Éditorial

Violences faites aux femmes et contextes minoritaires[Notice]

  • Isabelle Côté,
  • Simon Lapierre et
  • Joscelyne Levesque

…plus d’informations

  • Isabelle Côté
    Doctorante, École de service social, Université de Montréal

  • Simon Lapierre, Ph. D.
    Professeur agrégé, École de service social, Université d’Ottawa

  • Joscelyne Levesque, MSS
    Coordonnatrice de la formation pratique et des stages, École de service social, Université d’Ottawa

Depuis les années 1970, des militantes et chercheuses féministes travaillent de concert pour faire reconnaître les violences faites aux femmes comme important problème social, tant dans les communautés locales que sur les scènes nationale et internationale (Schechter, 1982; Dobash et Dobash, 1992). En se basant sur les expériences individuelles et collectives des femmes, elles dénoncent ces violences et les définissent comme une manifestation du patriarcat, puisqu’elles émanent des inégalités et des rapports de pouvoir entre les femmes et les hommes. Militantes et chercheuses ont collaboré progressivement à la mise en place d’un vaste réseau de ressources visant à assurer la sécurité et à soutenir les femmes victimes de violences, incluant les maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, les centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, et les centres de femmes (Coderre et Hart, 2003; Prud’homme, 2010). Malgré une reconnaissance accrue du phénomène et sa prise en charge par des actrices et des acteurs politiques, communautaires et institutionnels, un nombre considérable de femmes, ici et ailleurs dans le monde, sont toujours la cible de la violence des hommes. Au Canada, les données policières révèlent qu’environ 173 600 femmes de 15 ans et plus ont été victimes d’un crime violent au cours de l’année 2011 (Statistique Canada, 2013). Les actes de violence les plus souvent rapportés sont les voies de fait (59 %), les menaces (13 %), les agressions sexuelles (7 %) et le harcèlement criminel (7 %). Les hommes, souvent le partenaire intime (45 %) ou des amis ou connaissances de la femme (27 %), étaient responsables de 83 % de ces actes. Par ailleurs, comme la majorité des incidents de violence ne sont pas signalés aux services policiers, les taux réels de victimisation des femmes sont beaucoup plus élevés que ceux-là. Même si ces violences sont présentes dans toutes les sphères de la société, force est de constater que leurs manifestations et leurs conséquences peuvent être différentes selon le contexte social, politique, culturel et économique dans lequel elles s’inscrivent. En effet, les femmes vivant en situation minoritaire, en raison de leur langue, de leur âge, de leur situation de handicap, de leur orientation sexuelle, de leur religion ou de leur origine ethnique, peuvent connaître des expériences différentes et être confrontées à certaines barrières qui accentuent leur vulnérabilité face à la violence. À cet égard, notons l’importante contribution de femmes racisées qui, en s’appuyant sur leur vécu, ont démontré que leur expérience de victimisation était très différente de celle décrite par des féministes blanches (Crenshaw, 1991; Richie, 1996). Leur oppression résultait du patriarcat, mais aussi d’un système raciste soutenu à la fois par les hommes et les femmes de race blanche. De plus, les femmes peuvent aussi avoir un accès plus limité aux ressources d’aide ou encore être confrontées à des pratiques qui ne tiennent pas compte de leurs réalités particulières. Toutefois, malgré des lacunes et des défis importants, des efforts ont été déployés afin de développer des pratiques mieux adaptées aux diverses réalités des femmes victimes de violence, incluant des ressources « par et pour » les femmes vivant dans des contextes minoritaires. Par exemple, une recherche récente démontre clairement que le manque de disponibilité et d’accès aux services en français pour les femmes et les enfants francophones vivant dans un contexte de violence conjugale en Ontario risque de compromettre leur sécurité, leur santé et leur bien-être (Lapierre, et collab., 2014). Au Canada, de nombreux rapports ont mis en lumière la réalité particulière des femmes autochtones, dont plusieurs ont été assassinées ou portées disparues (Feinstein et Pearce, 2015; GRC, 2014). Ces rapports ont aussi …

Parties annexes