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L’économie sociale et solidaire, terra incognita des économistes ?[Notice]

  • Philippe Frémeaux

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Pourquoi les économistes – hormis ceux qui en ont fait leur spécialité – s’intéressent-ils si peu à l’économie sociale et solidaire ? Y compris ceux qui ne se satisfont pas du monde tel qu’il est ? C’est pour tenter d’apporter une réponse à ces questions que nous avons réalisé une série d’entretiens fin 2012, à l’initiative du Labo de l’ESS et de l’Institut CDC pour la recherche, auprès d’économistes reconnus dans le champ académique et actifs dans le débat social (voir annexe). Certains, parmi ces universitaires et chercheurs, travaillent ou ont travaillé sur l’ESS. D’autres, majoritaires au sein de l’échantillon, non. Ces derniers ont néanmoins accepté de se prêter à un exercice inhabituel pour ceux de leur profession : répondre de manière spontanée, sans préparation préalable, à des questions concernant un domaine qui n’est pas celui dont ils sont spécialistes. Qu’ils soient ici remerciés d’avoir bien voulu jouer le jeu et d’avoir ainsi rendu possible la réalisation de cette enquête. Celle-ci s’est concentrée sur trois points  : évaluer la connaissance spontanée de l’économie sociale et solidaire au sein de notre échantillon, identifier la vision du rôle remplie par celle-ci et, enfin, analyser si le peu d’intérêt marqué pour ce champ n’était pas lié également à la façon qu’ont les économistes d’appréhender la réalité. Les économistes interrogés ont tous proposé une définition de l’économie sociale et solidaire (ESS), dont la diversité reflète les débats internes à celle-ci. La majorité d’entre eux définit cependant les organisations de l’ESS à travers leurs statuts, qui les opposent aux sociétés de capitaux. Le lien entre statut et objet social est également souligné par nombre d’entre eux. Blanche Segrestin explique ainsi que l’économie sociale et solidaire renvoie à un ensemble d’organisations qui « visent dans le champ économique à traiter des enjeux sociaux et environnementaux ou à avoir des modes de fonctionnement solidaires ou égalitaires ». De même, Jézabel Couppey-Soubeyran décrit un secteur dont les objectifs « seraient beaucoup moins orientés vers la maximisation du profit et beaucoup plus vers la satisfaction des besoins ». Son de cloche voisin chez Florence Jany-Catrice, pour qui l’ESS rassemble d’abord « des organisations qui réfléchissent à leur finalité et qui le font dans un cadre à lucrativité limitée ou sans lucrativité ». Quant à Jean-Michel Servet, il considère que « l’économie solidaire se caractérise par le fait que l’on n’achète pas tel ou tel type de produit, on n’emploie pas les gens de telle ou telle façon, on ne finance pas telle ou telle chose sans se poser un certain nombre de questions et sans se les poser de manière collective ». Dominique Plihon, pour sa part, veut y voir un secteur qui « cherche à appliquer et à défendre des valeurs de solidarité et de partage et aussi une autre vision du développement et de la croissance ». Mais l’ESS peut également se définir en quelque sorte en creux, à l’image d’un secteur venant en complément du privé capitaliste et de l’économie publique. Daniel Cohen la voit comme « un secteur qui se développe entre ce que l’on appelle classiquement le marchand et le non-marchand […], en sachant que cela mord sur les deux ». Idem pour Pierre-Alain Muet, qui voit dans l’ESS « à la fois l’économie coopérative (en incluant les mutuelles) et une économie qui échappe partiellement au marché ». François Fourquet rappelle qu’en son temps « Jacques Delors proposa de la nommer “tiers secteur” ». La référence à d’autres manières de faire fonctionner l’économie, d’organiser les échanges est également mentionnée par certains. André Orléan fait ainsi d’emblée allusion aux systèmes d’échanges …

Parties annexes