Au cours des dix dernières années, les questions liées aux technologies d’information et de communication (TIC) ont suscité de nombreux débats. Ces débats s’inscrivent dans un discours plus général sur les sociétés dites du savoir ou de l’information, selon lequel la capacité de produire et d’utiliser les connaissances, surtout celles qui sont de nature scientifique et technique, aurait remplacé l’accès aux matières premières et à l’énergie comme moteur de la croissance économique. On parle aussi de plus en plus de sociétés en réseaux, dans la mesure où les affiliations sociales fluides et contingentes seraient en voie de remplacer les identités collectives plus permanentes ancrées dans un espace physique et une mémoire commune. Parce qu’elles donnent accès à la fois à des sources quasi-illimitées d’information et à des réseaux sociaux qui transcendent les barrières géographiques, les technologies d’information et de communication occupent une place centrale dans ce discours. Elles feraient désormais partie des compétences de base essentielles à la réussite scolaire, à l’exercice d’un emploi et, de façon plus générale, à l’inclusion sociale et à l’exercice de la citoyenneté dans la société du savoir. C’est en tenant compte de ces débats que nous avons réalisé, au cours des cinq dernières années, trois recherches sur l’utilisation des technologies d’information et de communication par les francophones en situation minoritaire au Canada. La première portait sur les jeunes de la fin du secondaire (Denis et Ollivier, 2002) dans des écoles francophones de quatre régions de l’Ontario (Ottawa, Est, Toronto et Nord). La seconde, réalisée en collaboration avec la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises et Industrie Canada, portait sur l’utilisation d’Internet par les groupes de femmes francophones en situation minoritaire au Canada (Ollivier et Denis, 2002). Dans la troisième, nous avons utilisé les données de l’Enquête sociale générale 2000 de Statistique Canada pour analyser les différences dans l’accès et l’usage entre les hommes et les femmes et, en considérant seulement les femmes, selon la langue d’usage à la maison, le revenu et l’éducation (Denis et Ollivier, sous presse). Nous rendons compte ici des deux dernières recherches, qui portent principalement sur les femmes. Tous les travaux réalisés au cours des dix dernières années sur l’accès aux technologies d’information et de communication et sur les usages qui en sont faits arrivent à des conclusions similaires (voir Fong et al., 2001, pour un survol récent des enquêtes canadiennes et américaines). De façon générale, l’accès à l’ordinateur et à Internet reproduit assez fidèlement les sources habituelles d’inégalités sociales. Au Canada et ailleurs dans le monde, les recherches montrent des différences persistantes, tant en ce qui concerne l’accès à la technologie que l’intensité et la diversité des usages, selon le revenu, l’éducation, l’âge, la composition du ménage (familles biparentales par rapport aux monoparentales), la région (urbaine/rurale), la langue d’usage (anglais/français) et la province de résidence (l’Est étant en général moins branché que le Centre et l’Ouest du pays). Les recherches montrent également que l’écart numérique a considérablement diminué au cours des années, notamment entre les femmes et les hommes de même qu’entre francophones et anglophones. Dans notre analyse des données de l’Enquête sociale générale de Statistique Canada, nous avons cherché, premièrement, à déterminer jusqu’à quel point l’écart numérique persiste entre les sexes de même qu’entre francophones et anglophones et, deuxièmement, à identifier certains des facteurs responsables de ces écarts. Notre analyse indique, d’une part, que les femmes continuent à être moins nombreuses que les hommes à avoir accès à un ordinateur et à Internet à la maison et, d’autre part, qu’un écart similaire persiste entre femmes francophones et anglophones. Quand on examine les différences d’accès à l’ordinateur et à …
Parties annexes
Bibliographie
- Castells, Manuel. 1996. The Rise of the Network Society, vol. 1, Cambridge, Mass. : Blackwell Publishers.
- Denis, Ann et Michèle Ollivier. Sous presse. «How wired are Canadian women? The intersection of gender, class and language with the use of New Information Technologies» in A New Wave: Women and Research Across the Disciplines, Andrea Martinez and Meryn Stuart (eds.). Toronto, Sumach Press.
- Denis, Ann et Michèle Ollivier. 2002. «Nouvelles technologies d’information et de communication: accès et usage chez les jeunes filles et garçons francophones en Ontario», Revue Francophonies d’Amérique, no. 12, automne : 37-49.
- Duque, Nina. 1998. Recherche sur les impacts des nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) dans les groupes de femmes du Québec: difficultés et potentiel. Montréal, Relais-Femmes.
- Fong, Eric, Barry Wellman, Melissa Kew and Rima Wilkes. 2001. «Correlates of the Digital Divide: Individual, Household and Spatial Variation», en ligne à http://www.chass.utoronto.ca/~wellman/publications/index.html, consulté en septembre 2002.
- Mohanty, Chandra Tapalde. 1997. «Under Western Eyes: Feminist Scholarship and Colonial Discourses», in Anne McClintock, Aamir Mufti and Ella Sohat, Dangerous Liaisons: Gender, Nation, and Postcolonial Perspectives, Minneapolis & London, University of Minnesota Press: 255-277.
- Ollivier, Michèle et Ann Denis. 2002. Les femmes francophones en situation minoritaire au Canada et les technologies d’information et de communication. Rapport préparé pour la Fédération nationale des femmes canadiennes françaises et Industrie Canada, mars.
- Séguin-Noël, Rosalie et Rosaire Garon. 2000. Les pratiques culturelles des jeunes de 15 à 35 ans en 1999. Québec, Ministère de la Culture et des Communications, en ligne à http://mcc.quebectel.qc.ca/Mcc/ClinStat.nsf/theme?OpenView.