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Introduction

La maitrise de compétences liées au champ d’exercice est essentielle à la professionnalisation des futurs intervenantes et intervenants en santé (Godsmith, Stewart et Ferguson, 2006). L’encadrement approprié lors d’un stage leur permet d’acquérir les savoirs, les savoir-faire et savoir-être essentiels à leur pratique et à leur identité professionnelle. De ce fait, la supervision de stagiaires joue un rôle primordial dans le développement des compétences et le maintien des normes professionnelles (Milne, 2010).

La supervision de stagiaires consiste à les guider pendant leur apprentissage des soins et des interventions appropriés à offrir de façon sécuritaire (Kilminster, et collab., 2000, dans Kilminster, Jolly et Van Der Vleuten, 2002). Pour accomplir de telles fonctions de façon constructive, la personne responsable de superviser des stagiaires doit posséder diverses habiletés en enseignement et en mentorat, en plus de connaitre les ressources en apprentissage (Challis, et collab., 1998, dans Kilminster, Jolly et Van Der Vleuten, 2002). L’expérience professionnelle à elle seule ne suffit pas pour exercer des fonctions de supervision (Bernard et Goodyear, 1998, dans par Baker, Exum et Tyler, 2002). Pourtant, aussi peu que 20 % des personnes qui supervisent des stagiaires ont reçu une formation formelle à cet effet (Peake, Nussbaum et Tindell, 2002). Dans le cadre d’une recension des écrits, Bernard et Goodyear (2009) ont dégagé trois aspects prioritaires à inclure dans une telle formation : l’infrastructure ou les éléments à mettre en place avant le début du stage; les variables affectant la relation entre responsable de la supervision et stagiaire; et le processus de supervision. Diverses formations ont été développées sur le sujet, mais peu d’entre elles reposent sur des bases théoriques solides.

Dans le cadre de son mandat, en réponse à ce besoin de préparation de superviseures ou de superviseurs et s’appuyant sur une vaste recension des écrits, le CNFS volet Université d’Ottawa a créé la formation L’Art de superviser des stagiaires. Il offre cette formation depuis plus de 12 ans, en ligne et en présentiel, à des professionnelles et des professionnels de la santé et des services sociaux oeuvrant dans les communautés francophones en situation minoritaire. Cette formation a vu le jour grâce à l’appui de Santé Canada.

Le présent article a pour objectif de présenter le programme de formation pour personnes qui supervisent des stagiaires, ses assises et son contenu ainsi que les résultats de son évaluation. Les effets perçus et les leçons apprises de cette évaluation ont permis d’augmenter les connaissances en matière de formation sur la supervision et d’en dégager les principes jugés les plus utiles et les mieux appliqués dans la pratique.

État des connaissances

Problématique entourant la supervision de stagiaires

Les milieux d’enseignement, de soins de santé et de services sociaux sont confrontés à diverses problématiques entourant la formation pratique, notamment à une pénurie de personnes aptes à assurer la supervision. Sauf pour certaines professions, les milieux d’enseignement n’ont pas les ressources pour financer des postes dédiés à la supervision de stagiaires, alors que dans les milieux de soins et des services sociaux, ces tâches sont assumées en sus des responsabilités habituelles. La plupart des professionnelles et des professionnels acceptent d’encadrer des stagiaires sans avoir acquis de compétences pour le faire (Duffy, et collab., 2000, dans Wilkins et Ellis, 2004; Milne et James 2002, dans Milne, 2010) et les milieux de pratique disposent de peu de structures organisationnelles pour les accompagner dans ce rôle. Cela affecte leur capacité à guider des stagiaires dans le développement de compétences professionnelles et de raisonnement critique.

Que ce soit en service social, en sciences infirmières (Henderson, et collab., 2006) ou en psychologie (Crook-Lyon, et collab., 2008; Milne, 2010), l’absence de mentorat pour les personnes qui supervisent est l’enjeu principal qui ressort de notre recension des écrits. Selon Kavanagh et collab. (2008), 38 % parmi celles en santé mentale avaient reçu un peu de formation à la supervision. En général, dans le domaine de la santé et des services sociaux, la tâche de supervision est attribuée selon la disponibilité plutôt qu’en fonction de compétences.

Le manque de formation entraine des répercussions négatives sur les personnes responsables de la supervision et sur l’apprentissage de leurs stagiaires (Kananagh, et collab., 2008), compromettant parfois l’acquisition de compétences professionnelles. Selon Ladany (dans Gazzola, et collab., 2013), 25 % des superviseures ou superviseurs posent des gestes qui sont nuisibles à l’apprentissage de leurs stagiaires. Ces personnes tendent à répéter les erreurs commises par celles qui les ont supervisées dans le passé (Rowan et Barber, 2000, dans Wilkins et Ellis, 2004) et elles sont peu enclines à superviser à nouveau si elles vivent avec leurs stagiaires des situations difficiles ou si elles ne reçoivent pas le soutien qui leur est nécessaire.

L’expérience professionnelle et le fait d’avoir été supervisé par le passé ont longtemps été perçus comme garants d’une supervision adéquate (Hadjistavropoulos, Kehler et Hadjistavropoulos, 2010; Bernard et Goodyear, 2009). Pourtant, diverses études concluent que l’expérience ne peut être l’unique gage d’une bonne supervision (Steven, et collab., 1998, dans Crook Lyon, et collab., 2008) et qu’une bonne professionnelle ou un bon professionnel ne devient pas nécessairement la personne tout indiquée pour superviser des stagiaires (Kaiser et Kuechler, 2008). Superviser requiert en effet des habiletés précises qui diffèrent de celles de la pratique quotidienne auprès d’une clientèle.

Un consensus émerge des écrits quant à la nécessité d’une formation en supervision pour acquérir les compétences essentielles à l’exercice des tâches complexes qui y sont liées (Bernard, 2010; Paré et Thériault, 2010). Cette formation doit être formelle, structurée, fondée sur les données probantes et les pratiques exemplaires (Haynes, Corey et Moulon, 2003; Kaiser et Kuechler, 2008; Majcher et Daniluk, 2009). Plusieurs milieux de soins perçoivent maintenant la supervision en stage comme une activité centrale du développement professionnel de leur personnel (Driscoll et O’Sullivan 2009, dans Driscoll, 2009). En outre, la supervision fait de plus en plus partie de la mission des établissements de soins et des services sociaux. Des données empiriques du domaine médical démontrent que la supervision a des effets positifs, voire essentiels, en matière de sécurité dans les soins et qu’au contraire, son absence peut s’avérer nocive pour les patients (Kilminster, et collab., 2000, dans Kilminster, Jolly et Van Der Vleuten, 2002).

Selon Holloway et Neufeld (1995, dans Bradley et Ladany, 2001), les ordres professionnels devraient rendre obligatoire la préparation à la supervision. Toutefois, bien que ces organismes soient au fait de l’importance d’une formation en supervision, ils consacrent peu de ressources à l’implantation de structures d’encadrement. Certains d’entre eux exigent de leurs membres quelques années d’expérience comme critère pour superviser, mais ces derniers ne sont nullement tenus de suivre une formation avant d’accueillir des stagiaires. Dans certaines professions, comme le travail social, la psychologie et les sciences infirmières, le processus de supervision est étudié depuis des décennies et les ordres professionnels ont souligné l’importance de la certification des personnes appelées à superviser. Dans d’autres professions, comme la nutrition, la médecine et la physiothérapie, les études sont récentes (Driscoll et O’Sullivan 2009, dans Driscoll, 2009) et fournissent peu d’information sur le modèle de supervision préconisé.

De nombreux défis se poseraient à rendre obligatoire une formation à la supervision. D’un côté, des superviseures et des superviseurs n’en voient pas la nécessité, tandis que de l’autre, on observe un manque de confiance et une hésitation à vouloir se préparer à ce rôle (Gazzola, et collab., 2013). Plusieurs craignent la rétroaction à donner, les expériences négatives, la négociation avec des stagiaires ou l’échec du stage (Gazzolla, et collab., 2013). Le manque de temps des intervenantes et des intervenants et le peu de formations disponibles constituent deux autres barrières importantes à la formation. En effet, on recense très peu de formations s’appuyant sur des assises solides et permettant d’acquérir les connaissances et les compétences spécifiques de la supervision de stagiaires. De plus, les milieux de soins ne valorisent pas encore suffisamment la formation en supervision considérant que les ressources sont limitées et que les coûts qui y sont associés sont importants (Driscoll et O’Sullivan 2009, dans Driscoll, 2009).

Toutefois, la culture des milieux se transforme peu à peu quant à l’importance à accorder à la supervision de stagiaires (Wilkin et Ellis, 2004). De plus en plus de formations sur la supervision sont disponibles, sans toutefois être règlementées ou évaluées (Bernard et Goodyear, 2009). Leur contenu varie beaucoup (Fleming 2004, dans Milne, 2010) et peu de recherches portent sur leur pertinence (Majcher et Daniluk, 2009; Crook Lyon, et collab., 2008).

Les modèles de formation en supervision de stagiaires

Malgré une plus grande volonté de mieux encadrer la supervision de stagiaires, d’importants enjeux subsistent entourant les formations, notamment sur leur contenu, leur durée et leur format. Les pratiques d’enseignement en supervision de stagiaires restent à établir (Hadjistavropoulos, Kelher et Hadjistavropoulos, 2010). On dispose de très peu de connaissances sur la façon de développer les compétences en supervision et sur les effets des formations déjà offertes (Milne, 2010; Bogo et McKnight, 2007). Certaines d’entre elles se limitent à proposer des lectures ou à fournir des cartables d’information (Kananagh, et collab., 2008), tandis que d’autres offrent des séances d’information en groupe. Or, un manuel est moins efficace qu’une formation en groupe où une personne responsable de formation facilite les échanges (Milne, 2010). D’autres formations incluent des activités d’apprentissage tels des capsules vidéo, des jeux de rôle, des discussions, la lecture d’articles et des études de cas pour faciliter l’intégration des trois savoirs. La formation devrait viser le développement des habiletés d’éducateur, de négociateur, de conseiller et de facilitateur et permettre d’accroitre les connaissances sur les modèles, le processus de supervision et la manière de donner de la rétroaction. Selon Kilminster, Joly et Van Der Vleuten (2002), la supervision directe jumelée à une rétroaction ciblée favorise l’apprentissage. Une supervision bénéfique implique notamment de donner des conseils précis sur les interventions, d’établir des liens entre la théorie et la pratique, de résoudre les problèmes conjointement avec les stagiaires et d’agir comme modèle.

Plusieurs auteures et auteurs, notamment dans le domaine de la psychologie, ont proposé des modèles de développement des compétences en supervision de stagiaires (Bernard et Goodyear, 2009). Bien qu’ils fournissent de bonnes lignes directrices pour le développement d’une formation en supervision, seules des données cliniques supportent ces modèles (Russell et Petrie 1994, dans Bernard et Goodyear, 2009). Certains décrivent le processus dans lequel la personne appelée à superviser s’engage dans l’apprentissage de son nouveau rôle. Celle-ci vit d’abord le sentiment d’être dépassée, un manque d’assurance, de l’anxiété et de l’insécurité, pour ensuite déboucher sur une nouvelle identité où elle se sent confortable, plus confiante et compétente dans son rôle.

Nous avons recensé quelques formations plus formelles qui abordent les thèmes liés à la supervision de stagiaires; mentionnons un programme de formation de quatre ans d’une université américaine traitant, entre autres, de styles d’apprentissage et de réflexions basées sur l’expérience (Wilkins et Ellis, 2004). Chaque année depuis 1994, deux autres milieux d’enseignement américains en travail social offrent un programme de formation en supervision de stagiaires en quatre séances de trois heures. Leur contenu s’appuie sur les données probantes et aborde les connaissances de base et les habiletés nécessaires pour accomplir les tâches de supervision, les rôles liés à l’autorité, la relation stagiaire-personne responsable de sa supervision, de même que des notions sur l’interculturalisme. Enfin, deux universités canadiennes offrent en anglais plusieurs modules autoportants de formation en ligne sur la supervision clinique. En français, le CNFS volet Université d’Ottawa semble être le seul à offrir une telle formation gratuite en ligne et en salle.

La formation L’Art de superviser des stagiaires

Le processus de création de ce programme de formation a consisté, d’une part, à déterminer le cadre théorique éducationnel qui pourrait guider le choix des stratégies d’enseignement à utiliser et d’autre part, à déterminer les besoins de la clientèle et les thèmes à traiter dans la formation.

Cadre théorique

Soucieux que la formation du CNFS s’appuie sur des preuves scientifiques, une solide recension des écrits a été effectuée afin de déterminer les assises théoriques des ateliers, recension effectuée tant dans les bases de données que dans la littérature grise, incluant des guides produits par des chercheurs du domaine de l’éducation et des sciences de la réadaptation (Gaiptman et Anthony, 1993). C’est à partir de cette recension des écrits que nous avons déterminé que les ateliers reposeraient sur des principes andragogiques et sur l’apprentissage expérientiel, ainsi que sur le modèle de Hawkins et Shohet qui intègre ces deux approches théoriques.

L’andragogie se réfère aux stratégies d’enseignement utilisées dans la formation des adultes (Boufettal, et collab., 2009), lesquelles constituent d’excellentes assises aux programmes de formation continue. Elle repose sur des concepts de planification, d’application et d’évaluation des activités éducatives, tout en priorisant la relation entre la personne responsable de la formation et les apprenantes ou apprenants (Health Nexus Santé, 2003).

Les principes andragogiques ont d’abord été énoncés par Knowles en 1984 et repris par plusieurs auteurs (Wautier et Vileyn, 2004; Boufettal, et collab., 2009). Cinq de ces six principes ont été retenus dans la planification de notre programme L’Art de superviser des stagiaires :

  1. L’apprentissage correspond à ce que veut l’adulte. Ce premier principe recoupe le modèle de Kolb dans lequel l’apprenante ou l’apprenant doit réfléchir sur ses comportements afin d’orienter ses activités d’apprentissage. Notre formation met ce principe en pratique par une réflexion (en ligne) ou une discussion (en salle) où tous les participantes et participants précisent ce qu’ils souhaitent apprendre dans les ateliers. À la fin, nous validons si les besoins exprimés ont été satisfaits.

  2. L’apprentissage repose sur des expériences vécues. Le bagage expérientiel de l’adulte constitue une richesse. L’adulte aime partager ses expériences en groupe et apprendre de l’expérience des autres. Ainsi, de nombreuses occasions d’échanges entre les participantes et participants ont été intégrées aux formations tant en ligne qu’en présentiel.

  3. L’apprentissage s’accompagne de réflexion. L’adulte peut évaluer ses comportements et en tirer des conclusions. Ainsi, des activités de réflexion ont été intégrées aux formations.

  4. L’apprentissage repose sur le respect de l’apprenant adulte. En faisant appel aux expériences antérieures de l’apprenante ou apprenant adulte, la personne responsable de la formation fait preuve de respect à son égard, le valorise et le place sur un pied d’égalité avec elle.

  5. Il s’en suit un climat d’apprentissage qui favorise la liberté d’expression et respecte le dernier principe, soit que l’apprentissage se déroule dans une atmosphère de confiance.

Comme le préconise Milne (2010), les formations offertes par le CNFS s’inspirent aussi du modèle d’apprentissage expérientiel de Kolb. Ce modèle comprend un cycle en quatre phases : l’expérience concrète; l’observation réfléchie; la conceptualisation abstraite; et l’expérimentation active. Ces étapes sont perçues comme essentielles à l’acquisition et à la rétention de connaissances (Kolb, 1984, dans Armstrong et Mahmud, 2008; Gemmell, et collab., 2011; van Beek et Malone, 2007; Kolb et Kolb, 2009). À l’intérieur de ce cycle, les apprenants doivent s’impliquer, prendre conscience de leurs émotions, analyser des situations et les expliquer par des concepts théoriques. Ce cycle qui permet de mieux comprendre l’apprentissage a donné une piste pour orienter la formation.

Hawkins et Shohet (2000, dans Bernard et Goodyear, 2009) ont intégré ces principes d’apprentissage dans leur modèle de développement des compétences en supervision, qui comporte neuf activités concrètes. Quelques-unes de ces activités ont été mises en application dans la formation du CNFS. Elles amènent les gens à :

  • Réfléchir sur leurs premières expériences pratiques avec leur clientèle ou à titre de stagiaire et, selon le cas, sur leurs expériences de supervision. Par exemple, dès le début et tout au long de la formation, nous favorisons une réflexion individuelle et un partage d’opinions entre les participantes ou participants;

  • Lire ou visionner du matériel sur la supervision afin de les aider à faire des observations, à rechercher des similitudes avec leurs propres expériences, à amorcer une théorisation avant même le début de l’atelier. Chaque participante ou participant reçoit un cartable réunissant les présentations PowerPoint, des articles, des références en ligne et des outils de supervision créés ou adaptés par l’équipe du CNFS;

  • Obtenir de la rétroaction de leurs stagiaires. Il s’agit d’une habitude à développer et nous l’encourageons tout au long de la formation;

  • Modifier leur style de supervision. Les personnes qui supervisent sont invitées à réfléchir régulièrement sur leur pratique de supervision, à corriger leur approche au besoin et à l’adapter au style d’apprentissage de l’étudiante ou de l’étudiant;

  • Discuter avec leurs pairs de leurs expériences ou de leurs préoccupations. Les forums de discussions et le fait de réunir en classe des personnes qui supervisent aident à la création d’une communauté de pratique.

De plus, selon ce modèle et le modèle de Watkins (1993, dans Bernard et Goodyear, 2009), une période de pratique supervisée doit suivre la formation afin de mettre en application les apprentissages théoriques, analyser ses actions et recevoir de la rétroaction de la part de son mentor. Notre formation n’inclut pas cette étape, mais par le biais de diverses activités, les participantes ou participants appliquent la théorie et doivent démontrer des façons constructives d’accompagner les stagiaires dans leur apprentissage. Le groupe agit alors comme mentor en offrant de la rétroaction.

Besoins de la clientèle et thèmes du programme de formation

Comme mentionné précédemment, plusieurs sources ont permis de cerner les besoins de formation et ont servi d’assises au contenu du programme. La pertinence et le contenu de chaque module ont été validés par deux experts externes reconnus.

Dans un premier temps, nous avons élaboré le programme de formation de base comprenant cinq ateliers autoportants. Chaque atelier précise la compétence à développer de même que les objectifs d’apprentissage. Il présente un contenu théorique, intercalé de diverses activités d’apprentissage, dont des mises en situation, des capsules vidéo suivies de questions de réflexion ou de discussions dans le forum, des dictées trouées et des jeux d’associations. Structurés pour le format en ligne, grâce à la collaboration d’un bédéiste et des experts du Centre de cyberapprentissage de l’Université d’Ottawa incluant un graphiste, un programmeur, un concepteur pédagogique et une équipe de production audiovidéo, ces ateliers ont été mis en ligne sur le campus virtuel de l’Université d’Ottawa de façon graduelle entre 2002 et 2003. À la demande de nos partenaires, ils ont ensuite été adaptés au mode de livraison en présentiel. Quelques années plus tard, d’autres ateliers portant sur des thématiques avancées en supervision se sont ajoutés, nommément des ateliers sur le raisonnement clinique, les modèles de supervision et la supervision interprofessionnelle. Voici une brève description des programmes de formation de base et de formation avancée offerts en ligne par le CNFS volet Université d’Ottawa.

La formation de base comprend les cinq ateliers suivants :

  1. Les principes de base de la supervision. Cet atelier discute de ce qu’est la supervision de stagiaires, ainsi que des fonctions et des rôles qui y sont essentiels;

  2. Bâtir un climat de confiance. Cet atelier traite des qualités requises pour superviser des stagiaires et de leur impact sur le processus de supervision;

  3. Intégrer les divers styles d’apprentissage. Cet atelier permet à chaque individu d’identifier sa façon privilégiée d’apprendre, tout en réfléchissant sur les divers styles d’apprentissage et la façon d’intégrer cette notion dans le processus de supervision;

  4. Évaluer le rendement. Cet atelier aborde les éléments clés à considérer lors de l’évaluation du rendement du stagiaire pour faciliter la formulation d’une rétroaction efficace;

  5. Gérer les conflits. Cet atelier aide à reconnaître les situations potentielles de conflit, à agir de façon proactive sur les éléments déclencheurs de conflits et à identifier des stratégies efficaces pour la résolution de conflits.

La formation avancée comprend quatre ateliers :

  1. Façonner le raisonnement clinique. Cet atelier fait prendre conscience aux participantes ou participants de leur propre raisonnement clinique et leur permet de se familiariser avec les composantes de base du raisonnement clinique;

  2. Explorer divers modèles de supervision. Cet atelier vise à se familiariser avec des modèles variés de supervision de stagiaires (partagée, triade et de groupe) et à connaître les avantages et désavantages, ainsi que les stratégies d’organisation et d’éducation propres à chacun des modèles;

  3. L’approche et la supervision interprofessionnelles. Cet atelier traite des concepts liés à la collaboration interprofessionnelle, des façons de les enseigner, des avantages et des défis liés au travail en équipe avec les collègues de diverses professions;

  4. Superviser un stagiaire en milieu communautaire rural et éloigné. Cet atelier porte sur les particularités de la pratique professionnelle dans ces milieux, notamment sur le plan culturel et selon les problèmes de santé les plus communs.

Dans un processus d’amélioration continue, les formations sont revues chaque année, à la lumière des évaluations de satisfaction reçues. De plus, afin d’actualiser les formations, nous avons le souci d’intégrer des exemples fournis par les participantes ou participants aux ateliers. Tous les quatre ans, nous procédons à une révision en profondeur des ateliers.

Méthode

L’évaluation du programme porte sur les dix années d’existence des ateliers L’Art de superviser des stagiaires, soit d’août 2003 à juin 2013, ainsi que sur les retombées connues de la formation dans divers milieux partenaires du CNFS. Outre le nombre d’inscriptions aux divers ateliers, des données ont été recueillies sur l’acceptabilité de la formation en ligne, ainsi que sur les trois premiers niveaux d’évaluation définis par Kirkpatrick (1967). Le premier niveau permet de déterminer le degré de satisfaction des participantes ou participants à la suite d’une formation. Le deuxième niveau, appelé « acquisition et motivation », permet de déterminer s’il y a eu apprentissage de nouvelles connaissances, d’habiletés et d’attitudes afin de juger de l’efficacité de la formation. Le troisième niveau a pour objectif de déterminer la mesure selon laquelle les apprentissages ont été utilisés ou appliqués par l’apprenante ou l’apprenant après un intervalle de temps de 3 à 6 mois après la formation, lequel permet d’évaluer les retombées réelles d’une formation chez les personnes qui l’ont suivie.

Collecte de données

Nombre d’inscriptions : Nous avons calculé le nombre d’inscriptions aux divers ateliers en utilisant le registre des inscriptions compilées par le CNFS.

Les évaluations de la satisfaction (niveau 1) ont pris la forme d’un questionnaire remis aux participantes ou participants à la toute fin d’une séance ou d’un questionnaire électronique pour les formations en ligne. Les principales dimensions ciblées par les questionnaires touchent

  1. au contenu tels sa pertinence et son intérêt;

  2. à la qualité de l’enseignement (animation, communication et stratégies pédagogiques);

  3. à la logistique dont le support visuel, l’environnement physique pour les formations en présentiel, les instructions et les difficultés techniques pour les formations en ligne;

  4. à la satisfaction globale.

De plus, les questionnaires de satisfaction comportaient quelques questions ouvertes pour recueillir des renseignements d’ordre qualitatif au sujet des séances (par exemple, aspects jugés les plus utiles, suggestions d’amélioration, etc.). Ces derniers étaient différents pour les formations en ligne et en présentiel afin d’évaluer les activités d’apprentissage propres à chacun de ces modes de formation. De plus, les énoncés des questionnaires relatifs aux formations en ligne ont évolué légèrement au fil des années (voir Tableaux 2 et 3). Sauf lorsqu’indiqué, le degré d’accord avec chaque énoncé était évalué sur une échelle de Likert à quatre niveaux, où 4 signifie tout à fait d’accord et 1, tout à fait en désaccord.

Pour obtenir la rétroaction sur l’acceptabilité de la formation en ligne, deux questions ont été intégrées aux questionnaires de satisfaction entre 2005 et 2010. Ces énoncés étaient libellés ainsi : « Ce type de formation peut être enseigné à distance » et « Selon ma façon d’apprendre, j’aurais préféré suivre ce cours en face à face. »

L’évaluation de l’atteinte des objectifs (niveau 2) a été réalisée de deux façons : par des jeux-questionnaires intégrés aux diverses formations et par des énoncés du questionnaire de satisfaction. Les jeux-questionnaires sont formatifs et seuls les participantes ou participants des ateliers sont en mesure de connaitre leurs résultats. La plateforme sur laquelle sont présentés les ateliers n’a pas la capacité d’enregistrer les réponses des participantes ou participants. Les résultats de ces jeux-questionnaires n’ont donc pas été compilés par les CNFS. Par ailleurs, dans les questionnaires de satisfaction des ateliers en ligne, on trouve deux énoncés d’autoévaluation de l’atteinte des objectifs : l’énoncé « J’ai acquis de nouvelles connaissances. » est présent dans les questionnaires depuis 2003 et l’énoncé « J’ai atteint les objectifs spécifiques de chaque activité. » a été ajouté aux questionnaires à partir de 2010.

Enfin, pour évaluer les retombées de la formation (niveau 3), un sondage sur la mise en application des apprentissages à remplir en ligne a été envoyé par courriel à 433 participantes ou participants des ateliers en salle (formation de base), selon le calendrier suivant :

  1. Début 2010, tous les participantes ou participants des trois dernières années (donc depuis 2007) ont reçu le sondage;

  2. De 2010 à 2013, les participantes ou participants ont reçu le sondage un an après leur formation.

Dans tous les cas, deux semaines après le premier envoi, un rappel a été effectué aux personnes qui n’avaient pas encore répondu au sondage. Celui-ci comportait des questions sur le nombre de stagiaires supervisés avant de suivre la formation ainsi que durant l’année qui a suivi la formation. Pour ceux et celles qui n’avaient pas supervisé de stagiaires, on en demandait les raisons. Puis, une question ouverte demandait « Avez-vous appliqué des principes de supervision appris lors de l’atelier? »

Analyse des données

En ce qui concerne les données quantitatives, nous avons calculé les moyennes obtenues à chacune des questions ainsi qu’à l’ensemble des questionnaires. Puisque les questionnaires de satisfaction sont différents pour les formations en ligne et en salle, le regroupement des réponses à chacune des quatre dimensions est utilisé pour comparer la satisfaction entre ces deux modes de livraison.

Concernant les questions ouvertes, nous avons effectué une analyse de contenu par regroupements thématiques et nous avons compilé la fréquence des commentaires appartenant à chacun des thèmes. Nous avons pu dégager de ces analyses des exemples d’application de connaissances réalisée à la suite de la formation, ainsi que la perception des participantes et des participants quant à l’utilité de la formation pour leur rôle en supervision et à leur degré de confort à superviser.

Résultats

Au cours des dix années couvertes par cette évaluation, les cinq ateliers en ligne de la formation de base ont été offerts 9 fois chacun, à l’exception de l’atelier Intégrer les styles d’apprentissage qui a été offert 7 fois. Nous comptons un total de 1 532 inscriptions pour ces 43 ateliers. Pendant la même période, la formation de base a été offerte en salle 63 fois, rejoignant 1 192 personnes. En incluant les formations avancées (22 ateliers en ligne et 6 ateliers en salle), on compte au total 2 073 inscriptions aux ateliers en ligne et plus de 1 290 inscriptions aux ateliers en salle. Le Tableau 1 présente la répartition des présences pour chaque type d’atelier.

Tableau 1

Participation aux ateliers

Participation aux ateliers
*

Les données d’évaluation sont disponibles pour 42 séances de formation de base et 22 de formation avancée.

**

Les données sont disponibles pour 61 séances de formation de base et 4 de formation avancée.

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Les personnes qui se sont inscrites aux ateliers pour acquérir des connaissances sur la supervision de stagiaires proviennent de diverses professions, les plus fréquentes étant celles appartenant au domaine des sciences infirmières, de la physiothérapie, de l’ergothérapie, de la nutrition, de l’orthophonie, du travail social, de la psychologie et de l’inhalothérapie.

Pertinence de la formation en ligne

Sur les 510 réponses reçues à cet énoncé, seules 6 personnes (1,2 %) étaient en désaccord avec le fait que ce type de formation pouvait être enseigné en ligne et 69 (14 %) disaient qu’ils auraient préféré suivre le cours en face à face. Ainsi, le format en ligne semblait convenir à une grande majorité.

Satisfaction des formations en ligne et en salle

Le degré de satisfaction envers les ateliers en ligne est élevé, avec une moyenne générale de 3,64/4 ou 91,1 %. Comme on peut le constater dans le Tableau 2, la satisfaction globale, la satisfaction envers le contenu, de même que la satisfaction envers plusieurs éléments liés à la qualité de l’enseignement sont très élevées. L’élément qui obtient le plus faible taux de satisfaction a trait à l’utilité des échanges virtuels. Comme nous le démontrent les commentaires qualitatifs, bien que plusieurs ont apprécié ces échanges, d’autres les ont trouvés difficiles ou moins stimulants que des échanges en personne. La présence d’ennuis techniques est aussi un élément qui fait diminuer le taux de satisfaction. Une analyse plus détaillée des résultats démontre que 34,5 % des participantes ou participants ont éprouvé de telles difficultés, mais que dans 82 % des cas, elles ont pu être résolues de façon à ce que la personne puisse accéder au matériel souhaité par elle-même ou à l’aide du service technique offert par le CNFS.

Tableau 2

Satisfaction — ateliers en ligne

Satisfaction — ateliers en ligne

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De l’analyse des questions ouvertes, nous retenons que la flexibilité de la formation en ligne a été citée le plus fréquemment parmi les éléments les plus appréciés. En effet, plusieurs participantes et participants disent pouvoir suivre le cours à leur rythme et au moment opportun, visionner les capsules vidéo autant de fois qu’ils le souhaitent et refaire les exercices au besoin. Par la suite, le contenu de la formation a été un élément crucial de la satisfaction; plusieurs soulignent que l’organisation et la structure du cours ont facilité l’apprentissage, que l’information acquise était à jour et pertinente et que les documents à imprimer pouvaient servir de référence. Les forums de discussion ont été une source d’apprentissage significatif. Pour plusieurs, lire leurs pairs a été enrichissant, tout comme recevoir de la rétroaction de la part des responsables de la formation. Les divers outils d’apprentissage (capsules vidéo, questionnaires, exemples concrets, études de cas, diversité des méthodes d’apprentissage) sont identifiés dans des proportions plus faibles comme éléments les plus appréciés. Quelques personnes (n=14) ont exprimé des effets ressentis positifs après avoir fait les modules : un sentiment d’être mieux outillées, d’être plus compétentes et d’être plus ouvertes à d’autres approches.

Les forums de discussion ont été ciblés dans une proportion très similaire à la fois comme un élément positif et comme un élément négatif. La richesse des forums dépend du nombre de participantes ou de participants. Lorsque peu nombreux, les échanges sont appauvris et lorsque trop nombreux, le fil de la conversation devient difficile à suivre. De plus, lorsque la personne responsable de la formation intervenait peu, les participantes ou participants avaient l’impression de manquer une rétroaction importante. Les difficultés techniques arrivent au second rang des éléments les moins appréciés, entre autres, les difficultés à se brancher, à télédécharger des fichiers et à ouvrir des liens Internet. Quelques personnes qui n’ont pas à superviser de stagiaires ont suivi la formation et ont trouvé que certains outils s’appliquaient moins bien à leur contexte. Quant au contenu, 20 personnes auraient souhaité aller plus en profondeur dans certains sujets. Finalement, 8 personnes ont écrit que l’apprentissage en ligne, quoique donnant accès à une formation de qualité, exige aussi beaucoup d’autonomie et de motivation.

En ce qui concerne les formations en salle, les résultats font ressortir un haut taux de satisfaction, avec une moyenne de 3,78/4 ou 94,4 % pour l’ensemble des 10 questions. Comme on peut le constater au Tableau 3, les éléments liés à la qualité de l’enseignement et au contenu semblent très appréciés, alors que les éléments de logistique sont ceux qui obtiennent les taux de satisfaction les plus faibles. En particulier, la qualité de l’environnement physique, un élément à l’extérieur du contrôle du CNFS qui offrait la formation dans les locaux fournis par les partenaires, est l’élément qui obtient le taux de satisfaction le plus faible.

Tableau 3

Satisfaction envers les ateliers en salle

Satisfaction envers les ateliers en salle

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L’analyse des questions ouvertes fait ressortir que les connaissances et le dynamisme des personnes responsables de la formation constituent les éléments les plus souvent cités. La pertinence du contenu ainsi que le fait qu’il soit concret et facilement applicable à leur pratique sont souvent mentionnés. Parmi les outils pédagogiques utilisés dans les ateliers, plusieurs disent apprécier la diversité des outils présentés, alors que d’autres spécifient d’un à trois outils particulièrement appréciés. Parmi ceux-ci, les échanges entre les participantes ou participants, les exemples concrets (études de cas, mises en situation) et les vidéos qui présentent des situations concrètes sont les plus souvent nommés. La documentation écrite qui peut servir de référence future est aussi très appréciée. En ce qui concerne les aspects les moins appréciés, outre les commentaires sur la qualité de l’environnement physique (froid, bruits environnants, etc.), plusieurs commentaires (n=128) portent sur l’ampleur du contenu à assimiler en deux jours. On mentionne le fait que les journées étaient trop longues, la difficulté de se concentrer vers la fin, le besoin de plus de pauses ou que le contenu trop chargé a limité le temps d’échanges. Malgré ces commentaires, la majorité semblait trouver le contenu pertinent et certains individus en auraient voulu davantage, mais échelonné sur une plus longue période. Seuls quelques individus (n=24) ont trouvé que certains éléments étaient redondants ou non pertinents. Parmi ces éléments, mentionnons le contenu relatif aux styles d’apprentissage, car il s’agissait de déjà-vu pour eux. Il faut noter que pour plusieurs personnes, ce sont toutefois les styles d’apprentissage et la façon d’offrir la rétroaction qui semblent les éléments les plus appréciés. Quant aux outils pédagogiques, les parties magistrales et les lectures sont mentionnées comme moins appréciées, mais par un faible nombre seulement. Enfin, soulignons que parmi les éléments appréciés, quelques personnes ont exprimé leur gratitude d’avoir reçu cette formation en français et elles ont fait ressortir la qualité de la langue.

Atteinte des objectifs

Si l’on regroupe les réponses « tout à fait d’accord » et « d’accord », on constate que 99,2 % des participantes ou participants ont acquis de nouvelles connaissances. Pour 13 % des participantes ou participants, l’accord n’est pas total, ainsi cet énoncé obtient une moyenne d’appui de 96,2 % (Tableau 2). Pour les 527 participantes ou participants ayant eu à coter l’énoncé relatif à l’atteinte des objectifs spécifiques de chaque activité, 47,8 % sont « tout à fait d’accord » avec l’énoncé, alors que 50,8 % sont « d’accord » et seulement 1,3 % sont en « désaccord ».

Retombées pour les participantes et les participants

Le sondage sur la mise en application des apprentissages a été rempli par 150 personnes, ce qui correspond à un taux de réponse de 35 %. Les résultats démontrent que si la formation n’a pas eu d’impact sur le nombre de personnes qui ont supervisé des stagiaires dans l’année qui a suivi la formation comparativement à avant la formation (79 % vs 82 %), les raisons de ne pas superviser de stagiaires sont différentes après la formation. En effet, si le manque d’expérience clinique, de formation ou d’intérêt est mentionné à 14 reprises comme raison de ne pas avoir supervisé de stagiaires avant la formation, ces raisons ne sont mentionnées que par 2 personnes après la formation. Le manque de temps (n=6) ou le manque d’occasion (n=17 : pas eu de demande pour superviser des étudiantes ou étudiants ou la supervision ne fait pas ou plus partie de mes tâches.) sont les raisons les plus souvent invoquées pour ne pas avoir reçu de stagiaires dans l’année qui a suivi la formation.

Parmi les 150 répondantes et répondants au sondage, 88 ont répondu à la question « Avez-vous appliqué des principes de supervision appris lors de l’atelier? ». Ces personnes ont fourni 109 exemples de mise en application des apprentissages. Les éléments qui reviennent le plus souvent concernent la façon de fournir de la rétroaction (n=30), la prise en compte des différents styles d’apprentissage (n=23) et la clarification des attentes (n=16). Le Tableau 4 présente l’ensemble des thèmes ressortis avec la fréquence des réponses associées à chacun de ces thèmes, ainsi que quelques exemples de réponses pour chaque thème.

Tableau 4

Exemples d’application

Exemples d’application

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Autres retombées

La formation de base de L’Art de superviser des stagiaires a connu maintes retombées dans les milieux francophones minoritaires à travers le Canada, mais aussi en milieu anglophone minoritaire au Québec. Non seulement les professionnelles ou professionnels de la santé et des services sociaux de partout au Canada ont su profiter de la formation en ligne depuis 2002, mais depuis 2005, plusieurs milieux tant du domaine de l’enseignement que des soins et services ont invité le CNFS volet Université d’Ottawa à se rendre sur place pour offrir la formation à des groupes ciblés de leur personnel. Dans certains cas, la demande visait une formation sur mesure. Par exemple, l’Hôpital Montfort a demandé pendant plusieurs années de la formation sur l’évaluation du rendement et la gestion de conflits dans le cadre de l’orientation offerte aux préceptrices ou précepteurs du stage de consolidation en sciences infirmières. Pendant quelques années, l’École des sciences infirmières de l’Université d’Ottawa a aussi invité le CNFS à donner une formation en évaluation du rendement aux nouveaux professeurs cliniques lors de la journée d’orientation. Nous avons donné une formation sur les principes de base de la supervision, le climat de confiance et l’évaluation du rendement aux préceptrices ou précepteurs du stage en santé communautaire à Santé publique Ottawa. Enfin, l’École des sciences de réadaptation de l’Université d’Ottawa a demandé une formation destinée au personnel anglophone qui supervise leurs stagiaires.

Certains milieux ont créé un programme de formation adapté à leurs besoins spécifiques. Mentionnons le cas de l’École de service social de l’Université de Moncton qui a intégré des extraits de notre formation à son programme d’orientation à la supervision. De son côté, l’Université McGill a bonifié et traduit en anglais les cinq ateliers du programme de base. Par ailleurs, même si l’Hôpital Montfort encourage son personnel qui supervise des stagiaires à suivre la formation en ligne ou en présentiel, ce milieu s’est inspiré de notre programme pour créer une formation sur mesure qui traite de la communication et de la rétroaction, deux thématiques retenues comme prioritaires. La formation de trois heures figure à l’horaire mensuel du programme d’enseignement régulier.

Une autre retombée importante est celle de la reconnaissance de la formation de base par plusieurs associations professionnelles. En effet, l’Association canadienne des ergothérapeutes, l’Association canadienne des physiothérapeutes, l’Association canadienne des orthophonistes et audiologistes et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada ont officiellement reconnu la valeur des cinq ateliers du programme de base. Enfin, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec offre en ligne des ateliers réservés à leurs membres et inspirés de ceux du CNFS sur l’art de la supervision clinique.

Discussion

Selon les résultats de l’évaluation, le programme de formation L’Art de superviser des stagiaires répond à un besoin. Comme en témoignent les résultats des questionnaires, les formations en salle sont autant appréciées que les formations en ligne. Les données quantitatives révèlent que pour les deux formats de formation, la satisfaction globale est grande. Le taux de satisfaction semble similaire en ce qui concerne le contenu et la documentation remise. Par contre, il semble légèrement inférieur pour ce qui est de la qualité de l’enseignement dans les formations en ligne (89,6 % ligne; 97,3 % en salle). Il faut cependant noter que le questionnaire de satisfaction en ligne contenait plus d’énoncés évaluant cette dimension et que ces énoncés portaient sur des éléments plus précis. Il est établi que des questions détaillées génèrent de plus hauts taux d’insatisfaction que des questions d’ordre général (Williams et Calnan, 1991).

Les données qualitatives confirment ces résultats quantitatifs. Elles indiquent que les formations en salle et en ligne répondent à un besoin de formation et contribuent à mieux outiller les superviseures et superviseurs. Nos résultats rejoignent ceux de Johnson et Stewart (2000, dans Kavanagh, et collab., 2008), de Kaiser et Kuechler (2008) et de Crook-Lyon (2008) démontrant que les personnes qui ont suivi des formations se disent mieux préparées à la supervision que celles qui n’en ont pas suivi. Selon Lefebvre, Pelchat et Levert (2007), la satisfaction envers les formations en ligne dépend de leur qualité. À ce propos, la qualité du contenu, sa pertinence, la structure de l’information ont été soulignées comme des aspects très positifs des formations en ligne.

Les désavantages répertoriés par Childs et collab. (2005) ont aussi été identifiés par les répondantes et les répondants aux questionnaires. Par exemple, le format à distance ne rend pas possibles les interactions immédiates avec la personne responsable de la formation et les autres participantes et participants, les contacts en personne peuvent être plus enrichissants ou encore certains indiquent qu’ils ont de la difficulté à s’exprimer par courriel. Même si les résultats indiquent un taux de satisfaction plus bas en ce qui concerne l’utilité des échanges virtuels en raison du manque de richesse de certains échanges ou de problèmes techniques et que quelques personnes ne perçoivent pas cette activité comme étant profitable à leur apprentissage, la majorité de celles qui ont suivi la formation en ligne mentionnent que les forums de discussion sont enrichissants. Ce résultat rejoint les écrits qui démontrent que les ateliers en ligne animés par une personne experte augmentent la motivation et favorisent l’acquisition des connaissances (Gagné, et collab., 2001; Oehlkers et Gibson 2001, dans Lefebvre, Pelchat et Levert, 2005). De fait, les échanges sont perçus comme moins enrichissants dans les cas où le nombre d’individus était moindre ou la personne responsable de la formation peu dynamique. Quand nous avons remarqué qu’il y avait peu de discussions, nous avons établi des règles afin de garder la discussion bien active, telles qu’envoyer un message de bienvenue aux participantes et aux participants dès la première journée de la formation, répondre rapidement et de façon assidue aux commentaires soumis, faire chaque jour la synthèse des discussions du forum. Concernant les problèmes techniques, si certaines difficultés ont été soulevées, elles ne semblent pas nuire à la satisfaction globale envers les ateliers. Un technicien pouvait être contacté rapidement afin de remédier à la situation problématique et permettre de poursuivre les activités d’apprentissage.

Par ailleurs, malgré les défis que pose la formation à distance, le nombre élevé d’inscriptions en ligne illustre le besoin de formation en français et le manque de formation dans ce domaine pour les communautés francophones en situation minoritaire. Les participantes ou participants en ligne sont en général très satisfaits des formations et affirment que ce format de cours répond à leur façon d’apprendre. Ils aiment particulièrement la flexibilité de ce moyen de livraison, ce qui est cohérent avec les données retrouvées dans les écrits scientifiques (Maisonneuve et Chabot, 2009; Hung, 2009). Hung (2009) ajoute que ce type de formation est encore plus avantageux dans un contexte où les ressources financières ou pédagogiques sont moindres, ce qui est le cas pour les communautés francophones en situation minoritaire.

Dans le cas de la formation en salle, l’élément le plus souvent rapporté comme étant moins satisfaisant concerne l’ampleur du contenu à absorber en deux jours. Cet inconvénient n’est pas présent avec la formation en ligne qui permet de faire la formation à son propre rythme et sur une période de cinq semaines.

Par ailleurs, plusieurs indiquent que la documentation remise est utile et pertinente, se servant de celle-ci comme guide de référence pour y puiser des solutions aux défis d’encadrement de stagiaires. La possibilité d’imprimer la documentation fournie dans les ateliers en ligne atténue la différence entre les deux modes de livraison. Cela rejoint les constats des études de Milne (2010) et de Kaiser et Kuechler (2008) selon lesquels une formation offerte par une personne experte et accompagnée d’un manuel est un modèle de formation apprécié.

Portons maintenant un regard sur l’application des apprentissages par les personnes qui ont suivi les formations. Ces dernières affirment avoir acquis des connaissances. Toutefois, il est important de savoir si ces connaissances ont été mises en pratique. Effectué un an après la formation en salle, le sondage en ligne révèle les stratégies qui ont été appliquées de façon concrète. Ces données confirment qu’un changement d’attitude s’est opéré et que des changements véritables sont survenus puisque les superviseures et superviseurs répertorient 109 comportements adoptés à la suite de la formation. Les stratégies retenues correspondent aux pratiques exemplaires qui ont été enseignées dans plusieurs des ateliers de base. Par exemple, plusieurs superviseures et superviseurs ont modifié leur comportement lors de l’évaluation de rendement et de la rétroaction à leurs stagiaires. Plusieurs ont adopté les pratiques exemplaires du carnet de notes pour y consigner les comportements des stagiaires tout au long du stage (Gaiptman et Anthony, 1993) et les faits observés chez eux. Il s’agit d’un des fondements de l’évaluation du rendement (Branch et Anuradha, 2002). Tout comme dans l’étude de Wilkins et Ellis (2004), à la suite de la formation, plusieurs se disent capables d’identifier le style d’apprentissage des stagiaires et ainsi d’adapter leur enseignement à différents styles d’apprentissage. Plusieurs mentionnent utiliser des stratégies pour amener les stagiaires à développer leur autonomie. Certains principes et outils discutés dans l’atelier Les principes de base de la supervision sont aussi mis en application. Il s’agit de la clarification des attentes, la détermination des objectifs avec les stagiaires, l’utilisation du contrat d’apprentissage et d’un calendrier pour mieux planifier les rencontres et les activités du stage. Le contrat d’apprentissage constitue une pratique exemplaire, le succès de la supervision reposant entre autres sur un contrat de stage bien défini (Spence, et collab., 2001, dans Kavanagh, et collab., 2008). D’autres stratégies comme les habiletés de communication enseignées principalement dans l’atelier Bâtir un climat de confiance sont rapportées par un très petit nombre comme nouvelle application découlant de la formation. Peut-être est-ce dû au fait que ce contenu était moins nouveau. Selon Potter et Perry (2010), la relation de confiance entre les superviseures ou superviseurs et les stagiaires est un déterminant de l’efficacité de l’apprentissage et la communication est le moyen d’établir cette relation.

Conclusion

Les formations de base et avancées offertes par le CNFS ont permis de pallier le manque de formation en supervision de stagiaires. Les différents transferts d’apprentissage que les superviseures et superviseurs ont effectués dans leur pratique concordent avec divers écrits théoriques sur le développement d’une telle formation et semblent indiquer une amélioration de la qualité de supervision qu’ils sont maintenant en mesure d’offrir. Devant ces constats, le CNFS continuera à offrir ces formations qui contribuent à une meilleure préparation des futurs professionnelles ou professionnels de la santé et des services sociaux appelés à oeuvrer auprès des communautés francophones minoritaires du Canada. Toutefois, pour mesurer les retombées à long terme, des audits devraient être menés dans différents milieux de stage afin de mesurer les outils et les stratégies qui sont réellement utilisés en supervision de stagiaires. Ces données permettraient d’améliorer les formations déjà offertes.

De plus, puisque la formation ne semble pas augmenter le nombre de stagiaires, certains modèles de supervision — entre autres, la supervision à distance et de groupe — devraient être promus et étudiés plus en profondeur. Enfin, pour répondre à la pénurie de lieux de stages dans plusieurs domaines professionnels, il sera important de se pencher sur des stratégies additionnelles. Les avenues à explorer pourraient inclure la sensibilisation des employeurs à l’importance de la formation pratique dans la préparation de la relève et l’exploration du soutien que l’organisation peut apporter aux personnes qui acceptent de superviser des stagiaires.