Quel est le sort juridique des femmes qui ont recours à l’homicide de leur agresseur pour s’extraire de la violence conjugale? Defending battered women on trial nous propose une incursion dans l’univers du système judiciaire canadien où les femmes victimes de violences se retrouvent particulièrement désavantagées, à cause notamment de ses fondements historiques patriarcaux. Sheehy a analysé de façon approfondie les transcriptions de procès de 141 femmes accusées d’homicide de leurs conjoints entre 1990 et 2005. Elle expose le cas de onze d’entre elles, à savoir, un litige civil et dix procès criminels impliquant des femmes victimes de violence conjugale qui ont mis fin à la vie de leurs agresseurs. Divisé en sept chapitres encadrés d’une introduction et d’une conclusion, l’ouvrage explore par le biais d’analyses de cas les défis et dilemmes qu’elles ont vécus dans un système où les procès pour ces femmes s’avèrent plus hostiles que le seraient ceux des hommes. L’auteure propose de nombreuses réflexions quant à la place de la légitime défense dans les situations de violence conjugale et de sa place dans le cadre judiciaire ainsi qu’à l’argument de justification de l’acte homicidaire que l’on appelle le « syndrome de la femme battue ». À partir de la transcription du procès de Lavallee, Sheehy met en lumière le travail du conseiller juridique Greg Brodsky, qui s’est inspiré des travaux de féministes du battered women’s movement pour défendre les femmes qui ont recours à l’homicide de leur agresseur. L’auteure introduit et critique également dans ce chapitre la question de l’utilisation de la théorie du syndrome de la femme battue afin d’« excuser » l’acte homicidaire, théorie qui ne tient pas compte de la problématique sociale dans laquelle s’inscrit l’homicide. L’utilisation flagrante du concept encourage d’ailleurs l’individualisation de la problématique de la violence conjugale en mettant l’accent sur la santé mentale des femmes et en ignorant les liens flagrants entre pouvoir, domination et violences des hommes à l’égard des femmes. Selon Sheehy, des alternatives à l’utilisation de la théorie du syndrome de la femme battue devraient être privilégiées, dont le « contrôle coercitif » et l’évidence du contexte social qui ne mènent pas à un étiquetage lié à un diagnostic pathologisant pour les femmes. Que peut-il arriver lorsque l’État ne parvient pas à assurer la sécurité de la femme victime de violence? Ce chapitre explore le cas de Bonnie Mooney qui a échappé à une tentative de fémicide de la part de son ex-conjoint, Roland Kruska. La nuit du 29 avril 1996, une arme à feu à la main, Kruska s’est présenté à la demeure de Mooney prenant la vie de l’amie de cette dernière, blessant gravement sa fille aînée et traumatisant sa fille cadette pour finalement se suicider. À quatre reprises déjà, Mooney avait tenté de dénoncer auprès des services policiers et du système judiciaire les mauvais traitements subis aux mains de son ex-conjoint; elle a intenté une poursuite civile contre le procureur général et le corps policier de la Colombie-Britannique pour avoir échoué à assurer sa protection. Dans ce chapitre, Sheehy s’interroge sur les interventions policières et les options mises à la disposition des femmes pour se sortir de la violence. Elle y expose également le blâme continuel porté à l’égard des femmes au sein du système judiciaire. La poursuite de Mooney illustre d’ailleurs la dangerosité d’un discours favorisant le renvoi continuel à la faute de la femme qui ne quitte pas la relation violente. C’est afin de déconstruire cette culture du blâme à l’égard des femmes que l’auteure aborde, à la suite de la juge Wilson dans l’affaire Lavallee, les facteurs sociaux pouvant …