Résumés
Résumé
Depuis une vingtaine d’années, le visage de l’immigration au Canada a changé profondément. Avec une immigration d’environ 165 000 personnes entre 2000 et 2001 (Statistiques Canada, 2003), le Canada qui se déclare une société multiculturelle est toujours à la recherche d’une insertion harmonieuse de ces nouveaux arrivants. Aujourd’hui, le pays accueille de plus en plus des personnes immigrantes et réfugiées provenant de pays ravagés par la guerre ou la violence politique. Plusieurs d’entre elles sont des francophones et des francophiles (personnes n’ayant pas le français comme langue officielle, mais qui choisissent le français comme nouvelle langue) qui proviennent d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Nous constatons qu’un grand nombre de ces nouveaux immigrants souffrent de problèmes post-traumatiques. Cet article expose les résultats d’une recherche du Centre de santé communautaire de Hamilton-Niagara (CSCH), laquelle visait à identifier les meilleures pratiques s’adressant à ces nouveaux immigrants dont une proportion importante souffre de problèmes d’adaptation.
Corps de l’article
Introduction
Dans une étude sur la santé des immigrants au Canada en 1994-1995, Chen, Ng et Wilkins (1996) affirment qu’en général, la santé des immigrants arrivés au pays depuis moins de 10 ans était meilleure que celle des autres Canadiens. Cela s’expliquait par le fait qu’un des critères de sélection de l’article 11 de la Loi sur l’Immigration, qui perdure avec la nouvelle loi sur l’immigration (Loi sur la protection des réfugiés et de l’immigration — IRPA 2002), exige que le postulant doit être en bonne santé pour pouvoir être sélectionné, faute de quoi son dossier sera rejeté. Le critère de la bonne santé s’applique à tout immigrant faisant une demande de visa de séjour temporaire (travailleur ou étudiant) ou une demande de résidence permanente, afin qu’il ne soit pas un « fardeau » pour le système de santé canadien. Dans les limites de leur étude, ces auteurs (1996 : 39) indiquaient qu’il serait « souhaitable de comparer les indicateurs de la santé des réfugiés et d’autres catégories d’immigrants ». Une autre étude similaire menée par Pérez, en 2002, indique également que la santé des immigrants est meilleure en général que celle des Canadiens, précisant cependant que celle des réfugiés « est nettement plus mauvaise que celle d’autres types d’immigrants » (Pérez 2002 : 2).
Alors qu’il y a dix ans la recherche de Chen et al. (1996) présentait des résultats positifs sur la santé des immigrants, les changements récents dans l’origine des personnes immigrantes ont complètement transformé la situation. En effet, un nombre toujours croissant d’immigrés sont des réfugiés en provenance de régions d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique, régions où la guerre, la torture et la violence organisée font rage. Du point de vue de la santé physique, on observe chez ces derniers un taux élevé d’anémie, de parasites intestinaux et de déficiences nutritionnelles, conditions associées à leur provenance d’un pays en développement (Herman 1992).
Par ailleurs, avec ces différentes conditions physiologiques, les personnes immigrantes et réfugiées font aussi face à de nombreux autres défis rendant difficile leur intégration au Canada. Comme le rappelle Fowler (1998), le processus d’immigration oblige chaque personne à passer un examen médical contrôlé par un médecin agréé par l’Ambassade du Canada dans le pays où la demande est présentée (les tests incluent un examen physique, une radiographie pulmonaire, un test VDRL et une analyse d’urine). Cependant, Fowler (1998) explique qu’à l’exception du test de tuberculose, il n’y a pas de procédure systématique d’évaluation de l’état de santé des demandeurs. On constate de plus en plus l’apparition d’autres problèmes de santé chez cette population une fois admise au pays. C’est alors que chez beaucoup de nouveaux arrivants émergent comme majeurs des problèmes de santé mentale et émotionnelle.
Il faut aussi préciser qu’à leur arrivée, ces personnes sont confrontées à plusieurs problèmes liés à leur sentiment d’appartenance et au processus d’intégration. Au stress de l’immigration s’ajoutent l’isolement, la barrière linguistique, la séparation familiale, les changements dans les rôles hommes-femmes, les problèmes d’accès aux ressources, la dévaluation de l’éducation acquise dans le pays d’origine, le manque d’emploi et la perte de l’identité et des repères culturels (Karumanchery 2005). Tous ces facteurs amènent souvent les intervenantes et les intervenants à reconnaître chez les personnes immigrantes des symptômes de dépression et de stress post-traumatique (STP).
Les grandes transformations caractérisant la composition des nouvelles vagues d’immigrants se ressentent sur le plan national, mais touchent particulièrement certaines villes et régions du Canada. Certaines villes connaissent un afflux de populations immigrantes et réfugiées; c’est le cas de grandes villes comme Toronto, Montréal et Vancouver, mais aussi de régions comme celle de Hamilton/Niagara dans le sud de l’Ontario. Cette région, dont le moteur est Hamilton, regroupe de nombreuses petites villes périphériques.
L’immigration francophone à Hamilton
Une caractéristique des changements dans l’immigration dans la région de Hamilton/Niagara est l’augmentation des personnes provenant de pays francophones ou francophiles. Parmi ces nouvelles populations venant s’installer dans cette région, la grande majorité provient d’Afrique, et plusieurs rencontrent des difficultés supplémentaires dans leur intégration à la société d’accueil. Selon Brihimi (2005), il existe une population congolaise de plus de 1 000 personnes et environ 700 Tchadiens, la plupart en phase d’intégration, c’est-à-dire qu’ils sont encore confrontés au processus de régularisation de leur statut soit comme immigrants soit comme réfugiés. Plusieurs membres de ces communautés culturelles ont été forcés à immigrer à cause des guerres ou des conflits ayant ravagé leurs pays d’origine. Plusieurs souffrent donc de problèmes de santé mentale ou sont victimes de différentes formes de traumatismes. Presque tous font face à des défis d’intégration à la société d’accueil franco-ontarienne qui n’est pas toujours tolérante face aux immigrants francophones (Diallo & Lafrenière 1996).
En juillet 2000, le Social Planning and Research Council de Hamilton-Wentworth a publié un document démontrant l’augmentation continue de la population immigrante et réfugiée de la région de Hamilton/Niagara. Le rapport citait Hamilton comme le troisième point d’entrée au Canada pour les nouveaux arrivants et indiquait qu’entre 1991 et 1996 la région accueillait chaque année 5 250 immigrants et réfugiés. Ces nouveaux arrivants représentent aujourd’hui environ 20 % (114 000) de la population de la région, laquelle est estimée à environ 500 000 personnes. Un autre rapport du Canadian Labour and Business Centre (2005) démontre qu’après une stagnation en 1998, le niveau de l’immigration dans la région de Hamilton a atteint environ 9 000 personnes par année entre 2001 et 2003. Selon ce dernier rapport, plus de 20 % de ces personnes immigrantes demandent le statut de réfugié au Canada.
Tout cela nous permet de constater que la ville de Hamilton connaît des changements importants quant à sa population et que les services sociaux ont besoin de s’ajuster à ces changements. Parmi les services les plus confrontés à un besoin d’adaptation, il y a en première ligne ceux du secteur de la santé et de l’établissement (chargés d’aider ces populations à s’établir), c’est-à-dire, les services de base dont ces populations ont besoin dès leur arrivée au Canada. Ce changement dans la population immigrante se fait donc sentir dans la clientèle et les services du Centre de santé communautaire de Hamilton/Niagara.
Le profil démographique de la clientèle du Centre de santé provenant des communautés culturelles
Le Centre de santé de Hamilton a connu ces dernières années une forte augmentation de sa clientèle issue de pays francophones traversés par des situations d’instabilité. En 2005, le Centre a servi plusieurs centaines de ressortissants africains, originaires de la République démocratique du Congo (265), du Tchad (227), du Rwanda (91), du Burundi (70), du Centrafrique (26), du Congo-Brazzaville (24), de l’Angola (18) et d’autres pays tels que la Guinée ou la Côte d’Ivoire. L’augmentation de l’immigration francophone a un impact sur les agences sociales et de santé et sur les services qu’ils offrent. De plus en plus, ces organismes ont besoin d’adapter leurs services aux besoins particuliers de cette clientèle.
Ces personnes immigrantes et réfugiées proviennent de pays où il y a eu récemment des violences armées. Les populations ont souvent été les premières victimes de ces conflits. Ces nouveaux immigrants ont souvent vécu des événements traumatiques qu’ils traînent durant leur processus d’établissement dans leur région d’accueil. Ces traumatismes, qui ne sont pas toujours visibles ou acceptés par ces nouveaux arrivants, ont un impact très important sur leurs chances d’intégration.
Qu’est-ce que le traumatisme?
De façon très simple, on peut dire que le traumatisme est un dommage de la structure ou du fonctionnement du corps. C’est un état général particulier créé par l’action de violence externe (physique, psychologique) sur notre organisme. Il y a traumatisme quand une blessure (psychique) est bloquée par une représentation négative. Il ne suffit donc pas d’un « simple » vécu douloureux pour dire qu’il y a traumatisme. La représentation négative va « enkyster » la blessure, bloquer sa guérison.
Le traumatisme désigne une expérience de violence hors norme au cours de laquelle l’intégrité physique et psychique d’un individu ou d’un groupe a été menacée. Pour avoir un effet potentiellement traumatique, l’événement doit représenter une menace pour l’intégrité de la personne, dépassant ses possibilités de réaction, survenant de manière soudaine et non anticipée, et s’accompagnant d’un sentiment de terreur, de détresse, d’effroi, de solitude, d’abandon. La gamme des événements traumatogènes est donc large.
Ces définitions englobent tous les facteurs pouvant contribuer aux traumatismes : violence émotionnelle, physique ou sexuelle; accidents; pertes de propriétés ou d’êtres chers, etc.; mutilations; migrations; pauvreté; torture mentale, physique et sexuelle; violence sous différentes formes ou guerre.
Le traumatisme est donc la condition physique, cognitive, comportementale et émotionnelle d’une personne à la suite d’un stress extrême pouvant être causé par de multiples facteurs.
Les effets des traumatismes
Les effets des traumatismes et de la torture varient beaucoup. Il n’y a pas de lien direct entre la forme de traumatisme vécue par une personne et les symptômes consécutifs à l’événement. Pour déterminer la cause du symptôme, il faut travailler de façon individualisée avec la personne survivante. Aussi, le traumatisme a une dimension subjective. L’expérience qui peut être traumatique pour une personne peut ne pas avoir le même effet sur une autre personne. Par contre, certaines expériences et certains symptômes du traumatisme peuvent cependant être définis de façon objective.
Il est important de noter que plusieurs des symptômes documentés de survivants ont été identifiés en utilisant des outils élaborés en occident[1] et qui ne sont souvent pas sensibles à la différence de culture. Il peut donc en résulter des résultats erronés. Aussi, nos instruments occidentaux d’identification des symptômes diffèrent souvent de ceux d’autres cultures, ce qui rend plus difficile la tâche d’identifier le problème traumatique.
Cela étant dit, de nombreux symptômes et problèmes ont été notés chez les réfugiés et sont associés à un syndrome général de stress post-traumatique. On peut noter par exemple : le fait d’éviter des activités, des conversations, des lieux, et pensées associés au traumatisme; une amnésie de certains aspects du traumatisme; le détachement ou l’isolement; la perte d’espoir ou d’intérêt pour l’avenir; des problèmes de concentration; l’irritabilité; les troubles de sommeil; l’abus d’alcool ou de drogues; les problèmes d’anxiété, de paniques subites ou de phobie; la dépression; les problèmes liés à la sexualité; les problèmes spirituels et existentiels jusqu’aux symptômes neurologiques.
Les objectifs du projet « ACCÈS » et la méthodologie de recherche
Le Centre de santé communautaire de Hamilton/Niagara (CSCH) a pour mission « d’offrir des services de qualité à la collectivité francophone, lesquels contribuent à la prise en charge et aux mieux-être des individus, des familles et des groupes, surtout les plus en besoins ». En 2004, le Centre de Santé a voulu améliorer les services destinés à une clientèle toujours grandissante issue des communautés francophones immigrantes et réfugiées. Provenant de pays traversés par des troubles politiques et sociaux, cette population immigrante présente un défi pour le Centre, dans la mesure où une partie importante de ses membres souffre des conséquences de différentes formes de traumatismes vécus avant et pendant le parcours d’immigration au Canada.
À cet effet, le Centre de santé a décidé de lancer un projet de recherche comportant plusieurs objectifs :
identifier les meilleures pratiques pour servir les personnes immigrantes et réfugiées francophones ayant été victimes de guerre, de torture et de violence organisée;
développer un manuel de formation à l’intention des inter-venantes et intervenants travaillant auprès de cette clientèle;
développer une vidéo pédagogique dans le même but;
offrir une série d’activités de formation visant à mieux outiller les intervenantes et intervenants dans leur travail auprès de cette clientèle.
La méthodologie générale
Pour répondre à ce mandat :
Nous avons mené une revue de littérature exhaustive sur le traumatisme et sur les modes d’intervention dans ce domaine. Cette revue de littérature a permis de consulter plus d’une centaine de documents sur les différentes formes de traumatisme ainsi que sur diverses méthodes d’intervention utilisées en Amérique du Nord et dans certaines régions d’Afrique. Elle a aussi permis d’identifier différentes organisations qui interviennent dans ce secteur. Par contre, nous avons constaté la pauvreté de l’information au Canada entourant les modes d’intervention utilisés en Afrique.
Nous avons aussi interviewé 60 personnes dont 20 personnes survivantes, 25 intervenantes et intervenants en soins primaires et services sociaux représentant des agences offrant de près ou de loin des services aux personnes immigrantes ou réfugiées et 15 spécialistes (experts et expertes reconnues) oeuvrant dans le domaine de l’immigration, du traumatisme ou qui font de la recherche dans le domaine des relations interculturelles.
Les personnes survivantes ont été choisies parmi les clients du CSCH nouvellement arrivés au Canada (moins de cinq ans) et qui préfèrent avoir des services en français. Sur l’échantillon des personnes survivantes interviewées, 60 % étaient des femmes. Par contre, les intervenantes et intervenants interviewés provenaient des agences sociales de la région de Hamilton-Welland qui offrent des services aux francophones. Employées pour la plupart (56 %) par le CSCH, ces personnes étaient aussi bien des travailleurs de terrain (frontline), des administrateurs, des travailleurs sociaux que des médecins.
Nous avons utilisé une approche de recherche participative par action. Durant le processus de recherche, nous avons organisé plusieurs journées de formation qui ont permis aux intervenantes et aux intervenants de se familiariser avec les concepts et les pratiques d’intervention auprès des personnes victimes de traumatisme. Deux forums communautaires ont permis de discuter des résultats de la recherche et d’encourager le partage d’information et le réseautage entre les intervenants canadiens.
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Les cinq journées de formation ont porté sur :
la diversité culturelle;
l’intervention auprès des personnes victimes des trau--matisme;
les méthodes d’intervention auprès des personnes victimes de torture sexuelle;
les mutilations génitales;
une présentation de modèles d’intervention dans cinq agences canadiennes.
Le contenu de ces journées de formation n’est pas inclus dans ce travail, car nous avons préféré mettre l’accent sur la transformation du contexte d’intervention auprès d’une clientèle victime de traumatisme. Nous proposons donc une présentation sommaire des pratiques en cours, à partir des données recueillies.
Dans le cadre de cette recherche, nous avons aussi produit une vidéo didactique qui discute, à travers le regard de quelques experts, des questions importantes et des défis qui se posent aux intervenants. Cette vidéo et le rapport complet sont disponibles auprès du CSCH.
Les résultats de la recherche auprès des survivants et des survivantes
Dans le cadre de cette recherche sur les meilleures pratiques, nous avons cherché à impliquer dans le processus des personnes survivantes en postulant qu’une connaissance de leurs expériences demeure essentielle pour comprendre leurs problèmes. Nous avons interviewé 20 personnes (dont 3 avec le double statut de victimes et de personnes intervenantes). Nous avons ensuite organisé un forum communautaire visant à valider les résultats des entrevues.
Le profil des participants et des participantes à la recherche
Les personnes interviewées appartenaient essentiellement à la clientèle du Centre de santé de Hamilton et Niagara. 20 % d’entre elles étaient demandeuses du statut de réfugié en attente de leurs auditions. Leur âge variait de 20 et 69 ans, la majorité étant âgée de 30 à 49 ans. À l’intérieur de l’échantillon, on compte 28 % de familles monoparentales. 25 % des personnes interviewées en étaient à leur deuxième migration (en provenance du Québec). Mais, toutes ont été victimes de guerre, de torture ou d’une certaine forme de violence organisée et sont au Canada depuis moins de cinq ans. Sur les 20 personnes interviewées, la majorité provient d’Afrique francophone et quelques-uns du Moyen-Orient.
Toutes ces personnes ont subi différents degrés d’actes traumatisants avant leur arrivée au Canada. Les effets de ces actes varient d’une personne à l’autre et ne sont pas toujours diagnostiqués. Plus de femmes que d’hommes sont célibataires et plusieurs des participants vivent avec leurs enfants. Souvent, les parents sont séparés de leurs enfants, car dans la plupart des cas tous les membres de la famille n’arrivent pas ensemble. L’époux ou l’épouse peut arriver en premier avec certains enfants, alors que l’autre parent est encore dans un autre pays. Ces séparations peuvent être longues et rendre encore plus difficile et stressant le processus d’immigration.
Le résultat des entrevues
Les entrevues nous ont permis de déterminer les types de situations sociales traumatisantes auxquelles ces personnes ont été exposées, les défis liés à leur intégration au Canada, les besoins en termes de services et de soutien ainsi que les solutions qu’ils entrevoient à leurs problèmes.
a. L’expériences de guerre, de torture et de violence organisée
Les expériences de violence qu’ont subies les participants varient, mais sont toutes liées à des causes pouvant conduire à des traumatismes. Causées soit par des situations culturelles et sociales soit par des situations de guerre, ces violences incluent l’emprisonnement, les tortures par des militaires ou personnes armées, les viols et le harcèlement, la mort d’un proche, des violences ayant laissé des séquelles (handicap physique) ou un séjour dans des camps de réfugiés. Quant aux causes culturelles et sociales, il s’agit d’excision chez les femmes, de mariage forcé, de précarité liée à la pauvreté ou à l’exclusion sociale ainsi que de dépression.
b. Les défis liés à l’intégration
Les participants à la recherche estiment être confrontés à plusieurs défis quant à leur intégration au Canada. La majorité estime ne pas avoir eu de problèmes pour rentrer au Canada et a bénéficié de relations familiales ou de l’appui d’amis. Par contre, plus de 65 % des participants sont en attente d’un statut de réfugié ou de résident permanent. Donc, ils sont dans une situation précaire conduisant à un niveau élevé de stress et d’insécurité, surtout sur le plan financier. Cette situation contribue aussi à l’augmentation des problèmes que vivent ces personnes.
c. Les difficultés liées à l’intégration
Les survivants ont identifié les nombreux obstacles à leur intégration dans la société d’accueil, notamment :
L’apprentissage de la langue anglaise;
Le manque de motivation lié au manque d’emploi;
Les maladies physiques ou mentales empêchant les activités courantes;
L’isolement et le manque de soutien (gardienne pour les enfants);
Le manque d’encadrement et d’information, notamment quant aux services de formation.
d. Les difficultés sociales
Les personnes survivantes ont aussi identifié plusieurs difficultés sociales rencontrées dans leur vie quotidienne.
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L’emploi :
L’accès à l’emploi reste le problème fondamental.
La non-reconnaissance des acquis professionnels et techniques.
L’exigence d’une expérience canadienne d’emploi.
La frustration après plusieurs années de bénévolat sans aboutir à un travail.
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Le logement :
La difficulté pour trouver le premier logement.
La discrimination qui rend difficile l’accès à un logement décent.
Les problèmes de communication (langue) entre propriétaires et locataires.
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L’accès à l’éducation :
La difficulté d’accès à l’éducation lorsque la question du statut n’est pas réglée, ce qui peut prendre de 2 à 3 ans.
La non-reconnaissance des diplômes obtenus dans le pays d’origine.
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La santé :
La plupart des répondants reçoivent des soins appropriés, mais certains se disent confrontés aux coûts exorbitants des médicaments.
Les difficultés d’obtenir les soins dans la langue de leur choix, dans ce cas-ci le français.
En général, notre recherche conclut que la santé mentale et physique de ces personnes est particulièrement touchée par les expériences passées.
Cette recherche a ainsi permis de découvrir que ces nouveaux immigrants sont souvent victimes d’une discrimination systémique. Il est difficile pour ces personnes de trouver un logement ou du travail avec leur accent étranger à l’oreille canadienne, même si leur français est excellent. Certains décident de s’établir au sein de leurs propres communautés et peuvent ainsi s’aider mutuellement (ghettoïsation). Cela fait partie des mécanismes de survie, car ces personnes peuvent ainsi vivre dans un environnement où elles peuvent parfois éviter le racisme et le harcèlement.
e. Les facteurs facilitant l’intégration
Nous avons demandé aux survivants d’identifier les facteurs ayant pu ou pouvant faciliter leur adaptation dans leur communauté d’accueil, malgré les difficultés mentionnées plus haut. Parmi les services que ces personnes désirent recevoir, les plus importants sont :
Un bureau d’accueil pour s’occuper des nouveaux arrivants de manière suivie et intégrée (guichet unique);
L’accès à des services en français à toutes les étapes de l’intégration;
Un service de recherche d’emploi et de logement;
La promotion de la formation et de l’expérience des nouveaux arrivants;
Les occasions de faire connaître à travers des discussions, théâtre, journaux, etc. l’expérience des nouveaux arrivants;
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Et surtout, la possibilité de vivre leur foi ou leur spiritualité.
Cette recherche nous a permis d’établir les constats suivants :
Les personnes survivantes sont confrontées à leur arrivée à plusieurs problèmes ayant un impact sur leur intégration et leur adaptation;
Elles sont tout d’abord préoccupées par les besoins primaires (logement, travail, école pour les enfants, etc.) et non par les questions liées à une expérience traumatique qu’elles ont pu vivre;
Beaucoup d’entre elles trouvent le processus d’immigration traumatisant en lui-même. L’incertitude quant à leur avenir, le manque d’information sur les procédures en cours et sur la situation de leur famille restée au pays, le racisme et l’exclusion aggravent le traumatisme;
La spiritualité joue un rôle important dans les stratégies de survie aussi bien dans le pays d’origine qu’après leur arrivée au Canada.
Ces constats rejoignent le résultat d’autres études, comme le montre le schéma suivant :
La recherche auprès des intervenantes et des intervenants
Dans le cadre de ce projet de recherche, nous avons également interviewé 25 intervenantes et intervenants travaillant avec les personnes immigrantes francophones survivantes de guerre et de torture. Ces intervenantes et intervenants proviennent de divers services sociaux et de santé basés à Hamilton et à Welland.
Le profil des participants et des participantes à cette recherche
Les intervenants ayant participé à cette partie de la recherche ont été choisis selon plusieurs critères. Il s’agissait de personnes employées par le Centre de santé communautaire de Hamilton et de Welland et des agences sociales et de soins primaires travaillant en partenariat avec le Centre de santé. Ces agences offrent donc directement ou indirectement des services aux immigrants et réfugiés francophones. Sur les 25 personnes interviewées, 51 % étaient des femmes; six participants étaient Européens, un Afro-Européen et six Canado-Africains.
Les personnes interviewées occupaient des postes variés au sein de leurs agences : gestionnaires, cliniciens, travailleurs communautaires, médecins, infirmières, infirmières praticiennes, conseillers, éducateurs publics et agents de développement communautaire. Ces personnes accumulaient une expérience professionnelle moyenne de 13 ans dans le domaine de la santé et des services sociaux, avec des expériences variant de 11 mois à 36 ans.
La préparation des intervenants et des intervenantes visant à desservir une clientèle survivante de guerre, de torture et de violence organisée
Sur le plan de la formation, les intervenants que nous avons interviewés avaient pour la grande majorité reçu une formation générale sur les soins de santé primaires et services sociaux (Ph. D., Maîtrise, Baccalauréat, Sciences, et autres formations plus spécialisées). Malgré les domaines de formation très variés, plusieurs des personnes rencontrées estiment ne pas avoir reçu de formation particulière, relative à l’aide aux personnes victimes de traumatisme.
Seulement 25 % des participants affirment avoir reçu des formations pratiques sur l’aide aux personnes victimes de traumatisme à travers des programmes spécialisés. Ceux et celles ayant participé à ces activités de formation estiment qu’elles étaient insuffisantes ou que la formation ne portait pas spécifiquement sur une clientèle immigrante. Ces intervenants disent que leur formation ne leur permet pas de travailler de manière adéquate avec les personnes victimes de traumatisme provenant des communautés culturelles.
L’inadéquation de la formation face à la clientèle
Pus de 75 % de ces intervenants estiment n’avoir jamais eu de formation sur le traumatisme ou sur une population immigrante ayant un vécu de violence ou de torture. Tous estiment qu’il serait important d’avoir accès à de la formation dans ce domaine. Les besoins exprimés sur le sujet sont variés. Ils auraient surtout besoin de mieux connaître les pays d’origine de cette clientèle, comprendre ce qui s’est passé dans ces pays, avoir de l’information régulière sur la situation politique qui y règne, en connaître les pratiques, les croyances culturelles et religieuses.
Les intervenants avouent avoir peur d’aborder la question du traumatisme lors de leur intervention, car ils estiment ne pas toujours être en mesure de maîtriser les moyens et méthodes utilisés dans ce domaine. Ils expriment le sentiment de ne pas avoir les moyens de faire face aux besoins de cette population. Par contre, beaucoup s’intéressent à l’intervention thérapeutique et aimeraient suivre des formations en profondeur, et savoir ce qui se fait dans la communauté anglophone, notamment l’utilisation du Eye Movement Desentization Reprocessing (EMDR) ainsi que d’autres techniques spécifiques.
Les défis et barrières rencontrés par les intervenants lors du travail avec cette clientèle
Les intervenants reconnaissent qu’ils sont confrontés à une multitude de défis qui rendent très difficile leur travail auprès de cette clientèle. Parmi ces difficultés, le problème de communication prend différentes formes, allant de l’incompréhension au manque de confiance.
a. La communication
Parmi les défis pour desservir cette clientèle, la communication a été identifiée par les intervenants interrogés comme étant le problème le plus important. Ils estiment que le manque d’information et de compréhension rend difficiles le diagnostic et le traitement. D’aucuns estiment qu’il est souvent difficile de savoir si quelqu’un a été torturé ou non. D’autres disent qu’il est difficile de servir des clients provenant de pays dont ils ne connaissent pas les pratiques culturelles. Ils affirment aussi que les outils d’intervention existants sont culturellement inadaptés à la clientèle.
b. La langue et le langage
La langue est identifiée comme un des obstacles majeurs dans l’offre de service ou de services efficaces. Les personnes survivantes préfèrent recevoir les services en français, mais les agences n’ont pas toujours des ressources en français ou n’ont pas toujours accès à des experts francophones dans le domaine spécifique du traumatisme. Dans certains cas par exemple, ce sont les enfants qui jouent le rôle d’interprète, et ce changement de rôle a un impact important sur la dynamique familiale.
Sur le plan du langage, ils remarquent que les survivants ont de la difficulté à faire le lien entre les problèmes traumatiques et les questions de santé mentale. Plusieurs intervenants pensent qu’il faut simplifier le langage utilisé avec les clients en évitant des termes trop techniques ou à connotation pathologique.
c. Le manque de confiance
Un autre défi rencontré dans le travail est lié à la difficulté d’établir un lien de confiance avec la personne immigrante ou réfugiée. Le processus d’immigration tend à fragiliser le survivant. La vie dans un camp de réfugiés, les expériences de violence ou d’insécurité, ou encore l’attente interminable avant d’obtenir un statut définitif au Canada contribuent toutes à créer un stress chez le survivant et rendent parfois difficiles ses relations avec les autres. À cause de leur vécu, certains d’entre eux ne font pas confiance aux institutions censées les aider. Une bonne dose de suspicion existe donc de chaque côté. Les intervenants ont conscience d’un choc ou d’une friction de nature culturelle, tant chez les clients que chez la personne responsable de l’intervention. Ce choc et ces frictions sont liés à la perception de traitement préférentiel ou de manipulation. Certains intervenants se sentent parfois manipulés par la clientèle alors que d’autres estiment demeurer sceptiques devant les histoires que les nouveaux immigrants leur racontent.
d. Le manque de connaissance du système canadien par la clientèle
Les intervenants identifient comme un autre défi important la difficulté des survivants de naviguer dans le système de santé et des services sociaux canadiens. Chez la clientèle, il y a un manque de connaissance du fonctionnement du système médical canadien, lequel manque de connaissance se manifeste dans le niveau élevé d’absence ou de retard aux sessions, ce qui pose régulièrement problème.
e. L’incompréhension culturelle
Un autre défi de taille provient de l’incompréhension sur le plan culturel entre le monde de l’intervention et celui de la clientèle. De nombreux tabous liés à la peur, aux stéréotypes et à l’incompréhension peuvent causer des difficultés d’ordre culturel. Par exemple, la perception chez une bonne partie de la clientèle que la santé mentale est synonyme de folie rend l’intervention plus difficile. Il faut souvent beaucoup de temps pour aider la personne à se familiariser avec l’idée de thérapie individuelle, approche très peu utilisée dans les pays d’origine des immigrants. Il peut aussi exister un manque de sympathie culturelle de la part de l’intervenant.
Les facteurs pouvant contribuer à une aggravation du traumatisme
Les intervenants que nous avons interviewés ont identifié certains facteurs et comportements pouvant avoir des effets aggravants sur le traumatisme subi par le client. Notamment :
Le déni de l’existence d’un traumatisme : Dans plusieurs cas, la personne survivante ne reconnaît pas ou refuse de reconnaître l’existence d’un événement traumatique, et ses liens avec une situation/problème et un besoin d’aide spécialisée;
Le processus d’attente du statut de réfugié, avec toute l’incertitude qui l’accompagne, met souvent la clientèle en situation de victime et contribue à la fragiliser;
La possibilité pour les intervenants de sous-estimer les problèmes que traversent les personnes survivantes. Cette situation souvent fréquente est liée à la difficulté pour les intervenants de croire aux histoires racontées par la personne, d’où la difficulté d’établir un diagnostic de traumatisme;
Les facteurs s’ajoutant au traumatisme initial. Avec l’augmentation des cas de viols et de violence sexuelle dans les zones de guerre, plusieurs des personnes survivantes, en plus de problèmes post-traumatiques, peuvent être infectées par le VIH. Cela rend l’intervention plus délicate et difficile, les survivants pouvant présenter une multitude de problèmes (minorité linguistique, raciale, VIH et attente de statut);
Les tensions communautaires. Il existe aussi des tensions politiques et des affrontements entre les différentes communautés immigrantes et groupes ethniques qui rendent l’intervention plus difficile. Il y a aussi le fossé intergénérationnel qui est de plus en plus important au sein de certaines familles.
La spiritualité et l’intervention
Est-il important d’inclure la spiritualité dans l’intervention? Cette question reste controversée chez les intervenants canadiens. Alors que les écoles de travail social recommandent de ne pas inclure la foi ou la religion dans la thérapie, certains intervenants pensent que c’est un aspect important de l’intervention. Les animateurs communautaires et sociaux reconnaissent le besoin d’inclure la spiritualité dans les discussions sur la diversité. Ils se sentent à l’aise d’aborder cette question dans leurs interventions. Cependant, les travailleuses sociales ou travailleurs sociaux, les médecins et les infirmières préfèrent ne pas aborder cette question dans leur travail.
Pour certains intervenants, il est important de parler avec les personnes sur le plus grand nombre de sujets possible et, si c’est utile, de connaître leurs croyances religieuses. Ils pensent qu’il ne faut pas hésiter à poser des questions au client pour évaluer son niveau de confort. Il est important de faire de façon informelle un génogramme spirituel pour aider à mieux connaître la personne. Il faut pouvoir demander si la personne entretient des croyances et des pratiques religieuses qu’il faut connaître pour mieux l’aider.
Pour beaucoup d’Africains, la religion est un facteur important dans leur capacité de survivre à un traumatisme. Les intervenants doivent au moins être informés sur le rôle de la spiritualité dans la vie de ces personnes. Certaines agences vont plus loin et permettent à leurs clients d’avoir accès à un lieu de prière ou de recueillement. L’utilisation de la spiritualité dans l’intervention se fait de plusieurs façons :
La réflexivité — Il est important à travers ce processus de faire face à ses propres insuffisances en tant que personne intervenante. Il faut connaître ses limites, ses partis-pris et son lien avec la spiritualité;
Les moyens pour faire face au traumatisme — Beaucoup de personnes survivantes tirent leur force de la spiritualité. C’est le mécanisme qui leur permet de faire face aux difficultés qu’elles éprouvent. Si c’est le cas, il faut les encourager à utiliser la spiritualité comme moyen d’alléger certains troubles. Pour certains peuples africains par exemple, ce lien avec l’église ou la mosquée est très important;
Le renforcement de la personne — La spiritualité peut aider la personne à avoir la force nécessaire pour faire face à ses problèmes. Plusieurs ont d’ailleurs tendance à raconter comment la spiritualité les a conduits là où ils sont aujourd’hui. Plusieurs pensent que c’est Dieu qui va les aider à passer à travers les difficultés.
Les relations entre les Franco-Ontariens et les nouveaux immigrants francophones
Entre les membres de la communauté franco-ontarienne et les immigrants francophones vivant en Ontario il existe des tensions et des barrières. Des différences sur le plan culturel rendent la communication difficile entre eux, bien qu’ils soient francophones. L’accès à des services en français est essentiel pour les survivants francophones. Lorsqu’ils trouvent un endroit offrant des services en français, ils s’y accrochent; ils peuvent entrer en contact avec d’autres personnes et surtout avoir accès à des services dans leur langue. Mais, des tensions entre les deux communautés se manifestent de diverses façons :
Tensions et perceptions liées à la rareté de l’offre de service — Plusieurs personnes interviewées, aussi bien chez les intervenants que chez les nouveaux arrivants, reconnaissent qu’il y a des tensions reliées au fait que certains se demandent pourquoi on offre des services spéciaux aux communautés culturelles. Elles contestent le fait que ces communautés aient des privilèges avant, ou au-dessus, d’autres groupes tout aussi victimes de discrimination;
Affrontements sur le plan des perceptions culturelles — Les défis culturels sont importants, entourant par exemple la ponctualité aux rendez-vous.
Cependant, malgré les tensions perceptibles, les milieux de travail comportant des équipes multidisciplinaires et des personnes de différentes origines culturelles ou raciales permettent d’atténuer progressivement les différences et d’entrevoir une meilleure harmonie.
Le traumatisme par empathie : prendre soin de soi-même
Le traumatisme par empathie est la transformation de l’expérience psychique du thérapeute ou de l’aidant comme suite à son engagement empathique avec le client survivant et avec son histoire traumatique. Plus simplement, lorsqu’on ouvre son coeur à l’histoire dévastatrice ou à l’histoire de trahison d’autrui, nos croyances, si chères, sont remises en question et cela nous transforme en profondeur. Les intervenants doivent porter attention à leur propre santé mentale.
Le traumatisme par empathie (TE) chez des intervenants et des intervenantes a été étudié et documenté de façon exhaustive. Le tableau suivant n’est qu’un survol de ses effets et de ses symptômes. La littérature abonde à ce sujet. Par exemple, Transforming the Pain : A Workbook on Vicarious Traumatization : For Helping Professionals Who Work With traumatized Clients, (Schachter, Stalker & Teram 2001) et The Guidebook on Vicarious Trauma: Recommended Solutions for Anti-Violence Workers (Richardson 2001) sont deux excellents manuels à propos du traumatisme par empathie et des moyens à adopter pour le prévenir.
Les meilleures pratiques d’intervention
La recherche sur les meilleures pratiques (best practices) permet aujourd’hui aux organisations d’identifier des approches nouvelles et efficaces pour dispenser des services. Cependant, le concept même de meilleures pratiques mérite qu’on s’y attarde un peu, car dans le domaine du travail avec les personnes survivantes de guerre et de torture, il faut établir une distinction quant au type d’intervention. En effet, l’intervention peut se faire sur le plan individuel psychothérapie) ou encore, à travers une offre de service par des programmes s’adressant à des groupes.
Bien qu’il soit possible de définir une forme de meilleure pratique pour ce qui est des rogrammes et de l’intervention, notre recherche indique qu’il n’est pas souhaitable de s’appuyer uniquement sur une pratique lorsqu’on travaille avec les membres des communautés culturelles survivants de guerre, de torture et de violence organisée. Notre équipe de recherche considère qu’il est souhaitable d’utiliser des modèles d’intervention combinant un ensemble d’éléments provenant des pratiques inventoriées. Cette position a été confirmée par toutes les personnes expertes que nous avons interviewées et elle explique également la grande différence entre les programmes offerts par les différents organismes que nous avons étudiés. Donc, il n’existe pas de moyen ou de méthode uniques pour intervenir auprès des personnes ayant survécu à la guerre, à la torture et à la violence organisée.
Dans une telle perspective, on constate que plusieurs organismes ont mis sur pied des stratégies et des approches très différentes, mais efficaces, pour desservir cette clientèle. Parmi ces stratégies et approches, plusieurs sont reconnues par les praticiens et la littérature comme étant efficaces, par exemple, le programme d’accompagnement (Befriending Program) utilisé par le Centre canadien de victimes de tortures de Toronto, l’approche écologique utilisée par le Children Mental Health Outreach Program d’Ottawa, ou encore, le système d’appui en réseau mis en place par le Réseau d’intervention auprès des personnes ayant subi la violence organisée (RIVO) de Montréal.
L’inventaire des projets d’intervention pour les survivants et survivantes
Au Canada, de plus en plus de programmes ont été implantés pour aider les personnes victimes de traumatisme, mais très peu d’organisations ont pour mission première de desservir les survivants de guerre, de torture et de violence organisée. Nous en avons recensé une dizaine. Plusieurs autres ont des mandats plus larges, seule une partie de leurs services étant destinée à ces personnes. Cependant, toutes les organisations recensées offrent au moins un programme destiné aux survivants de guerre, de torture et de violence organisée, même si l’ensemble de leur clientèle n’est pas majoritairement d’origine immigrante ou réfugiée. Ces organisations sont généralement implantées dans les grands centres urbains tels Toronto, Montréal, Vancouver et Ottawa.
Les limites des projets d’intervention auprès des clientèles survivantes
Sur la dizaine de projets évalués, on note une faiblesse quant à l’évaluation empirique des méthodes utilisées dans le cadre des services offerts. Aucune recherche ne vise à évaluer les effets des projets sur leurs clientèles. Par manque de moyens, les personnes et organismes s’intéressant à la recherche ne réalisent pas d’études d’impact sur leurs propres clientèles.
On remarque aussi une grande variété dans les éléments (services) composant chacun des programmes : certains projets offrent une multitude de services dans des domaines très variés (soutien médical, social, financier, etc.) alors que d’autres ont des programmes limités. Cependant, l’évaluation est quasi inexistante; aucun des projets n’a pu fournir des résultats sur l’impact de leurs programmes auprès des clientèles visées.
Les pratiques africaines et nord-américaines de soulagement de la souffrance des survivants et des survivantes de guerre, de torture et de violence organisée
Pour de nombreux survivants, les pratiques habituellement appliquées en Afrique sont celles qui leur sont les plus utiles, alors que pour d’autres, celles normalement appliquées en Amérique du Nord les aideront davantage.
En Afrique, les méthodes utilisées pour aider les personnes atteintes de traumatisme sont en général conduites à travers des actions communautaires. Utilisées dans presque tous les pays, ces approches traditionnelles s’organisent autour d’activités de groupe ou à l’occasion d’événements spéciaux. Certains programmes nationaux ont aussi vu le jour ces dernières années en Afrique du Sud et au Rwanda pour faire face aux traumatismes vécus par certaines communautés.
a. La guérison par la communauté
Par ailleurs, des programmes de plus en plus reconnus sont mis en place dans certains pays africains pour favoriser une guérison individuelle et collective (Collective Healing) de certains crimes collectifs (apartheid ou génocide, entre autres exemples).
Le modèle de la Commission pour la vérité et la réconciliation (Truth and Reconciliation Commission — TRC), qui provient de l’Afrique du Sud, a été adopté et adapté par d’autres pays dans l’espoir de guérir des conflits ethniques. Malgré les adaptations et transformations, le modèle s’articule autour de deux mêmes principes fondamentaux :
La confession ouverte de tous les actes commis contre autrui et la présentation des excuses et des regrets quant à ces actions;
La réconciliation, ce qui signifie que la victime et l’agresseur ne perçoivent pas l’avenir comme étant défini par le passé, mais plutôt par sa continuité. Cela signifie aussi qu’ils en viennent à s’accepter mutuellement et à voir leur humanité respective ainsi que la possibilité d’une relation constructive.
b. Les rituels communautaires de purification et de nettoyage
Bien qu’il n’existe qu’un nombre limité de recherches sur les pratiques spirituelles utilisées pour guérir les communautés après un conflit ethnique, l’information disponible suggère que les rituels de purification aident à renforcer les accords de paix et à restaurer le tissu communautaire en favorisant le processus de guérison des familles et des individus (Levene 2001; Chauvin, Mugaju & Comlavi 1998).
Il semble qu’une forte participation de la communauté et des guérisseurs traditionnels soit essentielle pour que ces rituels s’avèrent utiles. Les membres de la communauté sont témoins du rituel et participent à la musique, à la danse et aux prières. Les rituels de purification incluent généralement un récit narratif de la raison du rituel.
Les rituels de purification (par exemple, celui d’une femme agressée sexuellement) diffèrent généralement des rituels de purification par la narration qui consiste plutôt en une série d’histoires racontant les événements survenus dans la communauté au moment où la victime a été atteinte. Toutefois, on ne s’attend pas à ce que la victime parle de ses traumatismes. L’eau est utilisée pour purifier symboliquement la victime. Les membres de la communauté soutiennent la victime et l’encouragent à reconnaître que le coupable, et non la victime elle-même, est responsable du crime. Toutefois, on rappelle à la victime qu’il est de sa responsabilité de guérir, afin de ne pas infliger cette violence aux autres.
Participer à ces rituels permet de reconnaître de façon implicite ou explicite les torts ayant été commis, encourage le contact avec le monde spirituel (à qui il est demandé soit de pardonner au coupable soit de le tenir responsable de ses actes) et favorise la réinsertion du coupable ou de la victime dans la communauté.
c. Les psychothérapies
Peu d’information est disponible sur les types de psychothérapies offertes en Afrique aux individus, aux enfants et aux familles pendant les périodes de guerre, qu’ils soient dans leur pays d’origine ou dans des camps de réfugiés.
Les approches telles que la musique, les arts, l’approche cognitivo-comportementale, le théâtre, la méditation, le jeu, la prière et les thérapies par médication se concentrent sur le renforcement et la validation des habiletés, des forces ou des talents de l’enfant ou du jeune. Ce sont là les formes principales de psychothérapies pouvant être utilisées pour des jeunes ou des enfants. Les thérapies d’approche cognitivo-comportementale ont prouvé leur efficacité à réduire les symptômes du stress post-traumatique.
Pour les populations africaines, les thérapies de groupes se sont révélées plus efficaces pour briser l’isolement et améliorer la débrouillardise et les aptitudes à résoudre des problèmes. Tout comme pour les enfants, les thérapies de groupes sont recommandées pour les adultes. Ces thérapies réduisent l’isolement, renforcent les ressources et le soutien de l’individu et demeurent une façon économique de répondre aux besoins d’un grand nombre de personnes.
Guérir des traumatismes en Amérique du Nord : les approches principales
Bien que cette section expose des types d’interventions largement utilisés en Amérique du Nord, cela ne signifie pas que ces interventions soient les meilleures pour les survivants d’origine africaine. Cela signifie seulement qu’elles sont celles que les Occidentaux perçoivent comme étant les plus efficaces avec les personnes ayant subi un traumatisme dans un contexte nord-américain (viol, feu, perte d’un proche à la suite d’un accident, vol, etc.) Plusieurs de ces types d’interventions ont été conçus et appliqués par des professionnels occidentaux. Toutefois, on peut toujours se demander si ces pratiques sont les meilleures pour les survivants africains vivants en Amérique du Nord. Par conséquent, il est recommandé de se tenir au courant et d’être capables d’appliquer les types d’interventions dont l’efficacité a été prouvée dans les deux cultures. Il faut alors baser le choix d’intervention sur les besoins du survivant et non sur le contexte culturel dans lequel ils se retrouvent.
a. La psychothérapie
La psychothérapie devrait être culturellement sensible aux besoins du client, quelle que soit la culture dans laquelle elle est appliquée. Bien que cette section présente des psychothérapies ayant été appliquées à des survivants établis en Amérique du Nord, les interventions ayant été jugées efficaces sont une précieuse source d’information pour quiconque souhaiterait adapter les psychothérapies nord-américaines à des clientèles d’origine africaine.
Plusieurs psychothérapies ont été utilisées avec les survivants de traumatisme en Amérique du Nord; toutefois, toutes les psychothérapies devraient être structurées selon les trois étapes du rétablissement de Herman (1992) : 1) Établir la sécurité; 2) Se souvenir et s’ouvrir; 3) Se reconnecter. De façon plus pratique, des actes concrets doivent être posés, lors de la rencontre avec la personne survivante, notamment :
Éviter de faire attendre la personne, l’attente pouvant avoir été utilisée durant l’expérience de torture;
Afin de diminuer l’anxiété, expliquer qui vous êtes, quel est votre rôle et comment l’entrevue et l’examen vont se dérouler. Il est important de diminuer les éléments de surprise, particulièrement lors de certains examens ou traitements;
Demeurer conscient que pour certains survivants il est difficile de se révéler à un étranger;
Éduquer le patient sur les symptômes présents et corriger les mauvaises perceptions;
Laisser les survivants choisir (par exemple, comment veulent-ils qu’on s’adresse à eux?), afin de leur donner un sentiment de contrôle;
Se rappeler que des signes d’anxiété, de panique, de stress ou de détresse peuvent indiquer qu’un aspect de l’environnement actuel déclenche une réminiscence traumatique.
Quel que soit le type de thérapie choisi, il est important pour le survivant d’arriver à exprimer certains de ses souvenirs, les émotions entourant ces souvenirs, de travailler avec ces souvenirs et de les transformer de sorte qu’ils deviennent une partie intégrante de son histoire de survie. Demander de décrire la vie avant les événements traumatisants ainsi que les processus d’immigration peut parfois amener une discussion sur les événements traumatisants eux-mêmes et aider à les intégrer dans les autres aspects de sa vie. Toutefois, il est très important de ne pas pousser la personne à parler de ses souvenirs avant qu’elle ne soit prête à le faire.
b. Les meilleures pratiques pour les professionnels du domaine médical
Des soins médicaux appropriés sont une nécessité commune à la plupart des personnes réfugiées. Certains peuvent en avoir besoin pour résoudre des problèmes de santé courants, d’autres peuvent y avoir recours lors du processus de demande d’asile politique, alors que d’autres, dont les médecins assurent les services en santé mentale dans leur pays d’origine, peuvent y recourir afin d’obtenir de l’aide dans le même domaine.
Les lignes directrices pour le travail avec des survivants
Contrairement aux gens ayant subi de la violence sexuelle dans leur enfance, les victimes de torture rapportent souvent l’implication de professionnels de la santé, l’utilisation d’instruments médicaux ou d’environnements médicaux lors de leur expérience de torture. Il en découle des réactions de peur extrême face à des professionnels de la santé ou en présence d’instruments ou d’environnements médicaux. Par conséquent, lors du travail, les procédures suivantes sont recommandées :
Offrir au client d’être accompagné par une personne de son choix lors de la consultation ou de l’examen. La présence d’un proche pouvant augmenter le sentiment de sécurité et de confiance;
Lorsque c’est possible, s’assurer que le nombre de professionnels de la santé n’excède pas le nombre des autres personnes présentes dans la pièce;
Lorsque c’est possible, rencontrer la personne dans un bureau ou une pièce à vocation non technique, plutôt que dans une salle d’examen médical (la seule vue d’instruments médicaux, tables de consultation, éclairage vif, écrans, etc. pouvant être des déclencheurs pour le survivant). Retirer tous les écrans de la pièce et s’assurer que la température y est confortable avant de la rencontrer;
Lorsque c’est possible, les procédures de diagnostic devraient être évitées à moins qu’il ne soit impossible d’obtenir autrement l’information désirée;
Lorsqu’un examen est nécessaire, s’assurer que la personne comprend l’objectif de l’examen, les procédures techniques, l’équipement qui sera utilisé et les effets secondaires attendus;
Lorsque l’examen requiert l’utilisation de tout instrument médical, expliquer de quelle façon l’instrument sera utilisé et demander à la personne son autorisation avant de l’approcher avec l’instrument.
Les lignes directrices entourant l’historique médical, les traitements et la réhabilitation.
Bien qu’il puisse être tentant de nier, d’ignorer ou de rejeter les craintes du survivant face au personnel médical, elles n’en sont pas moins réelles et légitimes. C’est un fait que dans de nombreux pays, des professionnels de la santé participent aux tortures.
Les médecins participant aux tortures peuvent, par exemple, examiner la victime et communiquer ses faiblesses aux bourreaux; la réanimer et la soigner pour permettre de nouvelles violences; falsifier des certificats de décès; n’exprimer aucune protestation, en dépit du serment d’Hippocrate ou de son équivalent. Pour cette raison, il est important que le professionnel de la santé explique la nature de son rôle et comment lui et la personne survivante vont travailler ensemble pour l’aider, cela pouvant aider à atténuer certaines de ses craintes. Toutefois, le professionnel doit tenir sa parole et demeurer sensible dans ses actions afin de démontrer que sa bonne volonté est réelle.
Il est possible que le professionnel rencontre de la résistance lorsqu’il essaie d’obtenir de l’information sur l’histoire médicale de la personne. Cette résistance peut indiquer l’une des trois choses suivantes :
La personne a peur de donner de l’information, parce qu’elle craint des représailles (les bourreaux menacent souvent de s’attaquer à la famille du survivant si ce dernier révèle son expérience de torture);
Elle a peur que ce nouveau professionnel de la santé ne l’agresse de la même façon;
La personne tente de protéger le professionnel des conséquences physiques ou psychologiques de ces informations.
Une connaissance précise du type de torture subie par le survivant, des symptômes dont il se plaint et des maladies ou blessures antérieures à la torture est généralement suffisante pour établir une priorité parmi les éléments sur lesquels on doit se concentrer lors de l’examen médical. Au besoin, prescrire des examens de laboratoire supplémentaires et des références spécialisées. De plus, travailler à partir de ses connaissances est la seule façon d’avoir un point de vue complet des problèmes du patient et d’éviter des tests diagnostics inutiles menant au traitement médical d’un problème de santé isolé, ce qui n’a pas de sens en dehors du contexte plus large de l’expérience de torture.
En plus des informations diagnostiques, l’expérience de torture de l’individu impose une vigilance spéciale au moment de le soumettre comme patient à des tests médicaux. Une fois le diagnostic établi, il faut planifier le programme de traitement. Plutôt qu’une admission à l’hôpital, il peut être préférable de s’occuper de lui sur une base de services externes. Le survivant de torture doit être considéré à travers une perspective holistique et, par conséquent, le traitement doit avoir une approche multidisciplinaire comprenant la thérapie physique, la thérapie psychologique et la thérapie sociale.
Les leçons à retenir
La plupart des outils thérapeutiques ont été conçus dans un contexte nord-américain et doivent donc être adaptés pour répondre aux besoins des personnes survivantes;
L’utilisation de rituels pour les gens qui n’ont pas eu la chance d’en faire dans leur pays d’origine pourrait être encouragée dans la société d’accueil;
Les personnes originaires de l’Afrique sont plus à l’aise avec des activités collectives pour faire face aux traumatismes;
Même si on voit de plus en plus d’interventions individuelles, il existe encore très peu de documentation sur l’utilisation de ces types d’approches en Afrique;
La notion de vérité et de réconciliation peut être très efficace pour les survivants. Il s’agit d’organiser une médiation entre la victime et son agresseur.
Les meilleures pratiques selon la littérature et les experts
Les entrevues avec les personnes expertes consultées ainsi que la revue de la littérature scientifique nous permettent de dégager des pratiques généralement acceptées comme étant efficaces à desservir les survivants de guerre, de torture et de violence organisée. Nous allons présenter ces pratiques sur le plan de l’intervention psychothérapique individuelle.
Les meilleures pratiques selon les personnes expertes consultées
Les experts se sont appuyés sur leurs expériences de travail ou de recherche pour identifier des pratiques importantes dans les programmes offerts à cette clientèle dans le contexte canadien. Les suggestions suivantes sont utilisées par certaines agences pour améliorer leurs programmes :
La notion d’empowerment est centrale pour le bien-être des survivants – il ne faut pas agir en jetant un regard qui transforme la situation actuelle du survivant ou son expérience passée en une pathologie psychologique ou sociale;
Le travail avec les survivants doit être reconnu comme s’inscrivant dans un contexte beaucoup plus large (globalisation, capitalisme, guerre, corruption). Donc, il faut en tenir compte et sensibiliser la société d’accueil et les intervenants à ces problématiques globales;
En matière d’inclusion sociale, il est souhaitable d’engager également un dialogue avec les employeurs des personnes survivantes et de leur offrir de la formation sur la spécificité de leurs réalités et de leurs besoins;
Les survivants doivent eux-mêmes faire partie des solutions mises de l’avant pour eux, par exemple, en s’intégrant à des comités consultatifs ou au conseil d’administration. Il importe que ces personnes deviennent les agents de leur propre destinée;
Les intervenants doivent varier leurs tâches et leur travail et ne pas uniquement travailler avec les survivants de la violence organisée;
Il faut que les praticiens en soins primaires et services sociaux ne négligent pas la dimension spirituelle et religieuse de la vie des personnes survivantes de violence organisée;
La Journée internationale des réfugiés (le 20 juin) est soulignée chaque année par la tenue de colloques, de symposiums, de causeries sur différents thèmes touchant les personnes survivantes.
Les experts et spécialistes ont retenu plusieurs facteurs impor-tants pour aider l’intervenant et l’intervenante à accomplir sa tâche. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte aussi bien du point de vue théorique que pratique. Il faut comprendre les effets reliés à chacun des concepts à la source de l’intervention : le concept de traumatisme, les défis liés à l’immigration, la question de la culture et du langage, l’historique du survivant ou de la survivante, la compréhension des relations de pouvoir dans le traitement, la relation devant s’établir dans les deux directions et surtout, l’importance de l’approche communautaire dans les interventions.
Conclusion
Cette recherche nous a permis de mesurer la responsabilité incombant aux services de santé au Canada de mettre en place des outils et des services appropriés pour faciliter une meilleure insertion des immigrants et réfugiés provenant de pays traversés par des violences politiques. Dans le cadre de sa politique d’insertion et d’établissement des nouveaux arrivants, il ressort que deux approches sont nécessaires. Tout d’abord, comme le démontre cette recherche, il faut s’assurer que les nouveaux arrivants sont en mesure de faire face à leurs besoins de base (logement, emploi, accès aux services, etc.), tout en les aidant à prendre conscience de l’impact que certaines situations ont pu avoir sur eux et les traumatismes que cela a pu poser.
Les services de santé, qui ont vu leur clientèle changer profondément ces dernières années, ont besoin de doter leurs employés des outils appropriés afin que ces derniers soient en mesure d’apporter à cette clientèle l’aide dont elle a besoin. Il serait inefficace de tenter de répondre aux besoins profonds des nouveaux immigrants en utilisant des approches qui ont montré leurs limites. Les immigrants francophones qui s’installent en Ontario sont doublement victimes de leur statut de minorité visible, du fait qu’ils ne maîtrisent pas l’anglais et surtout du fait de l’insuffisance des services en français. Cette situation engendre des difficultés supplémentaires dans le processus d’établissement et d’insertion de cette population.
Sur le plan des services, cette recherche démontre que, malgré les efforts mis en place par les agences et par certains intervenants, il est important que les programmes de santé mentale s’adressant à ces populations intègrent des programmes de nature communautaire et prennent en compte la dimension culturelle. Le succès des programmes d’intervention tient surtout à l’accroissement de la formation des intervenants à la nouvelle réalité de leur clientèle, au renforcement de la dimension culturelle dans cette formation et surtout, à l’accès à de nouveaux outils de diagnostic et d’intervention.
Enfin, les meilleures pratiques identifiées dans cette recherche montrent l’importance de diversifier les approches, pour mieux servir cette clientèle. L’approche psychothérapeutique doit être adaptée, donc holistique, pour avoir l’impact désiré.
Parties annexes
Note
-
[1]
Ces outils sont divers et sont utilisés par les intervenantes et intervenants nord-américains avec une clientèle qui est aujourd’hui très diversifiée. Parmi ces outils, on peut citer : The Posttraumatic Stress Diagnostic Scale; Clinician-Administered PTSD Scale; Impact of Events Scale; Dissociative Disorders Interviews Schedule (DDIS).
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