L’année 2012, décrétée Année internationale de la coopération, a célébré les coopératives associant des valeurs sociales aux objectifs économiques. Mais qu’en est-il vraiment ? Différents rapports, dont celui de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) en octobre dernier, ont souligné le rôle essentiel des coopératives pour l’accès des petits producteurs aux marchés et la lutte contre l’exclusion. De nombreuses manifestations internationales, dont le colloque « L’étonnant pouvoir des coopératives » au Québec, comme celui sur « La diversité et la durabilité des modèles coopératifs agricoles » de Paris, ont étudié les situations, analysé les processus, confronté les expériences en mobilisant coopératives, pouvoirs publics, chercheurs non seulement pour mettre en exergue l’intérêt de ces formes d’organisation collective, mais aussi pour identifier les conditions de réalisation de leurs projets dans une dimension économique, environnementale et sociale. Ce numéro de la Recma propose de revenir sur certaines des problématiques abordées lors du colloque international de Paris sous l’égide de l’Inra, de la Société française d'économie rurale (Sfer), de l’Essec et de Coop de France les 6 et 7 novembre 2012, à travers la confrontation d’expériences de coopératives dans les « Sud » et plus précisément leur action dans un contexte politique difficile. Les coopératives sont-elles des outils d’émancipation et, si oui, à quelles conditions ? Comment les coopératives mettent-elles en oeuvre leurs valeurs et leurs principes coopératifs ? Plusieurs raisons nous ont conduits à opérer cette sélection d’articles parmi la trentaine de communications présentées. D’une part, le peu d’études disponibles sur ces pays abordant les coopératives dans des environnements politiques conflictuels et de niveau de développement économique différent nous semblait apporter un autre regard sur ces entreprises. D’autre part, les enseignements de ces expériences convergent pour souligner un faisceau de faits stylisés communs, alors que les conditions sociales de ces pays sont dissemblables. Enfin, le fait que, loin de présenter un caractère exotique des « Sud », ces articles soulèvent des questionnements qui rejoignent ceux présents dans les « Nord » et offrent ainsi une vision transversale des enjeux des coopératives. Ces expériences sont riches d’enseignement pour les acteurs et les chercheurs, mais intéressent aussi les décideurs publics. Niccolò Mignemi nous propose une étude de la réutilisation des biens confisqués aux mafias par les coopératives siciliennes du projet Libera Terra. Replaçant le processus dans un temps long, ces coopératives sociales se réapproprient les terres qu’elles exploitent au bénéfice des producteurs. L’auteur réinterroge le rôle de ces dernières comme outils de développement local à travers l’exemple de la Placido Rizzotto, pionnière de la province de Palerme. La valorisation des terres au moyen d’une agriculture de qualité, bio et de terroir s’opère via des filières structurées, donnant lieu au label « Libera Terra ». La lutte contre le modèle économique de la mafia met en valeur les coopératives en tant qu’espaces d’émancipation. Mignemi souligne aussi le rôle volontariste des politiques publiques. L’article de François Doligez s’interroge sur l’action de la fédération des coopératives au Nicaragua comme outil de développement. Alors que le contexte politique est dominé par la prise de pouvoir des gouvernements issus de la nouvelle gauche latino-américaine, en quelques années la fédération qui regroupe les coopératives agricoles a été confrontée à de grandes difficultés, dont la chute des effectifs. Comment expliquer ce paradoxe ? Fort d’une expérience de recherche participative amorcée dès les années 80 et d’un plan stratégique (2011-2014) auprès d’organisations de producteurs agricoles nicaraguayennes, l’auteur interroge la façon de concilier performance économique et développement solidaire des agriculteurs. Outils d’émancipation, les coopératives permettent de lutter contre les vulnérabilités, en devenant des outils de transition d’une économie sociale à une …
Les coopératives agricoles des « Sud » : quels enseignements pour les « Nord » ?Introduction[Notice]
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Maryline Filippi
Université de Bordeaux, Inra SAD
maryline.filippi@agro-bordeaux.fr