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Le cadre juridique de l’entreprise non capitaliste, clef de distinction entre l’entreprise sociale et l’entreprise d’économie sociale et solidaire ?[Notice]

  • David Hiez

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Le droit français, comme la plupart des droits nationaux, connaît depuis le xix e siècle des traditions distinctes de, voire opposées à, l’entreprise capitaliste. Petit à petit, le droit a fourni un cadre juridique à ces entreprises originales. Ce n’est toutefois que depuis une trentaine d’années qu’un rapprochement s’est opéré entre les différents mouvements d’acteurs. En droit français, cela s’est réalisé sous le concept d’économie sociale. L’émergence de l’économie solidaire a conduit à parler d’économie sociale et solidaire (ESS). Avec les entreprises d’insertion par l’activité économique est apparue l’entreprise sociale. Il ne s’agissait à l’origine que d’innovations conceptuelles sans traduction juridique, du moins en France. Depuis quelques années, toutefois, un mouvement en faveur de l’entreprise sociale y a émergé, suscitant d’importants débats théoriques et une redistribution des acteurs. Parallèlement, la consécration de l’économie sociale au niveau européen, notamment sous l’influence française, adopte aujourd’hui le vocable d’entreprise sociale. Les enjeux conceptuels proviennent des difficultés d’acclimatation d’un concept issu de la tradition anglo-saxonne  et donc de la crainte de l’acculturation par intégration de raisonnements d’autres traditions culturelles . Le droit présente l’avantage de fournir une base précise à l’observation et d’éclairer ainsi le débat sans procès d’intention. Nous commencerons donc par exposer les définitions fournies par le droit pour les divers vocables, puis nous esquisserons un bilan des comparaisons possibles. D’un côté, il apparaîtra ainsi que l’entreprise sociale telle qu’elle se déploie progressivement en droit européen se situe dans la continuité des traditions continentales, tout en les actualisant et en favorisant l’inclusion des autres traditions qui composent le paysage européen. D’un autre côté, pourtant, cela risque de faire perdre à la tradition française certains de ses aspects structurants, ou du moins de les faire passer au second plan . En France, la définition juridique de l’ESS s’appuie essentiellement sur deux références : la loi de 1947 portant statut de la coopération, qui intègre depuis 1985 l’union d’économie sociale, et le décret n° 81-1125 du 15 décembre 1981 créant une délégation interministérielle à l’économie sociale . L’article 19 bis de la loi de 1947 définit ainsi les membres de l’union d’économie sociale : des sociétés coopératives, des mutuelles régies par le Code de la mutualité, des organismes de mutualité agricole, des sociétés d’assurance à forme mutuelle, des société d’assurance mutuelle et unions de mutuelles régies par le Code des assurances, des associations déclarées régies par la loi du 1er juillet 1901 ou par les dispositions applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des unions ou fédérations de ces sociétés ou associations. Par-delà l’inventaire technique des structures concernées, on retrouve les trois piliers reconnus de l’économie sociale statutaire : les coopératives, les mutuelles et les associations. Figure une absente dont on sait qu’elle est controversée : la fondation. Il est en effet discuté de savoir si elle entre ou non dans l’économie sociale (et solidaire) . La définition de l’union d’économie sociale fournit une orientation à la réponse, mais prend garde de ne pas être rigide. Il est en effet permis aux statuts de prévoir l’extension de la liste légale. En outre, il faut préciser que la liste de l’article 19 bis ne constitue pas l’alpha et l’oméga des membres de l’union d’économie sociale, plus ouverte sur les entreprises capitalistes ou les personnes publiques, mais le cercle des groupements qui doivent détenir 65 % des droits de vote. Leur ancrage dans l’économie sociale statutaire s’illustre en dernier lieu par leur forme impérativement coopérative. Selon l’article 3 du décret du 15 décembre 1981, « la délégation interministérielle à l’économie sociale qu’elle institue a pour mission d’aider au développement des …

Parties annexes