Lu pour vous

THIFAULT, Marie-Claude, et Henri DORVIL (dirs.) (2015). Désinstitutionnalisation psychiatrique en Acadie, en Ontario francophone et au Québec 1930-2013, Québec, Presses de l’Université du Québec, 196 p.[Notice]

  • Charlotte Gagnon

Datant des années 1960 et 1970, la désinstitutionnalisation se traduit par la réduction des services médicaux offerts dans les institutions psychiatriques et par la communautarisation de ressources de santé et de services sociaux. Elle a fait l’objet de nombreuses recherches dans le champ des sciences sociales. Dans Désinstitutionnalisation psychiatrique en Acadie, en Ontario francophone et au Québec 1930-2013, les codirecteurs Marie-Claude Thifault et Henri Dorvil tentent avec des auteures ou auteurs provenant de différents horizons (criminologie, histoire, sociologie, travail social et sciences infirmières) d’établir une analyse sociohistorique et transversale du phénomène. Divisé en six chapitres encadrés d’une introduction et d’une conclusion, l’ouvrage se veut donc un recueil de différentes perspectives et études portant sur le sujet. Amplement illustrée d’exemples tirés du vécu des patients, l’analyse emprunte une perspective diachronique fondée sur une évolution des services destinés aux individus présentant des symptômes psychiatriques. Elle confirme l’échec de la désinstitutionnalisation, plus particulièrement dans les communautés francophones au Nouveau-Brunswick, en Ontario et au Québec. En cours d’analyse, l’ensemble des auteures ou auteurs traite des dimensions structurelles, des différents mécanismes de régulation sociale et des rapports de pouvoir qui ont marqué l’institutionnalisation psychiatrique et ses transformations. D’entrée de jeu et à leur titre de coauteurs, Thifault et Dorvil présentent de manière exhaustive le contenu de l’ouvrage et les prises de position adoptées au fil des chapitres. L’idée dominante de l’ouvrage se dévoile rapidement, à savoir, les conséquences de l’offre institutionnelle de soins psychiatriques tant sur les individus que sur les différents mécanismes de régulation sociale. Dès lors, la corrélation s›établit entre les inégalités socioéconomiques et les relations de pouvoir au sein de la société. Alexandre Pelletier-Audet et André Cellard abordent dans ce chapitre la période de 1939 à 1961, laquelle coïncide avec la Deuxième Guerre mondiale et l’enclenchement d’une première vague de désinstitutionnalisation. En raison de plusieurs changements survenus quant aux pratiques institutionnelles et aux conceptions sociales sur la maladie mentale, cette période demeure d’une importance capitale. Ainsi, à la suite de cet événement historique majeur qu’a été la Deuxième Guerre mondiale, les individus internés en raison de leurs problèmes de santé mentale ont davantage été admis dans la société. Selon Pelletier-Audet et Cellard, ce fait est attribuable, entre autres, au nombre important de vétérans qui souffraient de troubles mentaux et qui pouvaient désormais être traités dans la communauté grâce au développement et à l’utilisation massive des neuroleptiques dans le traitement des problèmes psychiatriques. Des progrès en psychiatrie et en psychologie ont également contribué à modifier les perceptions sociales de la maladie au cours de cette période. Enfin, parallèlement à ces changements, l’État reconnaissait dorénavant le patient psychiatrique comme un être humain que l’on doit aider. Cette reconnaissance étatique se traduisait, notamment, par un changement dans les lois et par les termes qui y étaient utilisés. Signé Isabelle Perreault et Michel Guilbault, ce deuxième chapitre jette à son tour un regard sur la période ayant débouché sur cette première vague de désinstitutionnalisation. Les auteurs y présentent différents courants de pensée ayant marqué et réformé les domaines de la sociologie, de la psychiatrie et de la psychologie. En dépit de ces réformes et de la mise à jour qu’elles ont entrainée dans la classification des maladies mentales, le traitement de ces dernières demeurait fondé essentiellement sur la psychopharmacologie et sur l’institutionnalisation. Comme l’illustrent les deux études de cas évoquées par Perreault et Guilbault, les traitements s’avéraient lourds de conséquences et leurs effets secondaires importants restreignaient le fonctionnement des patients. Ainsi, lorsque les hôpitaux psychiatriques ont été désengorgés et le suivi assuré plutôt par consultations externes, nombre de patients se sont retrouvés mésadaptés et incapables …