF) (6 %);

  5. de respecter le contexte linguistique de la communauté et du travail (4 %) (Figure 5).

Figure 5

Priorités actuelles de santé des personnes fournissant des SAS

Priorités actuelles de santé des personnes fournissant des SAS

(n = 55)

-> Voir la liste des figures

LSF et offre active : priorités chez les personnes qui utilisent des SAS

À l’item 41 du questionnaire des personnes qui utilisent des SAS, c’est-à-dire « Quelles sont vos priorités actuelles de santé par rapport aux services auxiliaires (l’orthophonie, l’ergothérapie et/ou la physiothérapie)? », les priorités suivantes ont été soulevées (en ordre décroissant) :

  1. la réception de services auxiliaires de santé (plus de services en physiothérapie);

  2. l’augmentation de ressources humaines (le nombre de personnes bilingues fournissant un SAS);

  3. la réception de services en français;

  4. l’augmentation du temps alloué à la thérapie (Figure 6).

Figure 6

Priorités des personnes qui utilisent les SAS

Priorités des personnes qui utilisent les SAS

(n = 27)

-> Voir la liste des figures

Quant aux expériences négatives vécues par les personnes qui étaient obligées d’obtenir un SAS en anglais (items 35 et 36)[7], les prochains propos ont été le plus souvent sélectionnés (en ordre décroissant) :

  1. l’effet sur la communication cliente ou client- thérapeute;

  2. le manque de confort dans l’environnement unilingue anglophone;

  3. leur santé et/ou leur bien-être ont été mis en danger.

La figure 7 représente la distribution de ces catégories.

Figure 7

Expériences négatives de la réception d’un SAS en anglais

Expériences négatives de la réception d’un SAS en anglais

(n = 43)

-> Voir la liste des figures

Enfin, afin d’améliorer les SAS en français[8], les personnes qui fournissent les services et celles qui les utilisent ont fait les suggestions suivantes (en ordre décroissant) :

  1. l’augmentation du nombre de personnes bi- lingues pouvant offrir des SAS (69 %);

  2. le développement de formations (perfection nement professionnel en français, soit en lien avec la profession même, soit en lien avec l’offre active) pour les personnes fournissant des SAS (19 %);

  3. la conscientisation au sujet de l’offre active et de la LSF auprès de toutes et tous (6 %);

  4. l’augmentation de matériaux d’évaluation et d’intervention disponibles pour les personnes fournissant des SAS (3 %);

  5. aucune amélioration nécessaire (3 %).

La figure 8 illustre la distribution des réponses.

Figure 8

Suggestions afin d’améliorer l’offre de SAS en français

Suggestions afin d’améliorer l’offre de SAS en français

(n = 36)

-> Voir la liste des figures

Discussion

Le but de l’étude était de sonder les personnes fournissant des SAS, ainsi que celles les utilisant afin de déterminer leurs perceptions concernant l’offre de services auxiliaires de santé en français, ainsi que l’accessibilité à ces services en français. Les résultats ont permis de contribuer à la conceptualisation de la santé comme entité multidimensionnelle (Lalonde, 1974). Conformément aux résultats du rapport publié par Bowen en 2001, les personnes qui offrent et utilisent des SAS et qui ont participé à cette étude ont noté des effets négatifs de la barrière linguistique sur les droits des personnes, l’accès aux SAS en français et l’efficacité de la communication.

LSF et offre active : accès et disponibilité des SAS en français

Lortie et Lalonde (2012) indiquent que l’offre active est présente lorsque les gens des CFSM en sont informés. Nos résultats montrent que les personnes qui utilisent et fournissent des SAS croient en l’importance de la LSF et du fait de pouvoir communiquer dans sa langue première, et ont indiqué que l’offre active s’avère importante. Malgré cela, un plus grand nombre de personnes qui utilisent des SAS que de personnes qui les offrent connaissaient l’offre active. En effet, un nombre restreint de personnes fournissant un SAS ont mentionné participer activement à l’offre active. Ce résultat est décevant, compte tenu du fait que l’offre active et la LSF sont obligatoires dans plusieurs régions désignées du Nord-Est de l’Ontario (Commissariat aux langues officielles, 1991). Par contre, ces données doivent être nuancées : même si plusieurs personnes fournissant des SAS ont indiqué ne pas connaître les notions de l’offre active, environ 80 % ont mentionné offrir à leur clientèle un service en français plus tard dans le questionnaire. Il se peut que les personnes qui offrent les services connaissent la LSF, mais pas la terminologie liée à l’offre active. Il est aussi possible qu’il y ait un manque d’éducation auprès des personnes fournissant des SAS sur la LSF, l’offre active et les effets de la barrière linguistique sur la santé.

Les orthophonistes ont davantage indiqué participer à l’offre active et avaient une connaissance plus approfondie de la LSF. Ce résultat n’est pas surprenant, car plusieurs des orthophonistes ayant participé au sondage travaillaient au sein d’un conseil scolaire de langue française et se sont identifiés en tant que francophones. De plus, comme les orthophonistes se spécialisent dans le domaine de la communication, elles et ils ont une connaissance approfondie de l’impact qu’a la langue de service auprès des personnes utilisant leurs services. Il est donc possible que la nature du domaine ait influencé leur pratique.

En ce qui a trait à l’accès aux services en français, on constate qu’il y a plus de personnes qui utilisent les services en orthophonie et en ergothérapie qui ont reçu des services en français. Par contre, ces personnes ont aussi indiqué avoir davantage demandé des services en français. Nos résultats appuient donc les recherches qui soutiennent que l’accès aux services en français a un effet sur le taux de demande et d’utilisation de services (Boileau, 2009; Deveau, Landry et Allard, 2009; Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario, 2016; Statistique Canada, 2017).

Quant à la disponibilité des SAS, plus de la moitié des personnes qui fournissent des SAS ont indiqué que les services ne sont pas toujours disponibles, montrant ainsi que les SAS en français dans le Nord-Est de l’Ontario sont largement insuffisants. En effet, les personnes utilisant des SAS ont indiqué attendre plus longtemps pour un SAS en français et ont relevé que leur priorité actuelle était d’augmenter l’accès à ces services. Comme Bouchard, et collab. (2009), nous soutenons que de nombreux francophones de l’Ontario perçoivent l’obtention de services de santé en français comme étant difficile et que leur nombre est largement insuffisant.

LSF et offre active : organismes et districts

Les personnes fournissant des SAS au sein des conseils scolaires et des cliniques privées ont mentionné utiliser moins un système d’identification visuelle et accueillir moins souvent leur clientèle de façon bilingue. En revanche, les personnes qui utilisent des SAS ont indiqué que les cliniques privées et les hôpitaux ont fait moins d’offre active que les autres organismes recensés.

Étant donné que les conseils scolaires sont des organismes unilingues et que les cliniques privées ne sont pas obligées de respecter la LSF, ce résultat n’est pas surprenant. Le résultat des hôpitaux étonne par contre, du fait que ceux au sein des districts de Sudbury, Nipissing et Cochrane sont des organismes désignés. Encore une fois, il semble y avoir, auprès des personnes fournissant des SAS, un manque d’éducation sur la LSF, l’offre active et les effets de la barrière linguistique sur la santé.

L’accès aux SAS en français a été jugé plus positivement par les personnes utilisant des SAS dans les districts de Sudbury et de Nipissing; ces mêmes personnes ont aussi plus souvent indiqué avoir demandé un service en français. Il est donc peu surprenant que nous notions un taux plus élevé de personnes fournissant un SAS s’affichant comme francophones : 45 % dans le district de Sudbury et 69,1 % dans le district de Nipissing. Encore une fois, nos résultats appuient ceux qui ont montré que l’accès aux services en français a un effet sur le taux de demande et d’utilisation de services (Boileau, 2009; Deveau, Landry et Allard, 2009; Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario, 2016; Statistique Canada, 2017).

Dans les autres districts (Algoma, Manitoulin, Parry Sound et Timiskaming), seulement 22,7 % des personnes fournissant un SAS se sont affichées en tant que francophones. Les francophones au sein des districts d’Algoma, de Parry Sound et de Manitoulin sont moins nombreux, chose qui pourrait expliquer ce résultat. Par contre, le district de Timiskaming regroupe un taux de francophones (27 %) semblable à ceux de Sudbury et Nipissing (Commissariat aux services en français de l’Ontario, 2017).

Plus de la moitié des personnes qui ont répondu au sondage, et ce, dans chacun des districts étudiés, ont indiqué un manque de services en français. Le CCCFSM (2007) indique que si l’on augmente la disponibilité et l’accessibilité de professionnelles et professionnels de la santé francophones dans les CFSM, il y aura une offre à laquelle répondront les francophones et une amélioration de la santé des francophones en situation minoritaire. Les communautés du Nord de l’Ontario occupent une très grande superficie — 280 000 km2 — et le nombre de personnes fournissant des SAS est limité (Statistique Canada, 2017). De plus, en Ontario, on observe une centralisation des francophones dans les régions rurales (Bouchard, et collab., 2010), faisant en sorte que l’accès aux services de santé en français dans ces régions est encore plus limité.

Barrières à l’offre active et priorités en matière de SAS

Les personnes qui fournissent des SAS ont noté, entre autres, l’importance d’offrir un service en français afin d’améliorer la communication avec leur clientèle, le traitement et son efficacité. Malheureusement, plusieurs barrières rendent l’offre active difficile, et ce, à tous les niveaux : personnel, organisationnel, communautaire. Nous constatons que les personnes fournissant des SAS se sentent peu outillées pour desservir leur clientèle, comme un grand pourcentage des répondantes et répondants ont noté un manque de confiance en français, ainsi qu’un manque de ressources disponibles (matériel d’évaluation et d’intervention).

Ces propos sont appuyés par les personnes utilisant des SAS, comme plusieurs d’entre elles ont souligné que l’absence d’un service en français les avait influencées négativement, que ce soit en lien avec leur communication, leur aisance au sein de l’organisme ou même leur santé. Ces résultats correspondent à l’étude de Bouchard, et collab. (2009) dans laquelle les répondantes et répondants devaient évaluer leur santé et les comorbidités (mesurées par une liste de maladies chroniques). Les résultats ont montré un pourcentage plus élevé chez les francophones minoritaires de l’Ontario au niveau des comorbidités. Les résultats ont aussi indiqué que l’état de leur santé était souvent jugé comme étant « mauvais ». Dans le cadre de la présente étude, 5 % des personnes qui utilisent des SAS (n = 12) ont coché parmi la liste des choix disponibles que leur santé ou leur bien-être avait été mis en danger en raison d’un manque de service en français, sans en spécifier la sévérité. Des études ultérieures sont de mise afin d’explorer ce phénomène plus en profondeur. En dernier lieu, les personnes qui utilisent des SAS ont indiqué comme priorité l’augmentation de personnes bilingues pouvant offrir les SAS.

Pistes de solutions

Somme toute, les résultats de la recherche montrent clairement les besoins à plusieurs niveaux quant à l’offre active et à la disponibilité des SAS dans le Nord-Est de l’Ontario. Dans l’espoir que ceux-ci puissent apporter d’éventuelles solutions, nous offrons quelques pistes à suivre, pistes qui concordent avec l’ensemble des réponses fournies.

D’emblée, il s’avère essentiel que tous les établissements, surtout ceux qui ont été désignés pour offrir des services bilingues, soient conscients des bienfaits de l’offre de SAS en français afin de surmonter les obstacles mentionnés par les répondantes et répondants de cette étude. Il est aussi important que les employeurs et les employés soient sensibilisés à la terminologie et à la pratique de l’offre active et que toutes et tous comprennent bien sa raison d’être. Nous suggérons donc une augmentation du perfectionnement professionnel et l’offre de cours de langue française destinés aux personnes qui fournissent des SAS et qui ne maîtrisent pas bien la langue.

Il y a un manque d’établissements d’enseignement postsecondaire offrant des programmes de SAS en français en Ontario. De plus, les personnes qui oeuvrent au sein des universités se sentent peu outillées pour offrir une formation liée à la LSF et à l’offre active (Benoît, et collab., 2015). Ce fait est aussi attribuable au manque de soutien financier et à la pénurie de matériaux disponibles en français.

En dernier lieu, étant donné que la disponibilité des services demeure faible et que l’augmentation de personnes bilingues offrant des SAS est une solution à long terme, il serait intéressant de considérer l’offre de SAS par l’entremise de la télémédecine. Selon la définition adoptée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la télémédecine utilise la transmission par télécommunication d’informations médicales en vue d’obtenir à distance un diagnostic, un avis spécialisé, une surveillance continue et une décision thérapeutique (OMS, 2010). L’offre de SAS par l’entremise de la télémédecine permettrait :

  1. de réduire les listes d’attente, et

  2. d’offrir un service de qualité en français, accessible et sans délai, aux francophones provenant de toutes les régions du Nord-Est de l’Ontario.

Conclusion

Les résultats de la présente étude permettent de souligner l’importance de la LSF, de l’offre active et du fait de pouvoir communiquer dans sa langue première en matière de santé. Nous avons montré qu’il y a de grandes lacunes au niveau des SAS en français, et ce, dans toutes les régions du Nord-Est de l’Ontario. Les SAS en français ne sont pas facilement disponibles, et de nombreuses personnes doivent attendre plus longtemps afin de recevoir un SAS en français.

Les résultats appuient aussi le fait qu’il est important d’augmenter le nombre de personnes qui peuvent fournir des services en orthophonie, en ergothérapie et en physiothérapie en français. Afin d’y arriver, il faut créer et appuyer des programmes de formation universitaire francophones et bilingues. De plus, au sein de ces programmes, il importe d’inclure une programmation sur la LSF et l’offre active des SAS. Enfin, il faut améliorer l’accès aux stages en français ou bilingues et faire en sorte que l’offre active soit incluse tout au long du déroulement de ces stages. Par voie de conséquence, il y aurait ainsi une sensibilisation des étudiantes et étudiants ainsi que des préceptrices et précepteurs de stage quant au concept de l’offre active et ses bienfaits.

En outre, il s’avère aussi important de sensibiliser le grand public à la LSF, à l’offre active et aux effets de la barrière linguistique sur la santé. L’éducation auprès des personnes fournissant et utilisant des SAS et des décideuses et décideurs politiques est prioritaire. Nous espérons que les résultats de cette étude serviront à conscientiser le lectorat aux multiples défis reliés à l’implantation et au respect de la LSF, ainsi qu’à l’importance de la création de nouveaux postes liés aux SAS.