En 2014, l’équipe de la Maison Unies-Vers-Femmes (MUVF) de Gatineau, une maison d’aide et d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale et pour leurs enfants, amorçait une réflexion sur la cohérence de ses pratiques avec les principes de l’intervention féministe. Cette initiative découlait de malaises formulés par les intervenantes qui déploraient des incongruences dans leurs interventions quotidiennes. Désirant réinsérer des valeurs féministes au coeur des activités quotidiennes de la maison, l’équipe a profité d’une période de restructuration pour apporter des changements dans le mode d’opération de l’organisme. Cet article résume les réflexions qui ont mené à trois de ces changements, à savoir, au retour à des valeurs collectives dans la gestion et le fonctionnement de l’organisme, à la création d’un poste de défense de droits des femmes et à l’abolition du code de vie. La MUVF est une maison d’aide et d’hébergement pour les femmes et les enfants victimes de violence conjugale. Son mandat porte sur le changement social en luttant contre la domination des hommes sur les femmes. Depuis sa fondation en 1979, la MUVF a hébergé plus de 7 000 femmes et enfants. Elle est membre du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, un vaste réseau de maisons implantées dans différentes régions du Québec, lequel contribue à l’éducation, à la sensibilisation et à l’action contre la violence conjugale. L’équipe de la MUVF est composée d’employées permanentes qui occupent des volets spécifiques (coordonnatrice de l’intervention; enfants de 0 à 11 ans; enfants de 12 à18 ans; défense de droits; vie communautaire), d’intervenantes de nuit et de fin de semaine, ainsi que d’intervenantes à temps partiel et sur appel. D’entrée de jeu, soulignons que la réflexion de l’équipe de la MUVF portait sur l’arrimage du fonctionnement de la maison à la mission de l’organisme et aux valeurs féministes dont s’inspirent les intervenantes dans leur travail quotidien. Ces dernières se sont penchées sur les décisions entourant le fonctionnement de la maison. Ces décisions respectent-elles la mission de l’organisme? Les décisions sont-elles prises pour améliorer les services ou pour faciliter leur travail? À l’unanimité, l’équipe a constaté un laisser-aller présent depuis plusieurs années. Des changements s’imposaient. Tout au long de cette période de questionnements et d’ajustements, il s’avérait indispensable d’assurer la stabilité de l’équipe en mettant en place un suivi rigoureux par le biais de rencontres régulières où les malaises et inconforts étaient partagés au besoin. Le retour aux valeurs collectives dans la gestion et le fonctionnement de l’organisme demeure l’une des premières transformations qui ont eu cours lors de cette période de réajustement. Afin d’assurer une gestion féministe de la MUVF qui soit en accord avec sa mission, une attention particulière a été portée au processus de prise de décision. Maintenant, dans un souci d’égalité avec les intervenantes, la direction consulte ces dernières pour toute décision entourant le fonctionnement de la maison et les services offerts aux femmes, de même que pour aborder les malaises ou les conflits au sein de l’équipe. Dans un même ordre d’idée, l’équipe se permet régulièrement des temps d’arrêts, de réflexions, de planification ou de remises en question. En effet, une attitude d’ouverture, de franchise et de transparence est nécessaire pour éviter que des situations problématiques dégénèrent en conflits qui, par ricochet, ont des répercussions sur les services offerts aux femmes et aux enfants hébergés. Un retour aux valeurs collectives ne saurait se réaliser sans agir sur le plan structurel et social. Des efforts ont ainsi été déployés pour étendre la collaboration de la MUVF avec les autres organismes féministes de la région et de la province, et pour ainsi la montrer solidaire …
Parties annexes
Bibliographie
- CORBEIL, Christine, et Isabelle MARCHAND (2010). « L’intervention féministe : un modèle et des pratiques au coeur du mouvement des femmes québécois », dans Christine Corbeil et Isabelle Marchand (dires.), L’intervention féministe d’hier à aujourd’hui. Portrait d’une pratique sociale diversifiée, Montréal, Les éditions du remue-ménage, p. 23-60.
- HARTNETT, Helen P., et Judy L. POSTMUS (2010). « The function of shelters for women: Assistance or social control? », Journal of Human Behavior in the Social Environment, Vol. 20, p. 289-302.
- KOYAMA, Emi, et Lauren MARTIN (2002). Abusive power and control within the domestic violence shelter, réf. du 16 février 2015, http://eminism.org/readings/pdf-rdg/wheel-sheet.pdf
- THE MISSOURI COALITION AGAINST DOMESTIC & SEXUAL VIOLENCE (2011). How the earth didn’t fly into the sun : Missouri’s project to reduce rules in domestic violence shelters, 54 p.
- VANNATTA, Michelle (2010). « Power and control: Changing structures of battered women’s shelters », The International Journal of Interdisciplinary Social Sciences, Vol. 5, No 2, p. 1833-1882.
- WIES, Jennifer R. (2008). « Professionalizing human services: A case of domestic violence shelter advocates », Human Organization, Vol. 67, No 2, p. 221-233.
- WIES, Jennifer, R. (2009). « Boundaries in carework: A case study of domestic violence shelter advocates in the USA », Global Public Health, Vol. 4, No 5, p. 464-476.