La recherche portant sur la violence sexuelle chez les personnes ayant une déficience intellectuelle (DI) est plutôt limitée (Couture, et collab., 2013). Et les ateliers de prévention des agressions sexuelles s’adressant à cette population sont quasi inexistants. Il y a bien, ici et là, quelques programmes sur la santé sexuelle et sur la violence en général, mais rien de substantiel concernant spécifiquement la violence sexuelle. Le défi pour le CALAS a donc été de créer de toutes pièces un atelier accessible à ces personnes, c’est-à-dire présenté en termes simples, mais non infantilisants. Souvent comparées à des en- fants, les personnes adultes ayant une DI n’ont ni un corps d’enfant, ni une sexualité d’enfant. Le contenu de l’atelier et la façon de le leur transmettre devaient donc s’ajuster à leur réalité d’adultes. Fondées sur des études de type populationnel, les données récentes indiquent qu’à l’âge adulte les personnes ayant une DI sont victimes en plus grand nombre d’agressions sexuelles que la population adulte en général, et même davantage que les autres personnes présentant des incapacités (Couture, et collab., 2013). Selon la recension des écrits réalisée par Mercier (2005), de 70 % à 90 % des femmes ayant une DI sont agressées sexuellement au cours de leur vie, comparativement à 34 % pour le reste de la population féminine (Gouvernement du Québec, 1995). L’isolement, le manque de connaissance permettant de se prémunir contre diverses formes de violence, la dépendance vis-à-vis de l’agresseur et la fragilité devant la manipulation font de ces personnes des cibles particulièrement vulnérables (Mercier, 2005). Selon une étude récente menée auprès de 21 personnes de la Mauricie et du Centre-du-Québec ayant une DI, 40 % des agressions sexuelles sont commises par une personne qui doit normalement les soutenir. Quant aux agressions par un pair ayant également une DI, elles représentent 20 % des cas (Couture, et collab., 2013). À la lumière de cette réalité et en réponse aux besoins mis en lumière par ses partenaires oeuvrant auprès d’elles, le CALAS de l’Outaouais a cru impératif d’outiller les personnes ayant une DI et d’ainsi réduire leur vulnérabilité à la violence sexuelle. Plusieurs éléments expliquent la décision du CALAS de réaliser un outil de prévention des agressions sexuelles s’adressant spécifiquement aux personnes ayant une DI. La perspective féministe intersectionnelle à laquelle adhère le CALAS a permis de développer une analyse de la problématique de l’agression sexuelle dont elles sont victimes. L’analyse féministe telle que nous la connaissons met en lumière l’oppression sexiste. Issue du patriarcat, cette forme d’oppression vise universellement les femmes et peut avoir sur elles des conséquences dévastatrices, entre autres, la pauvreté, la violence et la dépendance (Robitaille et Tessier, 2010). Mais l’« approche féministe intersectionnelle » ne se limite pas à l’oppression sexiste; elle implique aussi le chevauchement de plusieurs formes de discriminations. Ainsi, dans une perspective d’intersectionnalité, le sexisme n’est plus la seule forme d’oppression qui est prise en compte (Corbeil et Marchand, 2007). Depuis déjà plusieurs années, le CALAS est sensible à la discrimination des femmes vivant avec une DI. L’approche féministe intersectionnelle nous rappelle que les modèles d’oppression n’agissent pas indépendamment les uns des autres. Ainsi, les différentes formes d’oppression que sont le sexisme et le capacitisme constituent un système où se chevauchent les discriminations. À ces deux formes d’oppression, peut s’ajouter la discrimination liée, entre autres, à l’orientation sexuelle, à l’appartenance ethnique, à la condition sociale, à l’âge ou à la langue. L’intersection de ces formes d’oppression, de discrimination et d’exclusion est propice à l’exploitation des femmes et favorise la violence sexuelle (Corbeil et Marchand, 2007). La violence touche toutes les femmes et les …
Parties annexes
Bibliographie
- AUCLAIR, Hélène, et collab. (1993). Attention! Ça peut arriver à tout le monde, [enregistrement vidéo] Coproduction Centre d’accueil à la Croisée, Centre d’accueil Charleroi, Centres Manouviers, Services de réadaptation du Sud-Ouest, CFCOM de l’Hôpital Des Prairies.
- BOURGAULT, France, et Diane MATTE (2010). Ce que nous savons de la violence envers les femmes, Argumentaires pour les 12 jours d’action pour l’élimination de la violence envers les femmes, Comité organisateur des 12 jours d’action pour l’élimination de la violence envers les femmes, 17 p.
- CENTRE D’AIDE ET DE LUTTE CONTRE LES AGRESSIONS SEXUELLES DE L’OUTAOUAIS (2012). Rapport d’activités du CALAS, [disponible sur demande].
- CENTRE D’AIDE ET DE LUTTE CONTRE LES AGRESSIONS SEXUELLES DE L’OUTAOUAIS (2013). Rapport d’activités du CALAS, [disponible sur demande].
- CORBEIL, Christine, et Isabelle MARCHAND (2007). L’intervention féministe intersectionnelle : un nouveau cadre d’analyse et d’intervention pour répondre aux besoins pluriels des femmes marginalisées et violentées, Alliance de recherche IREF/Relais-Femmes, Montréal, 21 p.
- COUTURE, Germain, et collab. (2013). Les agressions sexuelles subies par les personnes adultes présentant une déficience intellectuelle, Les Collections de l’Institut Universitaire en DI et en TED, 95 p.
- GOUVERNEMENT DU QUÉBEC (1995). Les agressions sexuelles STOP, 175 p.
- MARTIN, Jean-Paul, et Émilie SAVARY (1998). Intervenir en formation : 12 clés pour préparer, animer, évaluer, Édition Chronique sociale, 221 p.
- MERCIER, C. (avril 2005). « La victimisation chez les personnes avec une déficience intellectuelle », Journal international de victimologie, Tome 3, No 3, p. 209-224.
- REGROUPEMENT QUÉBÉCOIS DES CENTRES D’AIDE ET DE LUTTE CONTRE LES AGRESSIONS A CARACTÈRE SEXUEL (2010). La déclaration de principes du RQCALACS, 2 p.
- ROBITAILLE, Chantal, et Danièle TESSIER (2010). « Trente ans après… Les défis de l’intervention féministe dans les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) », dans Christine Corbeil et Isabelle Marchand (dires.), L’intervention féministe d’hier à aujourd’hui, p. 49-184, Édition du remue-ménage.