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Le salaire de la confiance : l’aide à domicile aujourd’hui, Florence Weber, Loïc Trabut et Solène Billaux (dir.). Editions Rue d’Ulm, décembre 2013, 368 pages[Notice]

  • Michel Abhervé

Cet ouvrage est le résultat d’un travail collectif dirigé par Florence Weber, Loïc Trabut et Solène Billaux, auquel ont participé de nombreux chercheurs. Il nous apporte un regard très large sur un secteur d’activité dont le potentiel de création d’emplois est largement mythifié. Il illustre à quel point la réalité est plus complexe que les images qui en ont été promues : il permet de rendre compte de la réalité du métier, en particulier à travers la publication d’un journal de bord d’une professionnelle qui décrit avec précision et pertinence son activité au quotidien, mettant bien en évidence la parcellisation du travail. Les auteurs donnent des éléments de compréhension des conséquences du choix des pouvoirs publics. Ceux-ci, au moment du plan Borloo, ont déstabilisé le secteur, le faisant passer pour une large part du champ social au plan marchand. Un certain nombre d’acteurs associatifs ont tenté de « rationaliser » leurs pratiques, avec un succès très inégal, mais des conséquences sensibles dans la dégradation des conditions de travail des salariées du secteur. Ces derniers subissent une pression pour que la dimension relationnelle du travail passe au second plan et que soit privilégiée l’exécution d’une prestation mesurable. L’apport principal de l’ouvrage, dont les décideurs feraient bien de s’inspirer, est de montrer la difficulté à développer un secteur sans que les questions du travail, de ses conditions, de son organisation et de sa rémunération ne soient au coeur de la démarche. La relation de confiance entre la personne aidée et l’aidant, pierre angulaire du développement de l’aide à domicile, est incompatible avec une approche fondée sur la rationalisation inspirée du modèle industriel de l’organisation du travail. Les auteurs nous montrent comment la faible valorisation des salariés, dont il n’est pas neutre qu’il s’agisse presque exclusivement de femmes, reflète une conception dominante considérant que les aides à domicile sont avant tout des personnes chargées du ménage et de l’entretien et où la dimension relationnelle du travail est ignorée, alors que c’est elle qui fonde l’activité et conditionne son développement. Cet ouvrage montre également tout l’intérêt de recherches coordonnées sur une thématique comme celles-ci, qui ont été effectuées avec le soutien de la mission Recherche de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère des Affaires sociales et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Cependant, il conduit en même temps à s’interroger sur le sens pour les pouvoirs publics d’impulser des recherches et de les financer pour, finalement, tenir si peu compte de leurs enseignements dans la conception des politiques publiques…