Lu pour vous

TURCOTTE, Pierre (2012), Sortir la violence de sa vie. Itinéraires d’hommes en changement, Les Presses de l’Université Laval, coll. Travail social, 152 p.[Notice]

  • Isabelle Côté

Cet ouvrage porte sur la démarche thérapeutique auprès d’hommes ayant des comportements violents. Situant la violence conjugale comme étant un problème social qui découle, entre autres, de la socialisation sexuée et des normes rigides de la masculinité, le travailleur social et professeur universitaire Pierre Turcotte s’intéresse précisément au processus de changement chez ceux qui ont choisi d’instaurer la violence dans leur vie. S’inspirant d’une lecture constructiviste de la masculinité, l’auteur analyse leur cheminement dans une perspective où leur demande d’aide va à l’encontre des normes de la masculinité. Son ouvrage se divise en six chapitres, le premier étant de nature plus descriptive et les quatre chapitres subséquents de nature plutôt analytique. Le dernier chapitre est consacré à l’intervention auprès des hommes qui ont des comportements violents. S’inscrivant dans ce que l’auteur estime être une logique de contrôle social, l’intervention en violence conjugale sur la scène provinciale québécoise s’est, entre autres, manifestée par la protection des femmes victimes et la responsabilisation/correction des hommes agresseurs. Si la priorité actuelle demeure la sécurité des femmes et des enfants, l’intervention auprès des agresseurs fait maintenant l’objet d’un intérêt grandissant qui vise à s’éloigner d’une logique axée uniquement sur la correction pour basculer vers une approche thérapeutique dont les objectifs vont au-delà de l’arrêt des comportements violents. En effet, Turcotte soutient que c’est en déconstruisant les normes d’une masculinité rigide que des changements à long terme pourront être achevés et c’est pourquoi cet objectif doit demeurer central à l’intervention auprès de ces hommes. C’est à travers cette perspective qu’il analyse 40 entrevues réalisées auprès de certains d’entre eux à diverses étapes de leur démarche d’aide. Si la perception du problème varie en soi, la plupart des hommes vont éventuellement nommer et reconnaitre leurs comportements violents ainsi que les conséquences sur la conjointe et les enfants. Cette reconnaissance est plus perceptible chez ceux qui sont en milieu ou en fin de processus, contrairement à ceux qui en sont au début et pour qui la violence est décrite comme étant de l’ordre de conflits conjugaux et justifiée par des facteurs externes, la conjointe étant souvent blâmée comme étant à la source de leur colère. Si certains reconnaissent initialement leurs comportements violents, admettre leur responsabilité face à ces comportements se fait généralement de façon graduelle. Turcotte indique que les risques que ces hommes utilisent la violence sont encore très élevés à cette étape-ci étant donné qu’ils n’admettent pas encore leur responsabilité. Malgré les réticences initiales, les hommes s’approprient progressivement leur démarche d’aide et vont entretenir l’espoir et le désir que leur situation s’améliore. L’auteur soutient toutefois qu’une démarche d’aide pour comportements violents s’avère une épreuve honteuse à plusieurs égards, surtout la crainte qu’ils entretiennent d’être perçus comme étant des « batteurs de femmes » ou des criminels. Or, Turcotte soulève que ce sentiment peut être transformé en élément catalyseur, où l’homme passe du déni à la honte, constituant une étape essentielle dans la démarche de changement. L’auteur se penche ici sur l’accueil des hommes dans les services, ce qui constitue une étape déterminante pour le reste du processus thérapeutique. En effet, la qualité du lien thérapeute-client lors de la rencontre initiale, caractérisée par un accueil positif et sans jugement, les met généralement en confiance et les incite à poursuivre leur démarche. À cette étape-ci, on souhaite qu’ils s’approprient leur demande afin que les motivations externes pour aller consulter en viennent à être intrinsèques. Même si cette étape s’avère difficile, notamment en raison de la crainte du jugement, il ressort des entretiens que la plupart des hommes se disent soulagés face à une première rencontre. Malgré l’appréhension initiale, ils …