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Reflets : Bonjour. Merci d’accepter de partager avec nous votre parcours comme femme autochtone.
Katy : L’entrevue me rappelle que dans la culture autochtone, lors d’un cercle de parole, il est important de ne pas préparer ce que nous voulons dire, car nous ne pouvons être réellement présents. C’est vraiment surprenant d’observer les paroles qui émergent lorsque le bâton ou la plume arrive dans nos mains. Il faut être ouvert à cela et partager inconditionnellement, sans but, sans préparation au préalable. Et nous croyons qu’il faut laisser la plume faire son travail. C’est dans ce contexte que je partagerai mon histoire.
Reflets : Nous connaissons peu le contexte autochtone. Pour ce numéro qui porte sur les questions entourant la violence faite aux femmes en contexte minoritaire, nous considérons essentiel de tenir compte de la réalité des femmes autochtones. Selon nous, les personnes sont les expertes de leur parcours de vie et c’est dans ce sens que nous avons sollicité votre participation à la revue.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours comme femme autochtone et, s’il y a lieu, des liens avec le contexte de violence dont nous traitons dans ce numéro de Reflets.
Un regard sur le passé
Katy : Pratiquement toute la génération qui me précède, soit les membres de ma famille et de la communauté, est allée au pensionnat indien. Étant plus jeune, je n’avais pas conscience de l’impact des pensionnats sur la trajectoire de vie de ma famille. J’ai toujours pensé que j’avais grandi dans un nid assez douillet.
Je suis Anishinabe, ça veut simplement dire « Être humain » dans la langue algonquine, un terme qui exprime davantage notre identité. Je suis de la nation Abitibiwinni. Toute ma famille est originaire du nord du Québec. Mon grand-père est Algonquin. Ma grand-mère était Cri. Donc, durant l’ère des pensionnats, ma famille a été déplacée sur une réserve. Pour les besoins de l’entrevue, j’utiliserai des termes qu’on utilisait, et qu’on utilise encore entre nous, par exemple : les « Blancs », les « Autochtones » et les « Indiens ». Après l’histoire des pensionnats, ma famille semble vraiment avoir adhéré au mode de vie des Blancs, par exemple la nourriture, la tenue vestimentaire, les bottes à gogo, les perruques, etc. Ma mère avait même une perruque blond platine.
Reflets : Pour essayer d’être Blanche?
Katy : Oui. Je me souviens qu’elle se maquillait et s’habillait comme les Blanches, soit très à la mode. La plupart de ses amies étaient non autochtones et elle faisait un peu partie du jet set de notre région. Elle connaissait des musiciens, des artistes, une photographe professionnelle. C’est pour ça que j’ai plusieurs photos lorsque j’étais jeune. Ma mère a marié mon père, un Blanc. À cette époque, les femmes autochtones qui se mariaient avec un non-autochtone devaient quitter la réserve. Cette règle n’était pas dictée par la communauté, mais bien par la loi fédérale sur les Indiens. Donc, ma mère s’est mariée et a emménagé dans une ville à un kilomètre ou deux de la réserve. Donc, j’ai grandi vraiment un pied en ville et un pied sur la réserve parce que j’y passais la majorité de mon temps. Je fréquentais l’école et je me suis toujours sentie différente. Pratiquement toute ma famille habitait sur la réserve. Je me sentais différente malgré le fait que ma mère, qui était une couturière, m’habillait comme une petite carte de mode. Elle avait appris à coudre et à faire la cuisine par des religieuses. Elle est devenue une excellente ménagère! C’est d’ailleurs par ces activités qu’elle s’est valorisée comme femme et mère toute sa vie. À cette époque, je n’étais pas consciente de tout ce qui se passait. Quand j’allais sur la réserve, j’étais très gâtée par la famille. J’étais une des aînés. J’ai donc grandi avec mes tantes, car dans la culture autochtone, c’est normal de s’occuper des enfants de la famille.
Reflets : La famille au complet s’occupe des enfants?
Katy : Oui. D’après mon expérience des deux côtés (autochtone et blanc), les liens semblent définitivement plus proches chez les Autochtones. Ils me gardaient souvent et je les accompagnais partout où ils allaient. J’ai fait plein de choses avec eux. Je n’ai pas été souvent témoin d’actes de violence. Je croyais ne pas avoir vu beaucoup de violence, à part une ou deux fois où j’ai entendu des chicanes de famille pendant le temps des Fêtes. C’était normal. Je fais une parenthèse juste pour expliquer comment j’ai réalisé par la suite que la violence était présente, mais que je ne la voyais pas comme telle.
J’ai grandi naïvement; je ne voyais rien de ma réalité en lien avec la violence. C’est vers l’âge de trente ans, dans le cadre d’un de mes cours à l’université, Femmes et Violences, que j’ai réalisé que certaines communautés autochtones pouvaient avoir de grands défis liés à la violence. La communauté en question était située près de celle où j’ai grandi. J’étais comme en état de choc de lire de tels propos, car les Algonquins qui habitent cette communauté sont comme des cousins pour nous. Et là, je me suis dit que j’étais vraiment chanceuse, car selon moi, je n’avais jamais vécu d’abus comme tel. Je n’avais jamais été battue, ou agressée sexuellement. D’ailleurs, je ne connaissais personne dans ma famille qui avait vécu de tels abus, sinon je l’aurais su. Du moins, c’est ce que je croyais.
Lorsque l’histoire des pensionnats a éclaté dans les médias et que nous avons entendu parler du PEC (Paiement d’expériences communes) qui était donné à toutes les survivantes et tous les survivants des pensionnats, j’ai réalisé que la majorité des membres de ma famille avaient reçu ce montant. Par la suite, il y a eu une deuxième vague où j’apprends qu’il y a aussi le PEI (Processus d’évaluation indépendante). Ce paiement, plus important, était pour les survivants qui avaient vécu des sévices sexuels ou d’autres plus graves. Pour moi, cela a été une grande révélation. J’ai réalisé que plusieurs membres de ma famille et membres de ma communauté étaient en processus de recevoir ces paiements, ce qui signifie qu’ils avaient été victimes d’abus sévères.
J’ai commencé à m’informer sur la réalité des pensionnats. Et trois ans passés, j’ai reçu un appel de la Ligne de crise et de support pour les survivants des pensionnats indiens qui m’offrait un poste comme conseillère téléphonique. J’ai accepté, car j’avais déjà de l’expérience dans le domaine de l’intervention de crise. C’est à ce moment que j’ai réalisé tout ce que ma famille pouvait avoir vécu, et ce, sans en avoir entendu parler. Pas un mot de personne. Je me suis aussi souvenue qu’étant petite, ma mère travaillait au pensionnat et que je l’accompagnais.
Reflets : Travailler au pensionnat!
Katy : Oui, ma mère est allée travailler au pensionnat... Une fois adultes, plusieurs jeunes femmes y retournaient pour y travailler, soit vers l’âge de 16 à 18 ans.
Reflets : Ah, je ne savais pas ça…
Katy : En fait, je me souviens qu’étant petite, je l’accompagnais au pensionnat; mais moi j’y allais pour jouer et l’aider à mettre la table et nettoyer. Il y avait une grosse cafétéria et je jouais à la madame. Je regardais les enfants et je me disais : « Moi aussi j’aimerais ça être habillée comme ça. » Les filles étaient toutes habillées pareil. Elles avaient des petites tuniques bleu marine avec des petites blouses blanches. Je crois que c’était mon besoin d’appartenance qui faisait que j’idéalisais cela.
Reflets : La vie vous a amenée à voir, ou peut-être à comprendre un peu, l’histoire de votre famille, parce que sur cette ligne-là (la Ligne de crise et de soutien des survivants des pensionnats indiens), j’imagine que vous deviez entendre toutes sortes d’histoires d’horreur…
Katy : Lorsque les gens contactent la Ligne de crise, ils ne parlent pas nécessairement des abus qu’ils ont vécus lors de leur expérience dans les pensionnats, mais plutôt pour parler de l’impact de cette expérience dans plusieurs sphères de leur vie. Ils appellent quand ils se sentent seuls, quand ils vivent des périodes d’anxiété, pour des problèmes relationnels, mais pas souvent pour parler des abus comme tels. Pour moi, ces appels ont été vraiment comme des déclencheurs concernant certaines réalités vécues par le peuple autochtone. J’avais déjà travaillé auparavant comme intervenante pour une autre ligne de crise au gouvernement fédéral. Mais cette fois-ci, l’intervention est vraiment différente, différente de ce que l’on m’avait enseigné à l’université en travail social. Les techniques traditionnelles de relation d’aide ne pouvaient s’appliquer. Dans la culture autochtone, les relations sont égalitaires, moins hiérarchiques. L’intervention ressemble davantage à une discussion et à un échange. Il est important d’être prête à s’ouvrir et à répondre à certaines questions afin de développer une relation de confiance.
Reflets : Votre rôle comme intervenante est d’être à l’écoute, mais en même temps de pouvoir partager?
Katy : Oui. On m’a souvent demandé si j’étais une Autochtone, si oui, de quelle nation et de quelle région, si je connaissais quelqu’un qui est allé au pensionnat, si je connais les traditions, si j’ai des enfants, etc. Dans la culture autochtone, la confiance se bâtit sous forme d’échanges. Il m’est arrivé à quelques reprises, lorsque je faisais de la reformulation — que je trouvais pour ma part très informelle —, de me faire dire : « Mais quoi? Tu ne m’écoutais pas? »
J’ai aussi eu de la difficulté avec la langue, car lorsqu’on cernait mon accent francophone, certains me disaient carrément : « I hate French people », « Are you native? », « You’re not a real indian! » Je ne comprenais pas leur réaction et je trouvais cela agressant. Je commençais même à faire de l’anxiété. Je rencontrais souvent des déclencheurs et j’avais de la difficulté à gérer cela. Ça prenait beaucoup de temps à créer un lien de confiance, ce que j’ai de la facilité à faire en général. De plus, je n’étais pas habituée à donner mon nom en répondant au téléphone. À mon emploi précédent, nous restions relativement discrètes là-dessus. J’ai toutefois compris que cette procédure facilitait le développement du lien de confiance avec la clientèle autochtone.
Avec le temps, les propos des gens qui contactaient la Ligne de crise me conscientisaient à ce que ma mère, ma famille et ma communauté pouvaient avoir vécu. Je n’étais toutefois pas prête à reconnaitre tous ces faits comme faisant partie de mon histoire.
Reflets : Ces confidences vous confrontaient comme femme, comme femme autochtone, comme personne, à la question de votre identité. Est-ce que je suis Québécoise, Autochtone, Blanche…
Katy : Tu vois, j’ai grandi avec et entre deux cultures sans savoir que j’avais un problème identitaire. Je me trouvais choyée par la vie, par ma famille. Je me souviens tout particulièrement de deux femmes que je trouvais très agressives dans leurs propos lors de nos conversations téléphoniques. C’était de la violence, de la violence latérale. Cette violence, surtout entre nous, ne devrait pas exister. J’ai par la suite réalisé que la plupart des pensionnats indiens avaient été gérés par des religieux, et souvent par des catholiques francophones. Les enfants étaient donc obligés de parler le français. Les gens qui appellent la ligne de crise ont souvent des noms francophones et quand je leur demande s’ils parlent français, certains réagissent fortement et se sentent insultés. Leur nom peut avoir été changé dans différentes circonstances, lors d’adoption par exemple, ou les religieux avaient tout simplement changé leur nom ou celui de leurs parents.
Reflets : Pour les Autochtones, tout particulièrement ceux et celles qui ont vécu dans les pensionnats, la francophonie est synonyme d’oppression?
Katy : Oui. D’ailleurs, le film Nous étions enfants le démontre très bien. Il présente l’expérience de vie d’une petite fille et celle d’un petit garçon vivant au pensionnat. Ces deux survivants expriment ce qu’ils ont vécu étant enfants. Le film démontre vraiment la violence qui s’est passée au sein de ces institutions et les répercussions dans la vie adulte des enfants.
Reflets : Au début de l’entretien, vous avez exprimé être un produit des pensionnats?
Katy : Un Aîné m’a dit ça dernièrement. J’ai été très surprise de ce commentaire, car on ne m’a jamais dit que j’étais un produit… Mais il m’a expliqué que cela veut simplement dire que toute ma génération vit avec l’impact intergénérationnel des pensionnats. Mes parents m’ont simplement transmis ce qu’ils connaissaient ou omis de transmettre des valeurs et des stratégies, car ils en ont été privés.
Par exemple, lorsque j’étais enfant, ma mère était très fière de moi. Elle me mettait souvent dans des rôles ou des situations sociales comme bouquetière, comme mascotte lors de visites officielles sur la réserve, comme celle de Pierre Elliot Trudeau, ou lors de délégations de prêtres ou autres, accompagnement de la reine du Carnaval, et même dans des parades de mode, etc. On me mettait souvent en avant ou sur l’estrade. J’étais comme une mascotte. Je détestais cela. Sur la plupart des photos prises, on peut vraiment voir mon inconfort. J’étais quelqu’un de timide et je n’aimais pas être sous les projecteurs. Cela m’a grandement affecté au cours de mon développement. J’ai pratiquement développé une phobie de parler en avant des gens.
Je réalise aujourd’hui que l’impact de la consommation d’alcool m’a affecté grandement. En grandissant, j’ai souvent été témoin de gens qui buvaient de l’alcool de façon excessive. Mon père était souvent absent pour son travail, et ma mère a commencé à se divertir. C’était vers la fin des années 60. C’était une très belle femme. Après la naissance de mon frère, je me rappelle qu’elle semble avoir commencé à avoir des difficultés émotionnelles. Je voyais fréquemment des Blancs fournir l’alcool et faire la fête. Je voyais régulièrement des femmes marcher pour aller s’acheter de l’alcool en ville, car il était défendu de vendre de l’alcool sur la réserve. J’ai souvent vu des femmes ou des hommes se retrouver dans le fossé le long d’une route. D’autres disparaissaient pendant plusieurs années, ou se retrouvaient dans des centres urbains comme Toronto. Je me souviens que dans ma tête d’enfant, je m’étais promis de ne jamais consommer à l’excès et de finir comme ça. Je suis devenue très rigide en ce qui concerne la consommation d’alcool, malgré le fait que j’ai eu une phase assez difficile.
J’ai aussi été témoin d’actes de violence au sein de ma famille immédiate. Mes parents ont divorcé lorsque j’avais huit ans. Je me souviens que ma mère était blessée et déprimée. Elle vivait beaucoup de colère envers mon père et sa nouvelle femme. Personnellement, je n’ai jamais été frappée, mais je ne peux pas en dire de même pour ma soeur et mon frère. Pourquoi? Je ne sais trop. Il faut dire que ma mère avait un nouveau partenaire et que ce dernier avait des valeurs très différentes de ce que j’avais connu. Sa famille était très aisée et je peux dire aujourd’hui très « colonisée ». J’ai commencé à me rebeller et j’ai été placée pendant deux ans dans un centre d’accueil pour adolescents sous la loi de la protection de la jeunesse, semblable à un pensionnat. C’était une grosse institution. C’est drôle à dire, mais ce fut une expérience positive, riche pour moi. Je crois même que c’est une des raisons pour laquelle j’ai peut-être choisi la profession de travailleuse sociale. J’y ai connu des intervenants extraordinaires qui m’ont transmis de bonnes valeurs. Je n’ai pas vu d’abus de la part des membres du personnel envers les jeunes, mais la violence était présente entre les filles. Après trois mois d’observation, lors d’une conférence de cas, l’équipe d’intervenants exprime ne pas comprendre les raisons de mon placement, car je n’avais pas de problème de comportement ou de santé mentale. J’ai fait toute une scène lorsqu’ils ont recommandé que je retourne chez moi. Ils ont donc décidé de poursuivre le placement avec un plan de traitement : apprendre à me laisser aimer. Les filles du groupe avaient de grands défis : abus sexuels dans l’enfance, prostitution, vols, violence, comportements autodestructeurs, etc. J’ai appris à dégager l’image de fille sociale, indépendante, positive, et je me suis toujours fait respecter. Je n’étais tellement pas comme ça à l’intérieur de moi…
J’ai connu ma première expérience amoureuse avec un des jeunes hommes là-bas. Après deux ans, nous avons quitté le centre, car lui avait 16 ans et était considéré comme majeur. Je me souviens maintenant que l’on m’avait prévenu d’un éventuel fiasco relationnel. Mais nous étions entêtés et nous avons décidé d’emménager chez sa soeur aînée.
Le premier soir passé ensemble, il s’amusait à me donner des coups de poing sur les bras et il n’arrêtait pas, même si je lui disais qu’il me faisait mal. Il disait que c’était pour jouer et que je me plaignais pour rien. J’avais seize ans. Le lendemain matin, mes deux bras étaient bleus. J’étais vraiment confuse et ne comprenais pas ce qui se passait. Sa soeur m’avait prêté un chandail avec des manches longues pour cacher les bleus. Une violence plus subtile, soit psychologique, s’est installée par la suite, jusqu’à ce que je tombe enceinte. Un matin, enceinte de huit mois, j’ai décidé de le quitter et je suis partie retrouver ma mère qui habitait maintenant dans une autre ville. Le soir même de mon accouchement, sous l’invitation de ma mère, il est venu me retrouver. Je n’ai rien dit et croyais vraiment qu’il était pour changer. Nous sommes revenus ici avec notre bébé, âgé d’à peine un mois. Je croyais vraiment à l’image d’une vie de couple et familiale heureuse.
La violence s’est aggravée lorsque j’étais enceinte de mon deuxième garçon. Il avait commencé à fréquenter des gens dans le milieu de la drogue et de l’alcool. La violence escaladait. Il était vraiment violent en état d’ébriété. Il a failli me tuer à deux ou trois reprises pendant ma grossesse. Pendant des années, j’ai caché ces évènements, ou simplement nié que tout cela était arrivé. Il pouvait se montrer très protecteur et d’autres fois, d’une violence inouïe. C’est mon fils de sept ans qui m’a fait réaliser qu’ils étaient témoins de la violence que je subissais. C’est à ce moment que j’ai décidé de le quitter définitivement, avec l’aide d’une travailleuse sociale. Mes enfants devaient avoir quatre et sept ans. Je suis retournée aux études finir mon secondaire. Le père des enfants détestait le fait que je retourne aux études. Pour ma part, j’avais l’impression de regagner du pouvoir, mais j’avais aussi terriblement peur de l’inconnu. Je devais maintenir les contacts avec le père afin qu’il puisse voir les garçons. Malheureusement, je me vois encore justifier auprès d’eux ses retards et ses oublis afin qu’ils n’aient pas une mauvaise image de lui!
Comment me suis-je retrouvée dans une relation empreinte d’une telle violence? Encore aujourd’hui, je ne peux l’expliquer totalement. Était-ce ma compréhension de SES blessures d’enfance? Mon désir de l’aider? Ou par manque de confiance et d’estime de soi? Ou tout simplement un peu de tout ça.
Comme tu peux observer, je suis fidèle à la culture narrative autochtone, car chez mon peuple, on se raconte!
Culture autochtone, culture blanche…
En 1984, le gouvernement fédéral redonne le statut autochtone aux femmes ayant quitté la réserve. Ma mère retrouve donc son statut autochtone et par le fait même, ses enfants aussi. Mes études étaient automatiquement défrayées en totalité. J’ai donc pour- suivi mes études en travail social au niveau collégial, et j’ai enchaîné à l’université. J’ai eu énormément d’appui de la part de mon conseil de bande.
Étant partie tôt de la maison familiale, j’ai évité de vivre des choses beaucoup plus difficiles. Je suis consciente que ce ne fut pas facile pour mon frère et mes soeurs. Ils ont vécu des choses très difficiles, car ma mère était maintenant aux prises avec des problèmes de santé mentale très sérieux. Elle a été diagnostiquée avec un trouble bipolaire, mais selon une thérapeute, elle était plutôt borderline. Elle pouvait être très volatile. Dans la même journée, elle pouvait passer d’un état de grande gentillesse à une attitude très agressive, même violente. À ce moment-là, on ne comprenait pas encore l’impact des pensionnats.
L’impact intergénérationnel sur mes relations a contribué sûre- ment sur mes choix de partenaires. Je réalise aujourd’hui que ceux-ci n’étaient pas très sains. J’ai vécu dans l’insécurité, le doute, la peur, l’abus physique et émotionnel à répétition. Avec le premier, j’ai vécu de l’abus physique, le deuxième avait un problème d’alcool et notre relation était empreinte d’abus psychologique. Quant au troisième, il vivait une certaine forme de dépendance aussi. Je me retrouvais souvent dans des rôles de codépendance. J’ai dû faire de la thérapie pendant de nombreuses années pour briser le cycle de la violence.
Lorsqu’on brise le cycle, il peut y avoir des choix difficiles à faire. Pour moi, ç’a été de laisser mes deux garçons aller vivre avec leur père à l’adolescence. Comme j’avais la garde, je n’arrivais plus à concilier études-famille-cheminement personnel.
Reflets : Jusqu’à maintenant, vous nous avez parlé de votre parcours, de votre enfance, de votre vie en couple, de vos maternités et de votre retour aux études. Vous avez glissé quelques mots au sujet d’une période où vous consommiez. Pouvez-vous nous en parler davantage?
Katy : Dans la vingtaine, j’ai consommé afin de faire comme les autres autour de moi. Pourtant, je n’aimais pas vraiment ça. Je peux même dire que je me suis toutefois perdue là-dedans. Le milieu dans lequel j’ÉTAIS était favorable à ça. Mais je n’ai jamais aimé sentir que je n’avais pas le contrôle de ma tête et de mes émotions. Je suis aussi très sensible à l’énergie autour de moi, et certaines situations me causaient de l’inconfort, de l’anxiété, et même de la peur. Je crois aussi que la peur de mourir lors de situations de violence m’a amenée à vouloir changer mon mode de vie. J’ai donc entamé une thérapie pendant deux ans et réalisé que c’était plutôt mon besoin d’être acceptée, une faible estime de soi et d’affirmation qui m’a amenée sur ce chemin. Quand je repense à cette phase de ma vie, c’est comme si c’était une autre vie.
Les expériences personnelles en lien avec la violence ont fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. J’ai quand même eu des modèles de femmes courageuses, fortes, indépendantes, des guerrières quoi… Cependant, je ne suis pas très habile à créer des relations intimes. Je dis souvent que je suis comme un chevreuil. Lorsque j’ai peur d’être blessée émotionnellement, je déguerpis. Les messages véhiculés par ma mère sont ancrés en moi, mais j’y travaille encore. On m’a expliqué que c’était correct d’apprendre les choses qui ne m’ont pas été données dans l’enfance et adolescence. C’est ça l’impact des pensionnats. La génération qui me précède a vécu des expériences très difficiles dans les pensionnats. Elle nous a transmis ce qu’elle connaissait. Elle ne pouvait nous transmettre ce qu’elle n’avait pas. Beaucoup d’entre eux ont rejeté la culture. Je ne connaissais donc pas les traditions autochtones. Notre génération a été laissée sans repères. C’est à nous de faire le travail pour la prochaine génération, soit de nous réapproprier la culture et de la partager.
J’ai vécu en mode « survie » pendant longtemps. Je me suis sentie comme une intruse depuis mon plus jeune âge, comme si je n’avais ma place nulle part, soit à l’université, dans mon travail ou même avec mes amis.
Aujourd’hui, je réalise comment mon parcours de vie a été grandement influencé aussi par toute la génération qui a précédé. J’apprécie tellement avoir renoué avec la culture. Je dois toutefois apprendre des autres Nations. La présence d’un mouvement de guérison collective chez les Autochtones m’aide à poursuivre mon chemin rouge (cheminement personnel culturel).
Reflets : C’est important pour vous de reprendre contact avec votre culture comme femme et comme femme autochtone?
Katy : C’est devenu important avec le temps, mais je n’étais pas consciente du manque que j’avais sur le plan identitaire. Au début de mon cheminement, j’allais au Pow-wow avec mes enfants. C’était plutôt une activité récréative pour moi. Lorsque j’entendais les tambours, je me sentais tellement connectée, connectée à la terre, finalement chez moi. C’était un soulagement. Par contre, ma mère exprimait souvent du dédain à l’égard de la culture : « L’odeur de la sauge m’écoeure! » ou « On ne s’est jamais habillées comme ça! »
Reflets : Considérez-vous les réactions de votre mère comme résultat de son séjour dans les pensionnats?
Katy : L’expérience des pensionnats a affecté toute la famille et toute la communauté. De plus, ma mère parlait en algonquin avec ses parents, frères et soeurs, mais jamais avec nous. À un moment donné dans ma vie, ce fut naturel pour moi de partir à la découverte de ma culture. Et la vie m’a présenté différentes opportunités que j’ai saisies. Le chemin rouge, c’est le chemin autochtone, parce qu’une fois que tu entreprends ce processus d’apprentissage de vie, c’est tout un autre mode de vie. Il y a tellement de belles choses à apprendre sur la culture. J’ai mis tellement d’énergie tant sur le plan professionnel que personnel et ce, pour être à la hauteur des autres, pour ne pas me sentir jugée. Tout ça, pour m’intégrer dans un cadre très (trop) structuré, plein de protocoles et de façons de faire très colonisées. Mais ce n’est pas naturel chez moi, et j’en suis fière aujourd’hui.
Le sentier de la guérison
En 2006, j’ai vécu un épuisement professionnel. C’est à ce moment que j’ai réalisé que la personne avec qui j’avais de la difficulté déclenchait les choses chez moi, me rappelait ma mère. Juste par son regard, elle me ramenait à mon enfance. Une partie de mon épuisement est en lien avec cette dynamique, mais une autre partie est en lien avec le fait que je me donnais corps et âme pour essayer d’être toujours à la hauteur. Personne ne connaît mon passé, personne ne sait que ma mère a un problème de santé mentale et d’alcoolisme chronique, que toute ma famille a vécu dans les pensionnats, que j’ai vécu des relations abusives. On ne parle pas de ces choses dans notre milieu de travail. Pourtant, cela fait partie de ma vie, de mon parcours. Je ne peux pas en parler dans mon milieu parce que, honnêtement, je serais jugée. Je travaille dans le milieu de l’éducation, mais avec différents groupes professionnels.
Reflets : Contexte très normatif…
Katy : Oui, en effet. Je dirais très carré même. Et inconsciemment, j’étais en train de développer un mode de vie plutôt circulaire. Un jour, j’ai atteint mes limites et je me suis effondrée en larmes au travail. J’ai dû faire appel à un centre de santé autochtone. À ce moment, j’ai rencontré un médecin qui a confirmé que j’étais en épuisement professionnel nécessitant un arrêt de travail. Pour moi, cela était impensable! Le médecin m’a dit : « Dans la culture autochtone, c’est holistique. Je ne peux pas te rencontrer seulement pour une question physique sans tenir compte de ta santé mentale, spirituelle et émotionnelle. » Il m’a donc accompagnée au bureau de la conseillère. On ne ferait pas ça dans le système régulier, du moins, pas dans ces années-là.
La travailleuse sociale que j’ai rencontrée, Laura, était une Autochtone. Lors de cette première rencontre, j’ai tellement pleuré. Je me souviens que je ne savais plus quoi faire avec les mouchoirs. Elle m’a dit : « We’ll keep them ». Elle m’a donné un petit panier et elle m’a dit : « We’ll keep the tissues, because tears are sacred. It is good medicine. I’ll put them in a secret fire. » Dans mon livre, on s’isole et on se cache pour pleurer. Elle m’a ensuite présenté la Roue de la médecine pour que je retrouve l’équilibre dans ma vie, car évidemment je l’avais perdu. Cela a été une révélation, car pour la première fois, je m’identifiais à un modèle circulaire. Cela a changé ma vie. Elle m’a aussi expliqué que lorsque nous laissons de côté une partie de soi, il est normal de perdre l’équilibre. Depuis, j’élabore mes plans de travail à partir de ce modèle, soit dans un cercle. Elle m’a aussi dit une phrase dont je me rappellerai toujours : « Katy, It would be so important that you set your boundaries and that you respect your limits. Just to honour yourself. » To honor myself? Je n’avais jamais appris à me mettre mes limites et mes frontières. Ces paroles sont restées avec moi depuis.
Reflets : Cette rencontre a donc été un des premiers contacts avec votre culture, qui vous a permis de retrouver un peu votre culture?
Katy : Un premier contact significatif. Selon moi, les changements personnels importants arrivent souvent lorsqu’on atteint notre limite. Tant qu’on ne frappe pas le fond, nous essayons différentes stratégies, mais souvent sans succès. Lorsqu’on frappe le mur, on est prêt à essayer n’importe quoi pour s’en sortir.
Aujourd’hui, je travaille en partie avec des survivants des pensionnats indiens. Je poursuis aussi mon travail dans le domaine de l’éducation, mais dans le dossier d’éducation autochtone. Je dois avouer que j’étais très discrète sur mes origines dans le passé, mais je ne me suis jamais sentie invitée à en parler non plus. Je réalise aujourd’hui que j’ai porté la honte depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, je suis fière de parler de mes origines.
Histoire des pierres
Reflets : Il y a encore beaucoup de préjugés face aux Autochtones. Est-ce vous vous servez de votre culture dans vos interventions avec les jeunes Autochtones?
Katy : C’est arrivé graduellement. Il y a plusieurs années, j’ai rencontré un jeune garçon rempli d’une telle colère qu’il se blessait le soir dans sa chambre. Je lui ai donné une pierre en lui expliquant qu’un Autochtone m’avait dit que les émotions, nos feelings, étaient simplement de l’énergie. Elles sont invisibles. Alors, si on mettait cette énergie dans la pierre, peut-être que ça pourrait aider? Je lui ai donc suggéré qu’au coucher, de mettre toute sa colère ou sa tristesse dans la pierre et ne pas la garder sur lui. Je lui ai expliqué que s’il arrivait à prendre une distance, que ça pourrait peut-être l’aider à dormir. Il a accepté ma proposition. La rencontre suivante, il l’avait dans ses poches et m’a dit d’une voix enjouée : « Madame! Ça marche! » Pendant cinq semaines consécutives, il me parlait des bienfaits. Suite à cette expérience, j’ai continué à en donner à des élèves du secondaire. J’ai donc commencé à ramasser des pierres semi-précieuses de toutes les couleurs. J’invitais les jeunes à choisir eux-mêmes la pierre qui les interpellait. Je leur raconte toujours du début de cette pratique. Au fil des ans, j’ai réalisé que j’avais donné environ cinquante-trois pierres, dont certaines à des grands joueurs de basketball. J’en croisais dans les corridors et ils me disaient : « Madame! » et ils me montraient leurs pierres sur eux.
Un jour, je n’avais plus de pierres. Je suis allée dans un Pow-Wow. C’est alors qu’un vieil indien m’a demandé : « What are you looking for so meticulously? » Je lui ai répondu : « I’m looking for stones because I’ve been giving them away to students for feelings management. » Et là il m’a remis une grosse boite contenant environ 250 pierres semi-précieuses et me dit : « Keep doing what you’re doing! It’s working. » J’étais comme une enfant déballant ses cadeaux de Noël. Je me suis assise sur une petite butte de pelouse et j’ai pleuré. Quand je donne une pierre à un jeune, je lui raconte cette histoire, d’où elle vient, son parcours.
Guérison collective
Katy : J’aimerais ajouter quelque chose par rapport à la violence. Maintenant, ma perception des femmes victimes de violence a changé. De victimes, elles sont devenues des survivantes. Cela s’explique par le fait de la présence d’un mouvement de guérison collective qui tient compte de la perspective historique. J’ai observé depuis les deux dernières années l’émergence d’un sentiment de fierté autochtone. Aujourd’hui, je ne me vois plus comme une survivante. Je ne regrette pas les choix que j’ai faits. Ce sont ces choix qui m’ont amenée à être qui je suis aujourd’hui. Si je ne les avais pas vécus, je n’aurais probablement pas la même compréhension de la situation. C’est pourquoi je ne peux rien regretter.
Reflets : Les femmes autochtones essaient de reprendre leur pouvoir ou leur place dans la société. Pourtant, le gouvernement fédéral refuse la demande de mise sur pied d’une Commission d’enquête publique portant sur les nombreuses disparitions de femmes autochtones. Que pensez-vous de cette situation?
Katy : Je ne comprends pas pourquoi la porte est si lourde à ouvrir. Mais cela a été comme ça pour beaucoup d’autres choses. Cela demande tellement de pression de la part des groupes autochtones! Honnêtement, c’est tout un défi pour moi de suivre ce dossier, car émotivement, je pense à des femmes qui sont disparues pendant plusieurs années, qui sont décédées, ou qui sont encore à risque. Dans la culture autochtone, la ligne est très fine entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Tout est interrelié. Par exemple, avant de donner cet entretien, je me suis questionnée. Est-ce en lien avec mon travail ou ma vie privée?
Rôle des Blanches et des Blancs
Reflets : Croyez-vous que comme Blanche ou Blanc nous avons un rôle à jouer? Est-ce qu’on peut être des alliés? Est-ce que, est-ce qu’on peut soutenir? Est-ce qu’on peut appuyer? Si oui, comment? À quelles conditions?
Katy : Dans un but de réconciliation, il y a beaucoup de travail à faire. Mais nous, les Allochtones et les Autochtones, sommes sur la bonne voie. Il est important de mentionner qu’en 2009, le ministère de l’Éducation de l’Ontario a mandaté tous les conseils scolaires à offrir l’enseignement de la culture autochtone. Le but était d’améliorer le rendement scolaire des élèves autochtones. Initialement, j’avais des hésitations par rapport à ce but parce que je me disais : « Est-ce qu’on essaie à nouveau de faire entrer le cercle dans le carré tout comme on l’a fait dans le passé? Est-ce qu’on souhaite assimiler les Autochtones aux Blancs encore une fois? Peut-on plutôt adoucir les formes du carré, apprendre un peu plus en cercle? » Après deux ans, le Ministère parle davantage d’offrir l’enseignement de la culture autochtone dans l’ensemble du système de l’éducation. L’an passé, j’étais seule dans le dossier. Mon travail consistait à travailler la base, créer des liens avec les communautés autochtones, les entretenir et explorer ce qui se fait ailleurs. Cela a été très enrichissant autant sur le plan personnel, mental, émotionnel que spirituel. Cette année, mon équipe s’est développée énormément. Nous sommes maintenant quatre agentes de liaison autochtones, dont trois travailleuses sociales de formation et une conseillère pédagogique.
Mon défi personnel est de maintenir un rythme qui respecte la culture autochtone, c’est-à-dire qui respecte l’équilibre et l’harmonie. Lorsqu’on ouvre la porte à la culture autochtone, il faut y aller lentement, car c’est un mode de vie, pas un bien à consommer. Nous sommes tellement habitués de consommer les choses, de s’approprier des choses. Je me suis donné le mandat de préserver les valeurs de la culture autochtone. D’ailleurs les groupes autochtones s’interrogent sur ce nouvel intérêt des Blancs pour ce qui touche la culture. Je n’ai pas l’impression qu’ils aient été informés de tous ses grands changements à venir. Selon moi, il serait donc important de
s’éduquer et respecter la culture, dont ses traditions;
de la préserver;
de faire attention au phénomène d’appropriation;
de s’allier aux causes d’actualité, comme la protection de l’environnement forestier et de la faune; et
de s’éduquer et de comprendre l’histoire des Autochtones, la vraie.
Reflets : Lorsque vous observez ce mouvement, craignez-vous une appropriation de la culture autochtone par les Blancs?
Katy : Un peu. Il est important de demeurer vigilants. Afin de sensibiliser les membres de mon équipe, nous avons organisé une activité de sensibilisation à la culture autochtone pendant deux jours. Il était important d’offrir une expérience authentique d’apprentissage de la culture autochtone. Nous étions un groupe de vingt-cinq et l’activité a eu lieu dans le bois. L’Aîné a animé un cercle de parole et lorsque le bâton est arrivé à moi, j’ai partagé à mon équipe que je me sentais un peu exposée, parce que lorsque je suis en mode « travail », je porte mon chapeau de travailleuse sociale. Et là, je me retrouve dans ma sphère privée. Habituellement, cet aspect de ma vie, ma culture, je le vis dans ma vie personnelle et non à mon travail. C’est la première fois que mes collègues me voyaient dans mes mocassins, et avec ma jupe traditionnelle. Je me sentais comme dénudée! Et je n’aime pas être sous les projecteurs. À la fin de ces deux journées, j’étais heureuse de voir les liens qui se sont créés entre et avec mes collègues. Voir ses collègues de travail vivre une telle expérience, c’est très touchant.
J’ai l’impression que la société s’éveille à la question autochtone. Longtemps, elle a été en déni de notre réalité, de notre histoire. On croyait tout ce que l’histoire nous enseignait et les Autochtones n’avaient jamais été consultés sur les sujets historiques. De plus en plus, on les consulte et ils contribuent aux modifications apportées aux récits historiques. Pour nous, c’est vraiment révolutionnaire. Je reçois des témoignages d’allochtones qui sont attristés de réaliser ce que nous avons vécu. Ils expriment la honte de n’avoir rien fait, de ne pas être intervenus.
Dans le cadre de mon travail, informellement, je sensibilise les gens aux réalités autochtones. Les collègues entendent mes propos lorsque je parle au téléphone, ils voient mes affiches, ils me posent des questions. J’assiste aussi à un drôle de phénomène. Il y a des gens au bureau qui me confient avoir des origines autochtones, parfois d’assez loin, mais qui réalisent avoir le goût d’apprendre sur la culture autochtone. Je vois des adultes en quête de leur identité, non seulement autochtone. Ils reviennent à leur racine et ils sont curieux d’en apprendre davantage.
Reflets : En guise de conclusion, avez-vous un message à transmettre ou un voeu à formuler?
Katy : J’encourage les gens à s’allier à la cause des femmes autochtones. Ça nous a pris du temps pour nous exprimer, mais nous parlons de plus en plus. Je pense que c’est culturel. Les peuples autochtones sont des peuples pacifiques. On ne cherche pas à brandir nos drapeaux ou autres. Présentement, on sent un vent de fierté autochtone. On peut faire des liens avec le mouvement des femmes qui a permis l’émancipation, la reconnaissance des droits des femmes. Ce serait bien de toutes et tous s’associer à la reconnaissance des droits autochtones.
Je suis certaine que je ne suis pas seule à avoir vécu un parcours empreint de violence. Je l’ai vu, entendu et observé tant dans le domaine du travail social que celui des études, de mon travail, ou dans le domaine de l’éducation. Aujourd’hui, pour moi, c’est un cadeau inestimable de pouvoir être authentique et capable de partager tout cela. Dernièrement, j’ai lu dans un livre une phrase pleine de sens qui disait que nos expériences peuvent aider d’autres gens, sinon, c’est juste de laisser aller, de lâcher prise et de donner inconditionnellement. La honte que j’ai vécue pendant tant d’années, c’est aussi de la violence en soi. Inconsciemment, nous faisons des choix qui peuvent avoir de sérieuses répercussions. Mais si nous arrivons à faire la paix avec nous-mêmes et les autres, ce sera un sentier beaucoup plus serein que nous ferons, empreints de simplicité et de paix intérieure.
Reflets : Merci pour cet échange.