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Le financement solidaire à l’épreuve de la crise financièreExemple pratique en milieu immigré africain[Notice]

  • Rovier Djeudja

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  • Rovier Djeudja
    Département des sciences de gestion, université de Yaoundé-II, Cameroun
    Enseignant, Iseg de Strasbourg
    rovier80@yahoo.fr

En France, comme partout dans le monde, les populations dans leur ensemble ont vécu avec difficulté la crise financière, qui est loin d’être terminée. Cette crise financière commencée en 2008 a eu, associée à la crise économique et sociale, un impact considérable chez les immigrés africains. Cette étude, menée auprès des associations dites tontinières basées à Strasbourg, interroge les transformations de ce mode d’organisation solidaire face à cette situation de crise. L’une des particularités, pour ne pas dire l’un des effets, de cette crise est la restriction de l’offre de crédit, conséquence des énormes pertes réalisées par les banques. En France, la pauvreté monétaire est encore plus importante chez les personnes issues de l’immigration. Une étude comparative du calcul du taux de pauvreté monétaire des ménages immigrés et non immigrés, réalisée par l’Insee en 2001, montre que 15 % des ménages immigrés étaient considérés comme pauvres, contre 5,6 % seulement pour les ménages non immigrés, et que 18 % des personnes vivant dans un ménage immigré appartenaient à un ménage pauvre . Les immigrés constituent le groupe ayant le plus de difficultés à accéder aux différents services financiers proposés par les banques classiques en France. Le fait d’être pauvre monétairement et de ne pas disposer d’un patrimoine suffisant, nécessaire à la constitution d´un cautionnement garantissant l’accès au crédit, renforce la pauvreté chez les immigrés. Ainsi, 57 % d’entre eux ont un patrimoine inférieur à 15 000 euros . Bien entendu, bon nombre d’autres facteurs entrent en considération pour l’obtention d’un crédit bancaire formel, justifiant l’exclusion bancaire et financière des migrants. Une étude menée en juin 2006 par l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) relève également que seuls 10 % des créateurs d’activité immigrés ont recours à l’emprunt bancaire, contre 18 % pour l’ensemble des créateurs . Face à cette situation de pauvreté monétaire et d’exclusion bancaire et financière, la tontine apparaît chez les immigrés africains comme un moyen alternatif de financement, mis en oeuvre pour parer aux différentes difficultés. Si le mot « tontine » provient du nom de son inventeur, le banquier italien Lorenzo Tonti (1653), les principes de la tontine africaine importée en Europe sont différents de ceux définis par Tonti. La tontine n’est pas un produit financier, mais une association collective d’épargnants qui mettent en commun des fonds pour une durée librement choisie . En Afrique, la tontine se présente sous des formes différentes d’un pays à l’autre , d’une région à l’autre, en milieu rural et en milieu urbain. Elle prend la dénomination tchwa ou njangui dans la région Bamiléké, au Cameroun, ce qui signifie « cotiser » ou « mettre en commun, regrouper ». Fondées sur l’adage selon lequel « Une seule main ne peut attacher un paquet », les tontines se sont développées et diversifiées. En ville, nous pouvons distinguer  : des tontines de personnes originaires d’un même village, appelées « réunions générales » ; des tontines de « famille » regroupant des personnes originaires d’un même quartier du village ; des tontines d’élites du même village (intellectuels et personnes matériellement aisées) ; des tontines de personnes originaires d’un même village et résidant dans le même quartier de la ville ; des tontines d’amis ou d’anciens d’un établissement scolaire, etc. La tontine occupe une place importante dans de nombreuses sociétés africaines. Elle constitue un moyen d’épargner et de financer des projets. Comme en Europe, sa présence et ses pratiques pallient les insuffisances des banques. L’objet des tontines peut être varié. Il peut s’agir d’argent – on parle alors en Europe de finance solidaire –, de travail (réciprocité d’entraide matériel et pratique), etc. …

Parties annexes