La coopération française travaille depuis plus de vingt ans à la définition de son périmètre économique, enjeu essentiel pour les entreprises coopératives. En l’absence d’un compte satellite de l’économie sociale et solidaire (ESS), elle s’est organisée, avec les pouvoirs publics et les acteurs de l’ESS, en définissant un périmètre « élargi » qui prend en compte le « coeur coopératif » et les filiales des coopératives. Le mouvement coopératif est confronté aux divergences de périmètres économiques entre les acteurs français et l’Observatoire national de l’ESS, lieu de convergence de la mesure et de l’observation de l’ESS. Cet article retrace les grandes étapes et les coulisses de la construction du périmètre coopératif tel qu’il est défini par Coop FR, organisation représentative du mouvement coopératif français. Il propose également des pistes de progression pour une meilleure visibilité des entreprises de l’ESS et des coopératives en particulier. Le mouvement coopératif travaille depuis les années 1990 à la définition de son périmètre économique, en partenariat avec les pouvoirs publics et les acteurs de l’ESS. « Pour peser, il faut pouvoir se compter », répète-t-il depuis des années. Peser dans l’objectif de défendre les spécificités coopératives, d’avoir accès aux mêmes dispositions que les entreprises classiques en faveur du développement et de la création d’entreprise, de pouvoir se comparer avec les autres pays et les concurrents au niveau européen et mondial. Peser, enfin, pour promouvoir un modèle d’entreprise démocratique. La production de données chiffrées est un enjeu technique, statistique et politique pour les coopératives, comme pour l’économie sociale et solidaire. Elle est même « un moyen essentiel pour [les] faire reconnaître par les pouvoirs publics et par l’homme de la rue » (Archambault, 2006). La reconnaissance aujourd’hui des coopératives par les pouvoirs publics est le fruit d’un long travail. Lors de l’élaboration de la loi relative à l’ESS, promulguée en juillet 2014, le mouvement coopératif a dû se positionner comme un important contributeur à l’économie du pays. Pendant deux ans, Coop FR ; organisation représentative de la coopération en France, et les familles coopératives ont coconstruit le volet coopératif de la loi avec le ministère et son cabinet. Ce fut un long travail de lobbying et d’acculturation au modèle coopératif car le mouvement coopératif est confronté à la méconnaissance de son modèle par le grand public et les autorités publiques mais également aux divergences internes à l’ESS en matière de périmètre économique. Celles-ci brouillent le message véhiculé par les coopératives auprès des autorités publiques – et du grand public. Le périmètre social des coopératives, tel qu’il est défini par Coop FR, s’est construit à partir de la réalité des coopératives et de la diversité de leurs activités, en prenant en compte à la fois le « coeur coopératif » et leurs filiales. Faute d’outils adaptés à l’observation de l’économie sociale, la coopération s’est organisée, dans un premier temps avec l’aide des autorités publiques et dans un second temps avec les acteurs de l’ESS eux-mêmes. Elle est confrontée aujourd’hui aux limites de l’exercice. L’économie sociale travaille à la construction d’un système statistique depuis les années 1980. Dès sa création, l’Association pour le développement de la documentation sur l’économie sociale (Addes) préconise la construction d’un compte satellite de l’économie sociale pour améliorer la connaissance de cet ensemble d’organisations et estimer son impact économique et social. Les travaux menés pour l’Addes par Edith Archambault et Philippe Kaminski confirment l’avantage du compte satellite « d’être articulé au cadre central de la comptabilité nationale, tout en utilisant des regroupements différents, des classifications plus fines et en ajoutant des tableaux ou des indicateurs pertinents » (Archambault, 2006). Les deux rapports au Conseil …
Parties annexes
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