Katy : L’entrevue me rappelle que dans la culture autochtone, lors d’un cercle de parole, il est important de ne pas préparer ce que nous voulons dire, car nous ne pouvons être réellement présents. C’est vraiment surprenant d’observer les paroles qui émergent lorsque le bâton ou la plume arrive dans nos mains. Il faut être ouvert à cela et partager inconditionnellement, sans but, sans préparation au préalable. Et nous croyons qu’il faut laisser la plume faire son travail. C’est dans ce contexte que je partagerai mon histoire. Katy : Pratiquement toute la génération qui me précède, soit les membres de ma famille et de la communauté, est allée au pensionnat indien. Étant plus jeune, je n’avais pas conscience de l’impact des pensionnats sur la trajectoire de vie de ma famille. J’ai toujours pensé que j’avais grandi dans un nid assez douillet. Je suis Anishinabe, ça veut simplement dire « Être humain » dans la langue algonquine, un terme qui exprime davantage notre identité. Je suis de la nation Abitibiwinni. Toute ma famille est originaire du nord du Québec. Mon grand-père est Algonquin. Ma grand-mère était Cri. Donc, durant l’ère des pensionnats, ma famille a été déplacée sur une réserve. Pour les besoins de l’entrevue, j’utiliserai des termes qu’on utilisait, et qu’on utilise encore entre nous, par exemple : les « Blancs », les « Autochtones » et les « Indiens ». Après l’histoire des pensionnats, ma famille semble vraiment avoir adhéré au mode de vie des Blancs, par exemple la nourriture, la tenue vestimentaire, les bottes à gogo, les perruques, etc. Ma mère avait même une perruque blond platine. Katy : Oui. Je me souviens qu’elle se maquillait et s’habillait comme les Blanches, soit très à la mode. La plupart de ses amies étaient non autochtones et elle faisait un peu partie du jet set de notre région. Elle connaissait des musiciens, des artistes, une photographe professionnelle. C’est pour ça que j’ai plusieurs photos lorsque j’étais jeune. Ma mère a marié mon père, un Blanc. À cette époque, les femmes autochtones qui se mariaient avec un non-autochtone devaient quitter la réserve. Cette règle n’était pas dictée par la communauté, mais bien par la loi fédérale sur les Indiens. Donc, ma mère s’est mariée et a emménagé dans une ville à un kilomètre ou deux de la réserve. Donc, j’ai grandi vraiment un pied en ville et un pied sur la réserve parce que j’y passais la majorité de mon temps. Je fréquentais l’école et je me suis toujours sentie différente. Pratiquement toute ma famille habitait sur la réserve. Je me sentais différente malgré le fait que ma mère, qui était une couturière, m’habillait comme une petite carte de mode. Elle avait appris à coudre et à faire la cuisine par des religieuses. Elle est devenue une excellente ménagère! C’est d’ailleurs par ces activités qu’elle s’est valorisée comme femme et mère toute sa vie. À cette époque, je n’étais pas consciente de tout ce qui se passait. Quand j’allais sur la réserve, j’étais très gâtée par la famille. J’étais une des aînés. J’ai donc grandi avec mes tantes, car dans la culture autochtone, c’est normal de s’occuper des enfants de la famille. Katy : Oui. D’après mon expérience des deux côtés (autochtone et blanc), les liens semblent définitivement plus proches chez les Autochtones. Ils me gardaient souvent et je les accompagnais partout où ils allaient. J’ai fait plein de choses avec eux. Je n’ai pas été souvent témoin d’actes de violence. Je croyais ne pas avoir vu beaucoup de violence, à part une ou deux fois où j’ai entendu des chicanes …
Vivre l’impact intergénérationnel des pensionnatsEntrevue avec Katy, femme autochtone[Notice]
Nous tenons à remercier Katy d’avoir si généreusement accepté de contribuer à ce numéro de REFLETS. Cet entretien restera longtemps dans nos mémoires.