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Solidaridad económica y potencialidades de transformación en América latina, una perspectiva descolonial, Marañón-Pimentel Boris (ed.). Clacso, Buenos Aires, 2012, 326 p.[Notice]

  • François Doligez

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  • François Doligez
    Iram, université de Rennes-1

A l’origine de cet ouvrage, un groupe de travail du Clasco  amené à réfléchir sur l’économie sociale en Amérique latine dans une perspective de pensée « postcoloniale ». Il illustre le regain d’intérêt porté sur les expériences de solidarité économique par diverses sensibilités des « nouvelles gauches latino-américaines » et se propose de rompre avec les schémas d’analyse hérités de la pensée néolibérale des années 80-90 sur l’économie informelle où, faute d’analyse critique du capitalisme et de prise en compte des rapports de pouvoir, les inégalités sont légitimées et les travailleurs marginalisés convertis en « pauvres ». Les questions posées sont ambitieuses. Est-il possible de penser une économie alternative sans politique et subjectivité distinctes ? Quelle est la part de l’économie solidaire dans un projet de transformation sociale ? Quelles sont les conséquences théoriques de l’intégration de ces expériences à un projet de transformation sociale ? Les contributions proposées s’inscrivent dans la continuité des travaux pionniers de Luis Razeto (christianisme social), de Paul Singer (marxisme hétérodoxe) et de José Luis Coraggio (inspiré par l’anthropologie substantiviste de Mauss et Polanyi) et veulent se différencier d’une approche jugée trop euro-centrée. Il ne s’agit pas seulement de penser l’organisation d’une économie alternative, mais de s’inscrire, en intégrant les relations de pouvoir dans la perspective ouverte par le sociologue péruvien Anibal Quijano, dans un cadre d’analyse « descolonial ». Le chapitre introductif de Boris Marañón- Pimentel propose une critique épistémologique des sciences sociales, qui, en se réclamant universelles, ont imposé leur perspective à sa périphérie. Les catégories du « système-monde » appréhendé par Emmanuel Wallerstein sont étendues à l’Amérique latine et seuls quelques auteurs, à l’instar du Péruvien Mariategui, ont développé au début du xx e siècle leurs propres théories, comme le « socialisme indo- américain », basé sur l’ayllu, ou communauté indigène andine, et reposant sur la socialisation des moyens de production. L’approche « descolonial » veut remettre en cause les fondements raciaux des structures sociales et politiques hérités de la conquête coloniale à l’origine de la construction des Etats-nations. Son champ est constitué par l’ensemble des dimensions de l’existence sociale où s’exercent des relations de pouvoir (domination, exploitation, conflit). Il s’agit du travail, des rapports de genre, de l’autorité collective (ou publique), du rapport à la nature (ou l’environnement) et de la subjectivité (ou l’estime de soi). Dans chacune de ces dimensions, la démarche se réclame d’une posture éthique engagée par le bas (ou populiste), en s’attachant à la prise en compte de la réalité sociale dans sa totalité. Les différentes contributions déclinent ce cadre d’analyse sur l’une ou l’autre des perspectives et, à partir de différents ancrages nationaux, soulignent l’intérêt ou les limites de l’approche proposée. Pedro Ivan Christoffoli et Henrique Novae mettent par exemple en discussion la manière d’aborder proposée avec les théories marxistes et s’interrogent sur l’expérience brésilienne d’économie solidaire. Leur hypothèse consiste à rejeter le marxisme orthodoxe et doctrinaire du socialisme réel pour retenir la démarche et les outils d’analyse sociale issus de la théorie marxienne et repris par les mouvements sociaux au Brésil. Face à la critique du centralisme bureaucratique, c’est l’émergence d’organisations sociales autogérées – coopératives et associations – qui est posée, tout en questionnant sur ses limites en l’absence de transformation sociale plus radicale du macrocosme. Derrière les approches de l’économie solidaire brésilienne, c’est la prédominance des approches micro-sociales, la mise en perspective insuffisante de l’aliénation du travail, l’absence de prise en compte des critiques du marxisme concernant l’autogestion et l’attitude conciliatrice vis-à-vis de la lutte des classes qui sont critiquées. L’économie sociale est perçue comme un outil pacificateur déconnecté des autres conflits sociaux …

Parties annexes