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En tant que père, cet ouvrage a retenu mon attention, son titre suggérant qu’il traite d’habiletés liées à l’exercice de la paternité. Ce livre de Jean-Claude Liaudet m’apparaissait ainsi constituer une lecture utile pour démystifier le rôle des pères et les aider à prendre leur place au sein de la famille.
Citant Françoise Dolto, Liaudet débute son ouvrage en affirmant qu’« un père doit chaque jour adopter son enfant ». Bien que pouvant surprendre à première vue, cet énoncé signifie que le père doit reconnaître son enfant en tant qu’individu à part entière. Quotidiennement, il doit l’aimer tel qu’il est et non comme il voudrait qu’il soit. Il doit constamment lui transmettre ce en quoi il croit, ce en quoi il a foi, sans être certain que l’enfant se l’appropriera. Bref, même si l’enfant porte ses gènes, le père se retrouve malgré tout devant un inconnu qui, avec le temps, deviendra son enfant.
Le livre se structure autour de trois verbes : reconnaître, aimer et transmettre. Selon Liaudet, si le père arrive à jongler adroitement avec ces trois mots, il maîtrisera l’art d’être père. En puisant continuellement des références au sein d’un cadre psychanalytique, Liaudet propose diverses façons d’être père et non qu’une seule.
D’entrée de jeu, Liaudet avance que c’est lorsque l’homme reconnaît son enfant « non seulement comme sa descendance biologique, mais également comme celui dont il sera responsable », qu’il devient père (p. 17). On pourrait croire que cet acte fait uniquement référence à l’aspect juridique, mais pour ce psychologue, l’acte de reconnaissance comporte plusieurs aspects. Il s’agit d’abord de reconnaître le désir de la conception de l’enfant. La reconnaissance se fait ensuite par le biais du sentiment éprouvé pour sa partenaire venant d’accoucher. D’autre part, l’acte de reconnaissance serait comparable à l’exploration d’un lieu inconnu et susceptible d’être dangereux, car l’être enfanté ne serait pas du tout comme son père l’aurait imaginé. Cette réalité impliquerait que dorénavant, le père apprendrait à connaître son enfant au jour le jour. Le père serait ainsi amené à se renouveler et à s’ajuster continuellement.
L’auteur soutient également que la mère devrait reconnaître le père dans l’unité familiale et lui laisser la place lui revenant auprès de leur enfant. En agissant de la sorte, elle accepterait le fait qu’elle ne peut tout donner à sa descendance et que le père est là pour fournir un apport spécifique. Cette section peut aussi être enrichissante pour la nouvelle maman, qui pourrait, selon l’auteur, être jalouse et possessive dans son lien avec l’enfant. Cette dernière pourrait parfois être insécure face aux divers soins à prodiguer à son nouveau-né et hésiter trop souvent à le confier au papa. Ce dernier pourrait être intimidé par la fragilité de son enfant et ne pas démontrer toute l’assurance désirée par la mère afin qu’elle puisse — l’esprit en paix — le laisser entre ses mains. Cette alliance père-mère serait cruciale, les parents étant complémentaires. Ainsi, le père devrait aussi se reconnaître comme figure masculine ayant sa spécificité. Enfin, toujours selon Liaudet, l’homme deviendrait père lorsqu’il réussirait à s’identifier à son enfant. Autrement dit, il se reconnaîtrait dans les faits et gestes de son enfant et il agirait avec lui comme il aurait voulu qu’on agisse avec lui quand il était enfant.
La partie suivante a comme thème le verbe aimer. Contrairement à l’époque où le père était autoritaire et quasi absent, celui d’aujourd’hui s’est rapproché de ses enfants. En éprouvant un amour filial, le paternel « initie son enfant à un autre amour, plus distancié, et c’est grâce à cet amour que la transmission peut se faire » (p. 81). Cependant, le complexe d’Oedipe le guette. Le père joue un rôle de premier plan quand son enfant traverse cette étape parce qu’il « lui faut résister aux tentatives de séduction de sa fille, énoncer clairement l’interdit d’inceste » (p. 90) et « être assez fort pour résister aux attaques de son garçon sans pour autant entrer en rivalité avec lui. » (p. 90) D’autre part, Liaudet suggère qu’un père aimant adapte son rôle dans une famille en évolution constante, contrairement à ce que son propre père faisait. Ceci étant dit, le père ne devrait jamais oublier la phrase suivante : « si les parents se doivent d’aimer leurs enfants, les enfants ne sont pas obligés d’aimer leurs parents! » (p. 37) Nous ne mettons pas des enfants au monde pour se faire aimer d’eux, mais bien pour les aimer, les éduquer et les instruire. Convaincus que leur progéniture les aimera sans condition, les pères sont souvent déçus. Cette déception peut intoxiquer leur relation avec leur enfant à cause de ces attentes irréalistes.
Finalement, l’auteur aborde la troisième partie qu’il désigne par le verbe transmettre. Selon lui, le père doit léguer tout ce qu’il peut à son enfant, tout en laissant son enfant choisir ce qu’il conservera « être père c’est renoncer à ce que son chérubin ne soit pas son prolongement idéal. » (p. 146) C’est aussi renoncer à l’image du père tout-puissant qu’il a été pour son enfant. Si l’homme arrive à accepter et à supporter tout cela, son enfant se sentira libre de s’approprier, à sa façon, les valeurs et les idéaux transmis. Une fois tout ceci accepté, le rôle du père est de transmettre les diverses lois. C’est de cette manière qu’il amènera son enfant à s’intégrer correctement dans notre société. Cependant, le père, de nos jours, n’est plus seul à assumer cette tâche, les mères jouent de plus en plus ce rôle, parfois avec l’intervention de différents professionnels. L’auteur rappelle que notre enfant n’est et ne sera pas notre copie conforme. Il est un être à part entière qui fera ses propres expériences et construira ses opinions à partir de son entourage et de ses expériences.
Le livre de Jean-Claude Liaudet amène le père à réfléchir à la place qui lui revient dans la famille. Il revient également sur le fait qu’il n’y a pas de recette pour élever un enfant, soulignant que tout est dans la finesse et l’assurance. Malheureusement, la mutation perpétuelle du rôle paternel engendre des difficultés auprès des pères qui tentent d’être cohérents avec le modèle actuel, lui-même en constante évolution. Il n’est d’ailleurs pas rare de croiser des pères éprouvant des difficultés à exercer leur rôle et ayant besoin des conseils.
À prime abord, ce livre semble proposer des façons de faire et apporter une aide concrète. Malheureusement, comme l’ouvrage s’attarde à une réflexion théorique sur le sujet — se limitant à une approche psychanalytique, basée sur certains phénomènes psychiques inconscients — les attentes pratiques du lecteur pourront être déçues. Ce choix en fait un ouvrage difficile d’accès par moments. Également, la structure du texte est parfois difficile à suivre. Ajoutons qu’il aurait été intéressant de tenir davantage compte de dimensions sociales plus larges pour ouvrir la réflexion à d’autres considérations que le psyché d’un individu.
Néanmoins, un lecteur intellectuel averti comprendra davantage les symboles et les concepts utilisés par l’auteur pour expliquer la paternité. On apprendra dans cet ouvrage que le rôle du père n’a cessé d’évoluer à travers les époques et que ses responsabilités ne sont pas statiques, mais en évolution, en redéfinition constante. En ce sens, ce livre présente l’exercice de la paternité comme un art à cultiver dans la diversité des façons d’être un père. Cet angle d’approche peut diminuer le poids parfois lourd pesant sur les épaules du lecteur cherchant à répondre aux normes de la paternité idéale.