Organisé par Ariádne Scalfoni Rigo, le IIIe Colloque international sur les monnaies sociales et complémentaires a eu lieu à l’université fédérale de Bahia, au Brésil, du 27 au 29 octobre 2015. Il a fait suite à celui de Lyon (en février 2011) et à celui de La Haye (en juin 2013), attestant de l’enracinement progressif de la recherche dans ce domaine émergent. La dynamique des travaux sur les monnaies associatives, telle qu’elle se retrouve dans ces colloques et telle que ceux-ci la modèlent au fil des années, peut être présentée par les quatre caractéristiques suivantes. Elle est, tout d’abord, fortement internationalisée. Au-delà de ce phénomène qui s’observe partout, cela peut s’expliquer, s’agissant des monnaies associatives, par la faiblesse des effectifs nationaux de chercheurs, qui rend nécessaire de dialoguer avec des chercheurs d’autres pays. On constate un élargissement significatif de l’intérêt et des travaux à cet égard au fil des années, mais l’objet reste marginal, quelle que soit la discipline concernée, et il semble y avoir une barrière académique difficile à franchir lorsqu’il est question de transformer un doctorat en poste d’enseignant-chercheur ou de chercheur. Une autre explication possible à la forte internationalisation tient au fait que ces expériences locales sont de fait inscrites dans un mouvement à l’échelle internationale. On peut aussi remarquer que les trois premiers colloques ont systématiquement prévu la présence de plusieurs langues, via l’interprétation simultanée de certaines sessions. Le coût des colloques en est d’autant plus élevé, mais cela permet de construire une communauté internationale de recherche non dominée par l’anglais, ce qui conduit à respecter davantage les catégories utilisées par les acteurs et par les chercheurs non anglophones. Deuxième caractéristique, les travaux mettent fortement l’accent sur ce que l’on appelle en France l’économie sociale et solidaire (ESS) : les monnaies associatives apparaissent comme des outils ou des vecteurs d’une telle économie. Le colloque de Salvador de Bahia était ainsi intitulé « Social currencies in social and solidarity economies : Innovations and development ». Dans les pays du Sud, c’est un croisement d’économie populaire et d’économie solidaire qui semble prévaloir. Troisièmement, les travaux réalisés sont rarement ancrés dans une seule discipline. Le dialogue pluridisciplinaire est la règle lors des colloques ; les publications elles-mêmes sont bien sûr plus marquées, mais restent généralement ouvertes aux autres disciplines. L’International Journal of Community Currency Research (IJCCR), seule revue dédiée à ces dispositifs, est par nature pluridisciplinaire. Enfin, la recherche n’est pas académique en soi : la réflexivité des acteurs participe de ces dynamiques et, de leur côté, les chercheurs développent rarement des approches déconnectées du terrain. C’est ainsi que les colloques organisés depuis 2011 ont systématiquement cherché à rassembler et à connecter acteurs et chercheurs. Cela ne va pas sans difficultés et tâtonnements quant aux formules pouvant permettre un réel dialogue – éviter que l’un ne prenne le pas sur l’autre et respecter les spécificités et les contraintes de chacun. A Salvador de Bahia, le choix s’est porté sur des ateliers parallèles mêlant des présentations de recherche classique et des « rapports d’expérience » réalisés par des acteurs, au risque de l’insatisfaction des uns et des autres. Les sessions plénières ont systématiquement articulé acteurs et chercheurs. Organisé au Brésil, où une centaine de banques communautaires de développement ont été mises en place depuis 2002, ce colloque a centré la discussion sur l’articulation entre monnaies sociales (c’est le terme le plus fréquemment employé au Brésil), microcrédit et lutte contre la pauvreté dans des territoires urbains (comme les favelas) et ruraux pauvres. L’expérience fondatrice du Banco Palmas a innervé le colloque, son représentant emblématique, Joaquim Melo, étant très présent. …
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Temps forts[Notice]
- Jérôme Blanc,
- François Doligez et
- Patricia Toucas-Truyen
Diffusion numérique : 10 mars 2016
Un document de la revue Revue internationale de l'économie sociale
Numéro 339, janvier 2016, p. 6–11
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