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  • Boris Marañón-Pimentel,
  • Saïd Ahrouch,
  • Nicole Alix et
  • Michel Dreyfus

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  • Boris Marañón-Pimentel
    Instituto de Investigaciones Económicas, Université nationale autonome de Mexico

  • Saïd Ahrouch
    Université Ibn Zohr

  • Nicole Alix

  • Michel Dreyfus

En Amérique latine, la crise environnementale et épistémologique qui affecte à la fois l’autorité de l’Etat et les rapports sociaux de sexes a engendré, à partir de diverses pratiques sociales, un projet de société alternatif à la société capitaliste, s’abritant sous le terme « progrès-développement ». Il s’agit du « bien-vivre » (buen vivir), qui évoque l’organisation de relations de réciprocité et de complémentarité entre les individus et avec la nature. Ce concept repose sur la conviction que le capitalisme, fondé sur des relations moyens-fins, sujet-objet, entre les individus et la nature, entraîne un double mouvement : l’un tourné vers la modernité, la construction de la vie sociale sur des bases égalitaires, l’autonomie individuelle, la solidarité et les luttes regardant vers l’avenir ; l’autre, vers la colonisation, puisque durant les cinq derniers siècles nous avons vu comment le capitalisme, avec ses principales institutions – Etat-cité, marché-entreprise-travail salarié, famille patriarcale, emprise technologique sur la nature, connaissance scientifique rationaliste-positiviste, entre autres aspects – a hiérarchisé la population mondiale à partir de l’idée de races supérieures et de races inférieures. Ainsi, tandis que la modernité nous parlait de l’extension des droits fondamentaux, la colonisation nous disait que cette situation n’était possible que pour une petite partie de la population mondiale. Le « bien-vivre » est donc un projet de société alternatif, né des mouvements indigènes latino-américains. Il soutient que la vie sociale doit être réorganisée à partir du respect de la nature, laquelle doit être considérée comme un être vivant, comme un sujet ayant droit à la reproduction, ainsi qu’à la compensation et à la restauration lorsqu’elle est endommagée. Ce même principe de réciprocité, selon lequel la Terre est la maison commune, doit s’étendre aux relations sociales, afin d’établir des rapports d’égalité entre les sexes et des relations interculturelles sans hiérarchisation des savoirs, scientifiques et non scientifiques. Il doit également inspirer le rapport à la nature, introduire l’autogestion dans les relations politiques et, finalement, imposer des relations de réciprocité visant à la démarchandisation du travail. Le « bien-vivre » ne prône pas le retour au passé dans une perspective fondamentaliste, mais la rencontre et la synthèse de deux façons de vivre, l’une moderne, au sens d’émancipation humaine que lui ont donné les révolutionnaires français, et l’autre indigène, qui repose sur le travail solidaire et une relation sujet-objet avec la nature. Cela implique de réfléchir à une société rationnelle du point de vue du coeur, à partir d’une rationalité non instrumentale. Ce projet, qui a orienté les nouvelles constitutions de la Bolivie et de l’Equateur, a suscité des débats entre différents courants, comme les courants développementaliste, étatiste ou encore décolonial, dans lequel je m’inscris. En même temps, cette vision suppose une nouvelle conception épistémologique et ontologique de la vie sociale et de l’histoire. Les sciences sociales dominantes, qui ont naturalisé l’européocentrisme, comme le dit Wallerstein , ne permettent pas en effet de proposer un autre sens, une autre histoire et une société alternative, détachée du rationalisme, du positivisme, de l’évolutionnisme et du dualisme. Selon notre approche, la théorie de la colonialité du pouvoir, élaborée par le sociologue péruvien Anibal Quijano, ouvre la voie à une théorie critique non européocentriste qui permet non seulement d’« impenser » (selon le terme de Wallerstein), mais aussi de décoloniser les sciences sociales et la société elle-même . N.B. : Le numéro 337 de juillet 2015 de la Recma comportera un dossier consacré à l’ESS dans divers pays d’Amérique latine. La faculté des sciences juridiques, économiques et sociales relevant de l’université Ibn Zohr d’Agadir, au Maroc, a organisé un colloque international sur le thème « Les entreprises coopératives : …

Parties annexes