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L’ouvrage présente une évaluation de l’expérimentation du microcrédit personnel, prêt plafonné à 3 000 euros, mis en oeuvre avec un accompagnement personnalisé depuis 2005. Le dispositif, impliquant un partenariat entre un établissement de crédit (Caisse d’épargne, Crédit mutuel) et une association (Secours catholique, Croix-Rouge française) ou un service social, a déjà bénéficié à plus de 44 000 personnes exclues des services bancaires.
Promue après la crise des banlieues, la solidarité à l’origine du prêt est ici, par différence avec la microfinance dans les pays du Sud, largement sollicitée par l’Etat (le Fonds de cohésion sociale garantit les prêts à 50 %). Après différentes expérimentations à l’échelle régionale, le microcrédit a fait l’objet d’une première définition légale en 2010 et l’étude sur laquelle l’ouvrage est basé vise à accompagner les décisions d’orientation du dispositif.
L’évaluation est de grande ampleur et articule des enquêtes quantitatives auprès de 2 000 personnes, ainsi que des entretiens qualitatifs complémentaires. D’aucuns regretteront, en référence aux débats autour des expérimentations aléatoires, l’absence de contrefactuel permettant de démontrer les résultats issus de l’étude. Mais s’agissant d’une action complexe aux multiples effets, l’enquête illustre l’intérêt de cette combinaison entre qualitatif et quantitatif pour accompagner l’innovation socio-économique et enrichir le référentiel des intervenants afin d’orienter les modalités de sa généralisation ou de son inscription dans les politiques publiques.
De fait, les effets du microcrédit ne se limitent pas à l’insertion professionnelle, mais touchent à de nombreux domaines – emploi (ou employabilité), insertion sociale, conditions de logement, cohésion familiale, santé, situation budgétaire, estime de soi, inclusion bancaire –, analysés sous forme de scores (p. 38). Bien au-delà des « belles histoires » (storytelling) souvent réductrices, l’étude insiste sur l’effet « coup de pouce » (changer des pneus, financer une formation, etc.) qui améliore la situation des emprunteurs : près de quatre sur cinq considèrent que le microcrédit a eu un impact significatif sur leur situation.
Paradoxalement, le domaine où l’impact est le plus faible correspond à l’inclusion financière (p. 66). Derrière ce constat, le risque existe de voir s’amplifier la coupure entre le circuit du microcrédit relevant de la responsabilité sociale et le traitement commercial du client par les banques, alors que le dispositif aurait pu être utilisé comme une source d’apprentissage face à des publics particuliers. Si les banques commerciales participent très faiblement au dispositif, les banques coopératives y sont peu présentes. Seules les Caisses d’épargne échappent à ce constat, en raison du dispositif « Parcours confiance », mis en place afin de répondre à une obligation légale (p. 79) – ce qui fait conclure aux auteurs que, sans cette dernière, l’implication des établissements bancaires demeure illusoire.
L’étude soulève également le problème de l’accompagnement (chapitre 5), dont l’absence peut aggraver les situations rencontrées. Derrière cette fonction présente depuis l’évaluation de la demande jusqu’au remboursement du prêt, se posent des problèmes d’organisation et de disponibilité (pour les bénévoles), de formation et de continuité de l’appui – ce que les auteurs rassemblent sous l’enjeu de la « professionnalisation ». Mais, au-delà de la prise en charge de cette fonction, c’est le « modèle économique » du microcrédit personnel qui est posé : produit au sein d’un marché à développer, nouvelle aide sociale ou expression de la solidarité (p. 126) ? Les auteurs en passent en revue les facteurs explicatifs (financiarisation des rapports sociaux, articulation entre l’économique et le social, rentabilité illusoire) et rappellent le rôle joué par l’instrument comme outil de l’action sociale et effort de la communauté pour maintenir sa cohésion et apporter un soutien à ses membres en difficulté à partir de mécanismes et d’acteurs issus de l’économie.
Sans ignorer les risques et les dérives à la « mise en marché » de l’action sociale (cas de collectivités exigeant un refus de microcrédit avant l’octroi de certaines aides sociales, p. 132), les auteurs suggèrent que le microcrédit ne peut se traiter sous forme d’un produit marchand (au risque de reproduire les difficultés d’accès du crédit classique) ou uniquement social (ce qui induirait rapidement son rationnement). La piste évoquée est donc de promouvoir de nouvelles formes de solidarité, sous forme de « subventions croisées » (modèle « à la Robin des bois »), à l’origine de l’économie sociale et solidaire. Si l’hypothèse permet de coupler logiques publique et privée tout en évitant l’appropriation privée de fonds publics, elle passe pour les auteurs par la refonte du Fonds de cohésion sociale, sans doute nécessaire, mais, au niveau de l’ouvrage, peu approfondie dans cette perspective.
En résumé, un ouvrage accessible, bien illustré entre graphiques de données et extraits d’entretiens, utile à la formation des acteurs du microcrédit, mais peut-être aussi à la réflexion des professionnels de la banque comme des travailleurs sociaux.