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Dans un article paru dans la Recma en 2003 [1], dans lequel elle analysait la faible présence des fondations en France au regard du foisonnement associatif, Edith Archambault rappelait que celles-ci n’avaient été dotées d’un statut juridique propre qu’en 1987 (loi du 23 juillet sur le développement du mécénat).
Dernières admises dans le périmètre juridique de l’économie sociale et solidaire (ESS), les fondations n’ont jusqu’alors guère été étudiées par les historiens. C’est dire l’intérêt du regard rétrospectif porté sur les trente ans d’existence de la Fondation Crédit coopératif par les deux auteurs [2] de cet ouvrage, qui permet de mieux cerner cette branche de l’économie sociale répandue dans les pays anglo-saxons, mais mal identifiée en France.
En raison de cette clarification juridique tardive, la Fondation Crédit coopératif a fonctionné sous un statut associatif depuis sa création en 1984 jusqu’à l’adoption de la loi du 4 juillet 1990, qui dote les fondations d’entreprise d’un statut de personnes morales de droit privé situé entre l’association et la fondation reconnue d’utilité publique.
La fondation nouvellement créée fédère alors plusieurs initiatives lancées par le Crédit coopératif au début des années 80, « activités extra-bancaires destinées à promouvoir la connaissance et la reconnaissance de l’économie sociale » (p. 15). L’ouvrage évoque les témoins et les acteurs de ces temps héroïques du renouveau polymorphe de l’ESS, notamment les grandes figures du Crédit coopératif, Jacques Moreau, André Chomel et Jean-Bernard Gins, qui se démenaient dans des domaines aussi divers que la coopération internationale (fondation des caisses de crédit Kafo Jiginew au Mali), le sauvetage de la Revue des études coopératives (REC), devenue Recma en 1986, et la création de l’Association pour le développement des données sur l’économie sociale (Addes).
Ce mécénat éclectique, à caractère social ou culturel, n’a cessé ensuite de se développer grâce à l’établissement de très nombreux partenariats, dont témoigne l’index figurant à la fin de l’ouvrage. La Fondation Crédit coopératif a mis en place des pratiques de mécénat qui font son originalité, tels les mécénats croisés (sur deux domaines d’intervention : culture et solidarité, sport et handicap) ou de proximité (acteurs complémentaires au service d’une cause commune). Habitat participatif, développement durable, promotion de la citoyenneté, restauration du patrimoine de l’ESS sont autant de thématiques depuis longtemps investies par la fondation, sans compter l’organisation du prix de l’initiative en ESS, qui permet de pérenniser des activités présentant une utilité sociale incontestable.
L’ouvrage remplit évidemment son rôle mémoriel, ce qui exclut une appréciation distanciée des choix opérés par la fondation. Sa qualité informative et sa présentation soignée font cependant qu’il mérite d’être diffusé et lu en dehors de la nébuleuse coopérative, car il illustre efficacement, aux sens propre et figuré (par de nombreuses photographies), ce qu’est une fondation et à quoi elle sert.