Lu pour vous

GRELL, Paul (2015). Adolescence et suicide, Paris : BERG International éditeurs, 216 p.[Notice]

  • Lise Savoie

…plus d’informations

  • Lise Savoie
    Professeure agrégée, École de travail social, Faculté des arts et des sciences sociales, Université de Moncton

Commençons par dire qu’Adolescence et suicide est le troisième livre du professeur Paul Grell qui porte sur la précarité des modes de vie. Dans ce dernier livre, basé sur les récits de vie de jeunes francophones du Nouveau-Brunswick, l’auteur s’intéresse à la parole des jeunes comme experts de leur situation. Non seulement il nous conduit vers les ombres et les eaux troubles des expériences de vie précaires des jeunes, mais également il nous propose de réfléchir aux formes de « débrouillardise sociale » dont font preuve ces jeunes. Ce livre propose de penser le suicide des jeunes à l’extérieur des explications de « suicidologues », que l’auteur juge trop simplistes et qui lient l’acte de la mort volontaire à un problème de santé mentale. Or, si la personne n’a pas d’antécédent de santé mentale ou encore n’a pas démontré de signe attribuable à la santé mentale, alors on est devant une incompréhension totale, un acte incompris, une anomalie ou encore un acte anodin, comme le dit l’auteur. Celui-ci se demande d’ailleurs si cette manière de concevoir, de comprendre ou encore d’interpréter l’acte suicidaire n’est pas attribuable à « l’étroitesse d’un regard posé ». Dans Adolescence et suicide, Paul Grell exprime d’emblée l’idée que le suicide des jeunes est difficilement explicable et que sa compréhension doit avant tout passer par un regard sur les pratiques quotidiennes des jeunes. Pour ne pas que l’acte suicidaire « se perde dans l’indifférence », ce livre tient simplement à donner une voix aux jeunes qui ont côtoyé, vu ou frôlé cette mort volontaire. En fait, qu’en pensent ces jeunes? Dès la première page du livre, l’auteur pose également une question fondamentale à cet ouvrage : « Comment comprendre que nous ne comprenons pas ou si peu l’avènement des suicides de jeunes? » Comme le souligne si bien l’auteur, « c’est par les faits et gestes les plus ordinaires qu’il faut d’abord tenter de cerner un être du point de vue phénoménologique, comme si on crayonnait à grands traits les valeurs profondes de ce qui fait son humanité ». Le livre est divisé en deux parties. La première intitulée Les enfants du chaos comporte quatre chapitres qui mettent en avant-scène des expériences mortifères que vivent les jeunes. L’auteur s’interroge, par exemple, dans le premier chapitre, sur « les petites mises à mort » que les jeunes vivent. Il s’agit d’expériences de vie quotidienne dans lesquelles se confrontent des situations de vie difficiles avec le vécu d’amis qui s’enlèvent la vie. Ce sont des récits croisés, les leurs et ceux de proches, qui renvoient au mal de vivre dans un monde qui leur est hostile. Malgré tout, ces jeunes choisissent la vie, comme il en est question au deuxième chapitre. Parfois en adoptant des pratiques à risque, certains réinventent leur vie autrement. Pour qu’ils puissent s’en sortir, la fuite vers d’autres lieux devient leur seule échappatoire. Il s’agit, comme le nomme l’auteur, de « l’art du changement », c’est-à-dire un retournement possible du fil de vie, qui est parfois autant imprévisible qu’inattendu. Le troisième chapitre renvoie à la quête d’humanité, à la recherche de sens à sa vie ou encore à l’adhésion à « une conception élargie du jeu de la vie ». Ces chapitres (le deuxième et le troisième) révèlent des histoires de jeunes qui déambulent dans un monde où il y a perte de sens et qui se demandent comment naviguer dans une société où les repères sont trop souvent inaccessibles puisque leur vie dans la famille et à l’école a été parsemée d’embûches. Au quatrième chapitre, la question qui se pose pour …