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Psychothérapie et spiritualité : de l’opposition au dialogue interactif[Notice]

  • Louis-Charles Lavoie

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  • Louis-Charles Lavoie
    Professeur, Département d’enseignement au préscolaire et au primaire, Université de Sherbrooke

La réflexion sur la place de la religion et de la spiritualité en psychothérapie a connu une évolution. À son étude, on est d’abord frappé par l’intérêt que les psychologues et les psychanalystes ont manifesté, dès le point de départ, pour les questions spirituelles et religieuses. En effet, à un moment ou à l’autre de leur carrière, la plupart d’entre eux ont publié une étude sur ces questions. On remarque aussi que ces études se sont avérées, en général, plus critiques envers la religion qu’envers la spiritualité. On constate enfin que la religion a été très rapidement exclue du champ de la psychothérapie, tandis que la spiritualité y a effectué une entrée progressive. Pour comprendre cette évolution, une définition de la religion et de la spiritualité s’impose. Le mot religion dérive du latin religio, terme provenant lui-même de religere, qui signifie relier. Dans son acception la plus simple, la religion est l’expression d’une relation entre un sujet (ou un groupe de sujets) et un être surnaturel. En Occident, cet être est communément désigné sous le nom de Dieu. Dans une acception plus élargie, la religion désigne l’ensemble des croyances, rites, symboles, sentiments ou comportements se rapportant à Dieu. Il appert que ce qui constitue le coeur de la religion est son objet, c’est-à-dire Dieu, les divinités, les êtres surnaturels, les forces transcendantes et tout ce qui peut être associé à ces puissances supérieures. À la lumière de cette définition, il est facile de comprendre l’opposition initiale des psychanalystes et des psychologues à la religion. La première objection a été d’ordre méthodologique, venant de chercheurs empiristes. Ils ne pouvaient prendre en considération des facteurs qui, dans l’enchaînement des faits et des causes, échappent à l’observation. En tant qu’objet qui échappe au monde sensible, Dieu, aussi bien que l’âme ou la grâce, ne pouvait pas faire l’objet d’une étude scientifique. Ce point de vue s’est cristallisé dans le principe d’exclusion méthodologique du transcendant énoncé par Flournoy au début du XXe siècle. La seconde objection relève davantage du jugement de valeur. Dans leur critique de la religion, des chercheurs ont dénoncé l’état de soumission et de culpabilisation dans lequel sont maintenus les croyants, le danger que fait peser le dogme religieux sur la pensée et les satisfactions infantiles que procurent certaines pratiques religieuses. C’est sur la base de tels arguments que la religion s’est vue écartée de la psychothérapie. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, la spiritualité n’a pas subi la même opposition. Nous devons à nouveau faire appel à une définition pour comprendre le phénomène. La spiritualité désigne ce qui est opposé à la matérialité, ce qui n’appartient pas au monde physique, mais qui est de l’ordre de l’esprit. Dans un ordre d’idées moins général, elle désigne la capacité de l’esprit humain à s’interroger sur le sens de l’existence ou, encore, sur la quête de sagesse, de bonheur, de perfectionnement, d’intériorité, d’unification de soi qui anime l’humanité depuis des millénaires. La spiritualité comporte aussi une référence à une réalité ultime. Comme le souligne Meslin : « la rencontre d’une altérité est le seul moyen de s’arracher à l’enfermement sur soi » (2002 : 1599). Dans la quête spirituelle, contrairement à la religion, l’Ultime n’est pas obligatoirement relié à une divinité ou à un être surnaturel. L’Ultime peut se poser comme une réalité humaine, comme une transcendance qui demeure immanente. De ce que nous venons de dire, il ressort que la spiritualité est une dimension de l’esprit humain indépendante des religions, même si elle trouve en elles une partie de son expression. En tant que catégorie de l’esprit, …

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