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  • Patricia Toucas-Truyen

Depuis la promulgation du plan Fillon, à l’été 2011, l’exaspération grandit dans le monde mutualiste, accablé par l’avalanche des mesures gouvernementales visant à résorber les déficits publics. La pétition lancée par la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) contre le doublement de la taxe sur les contrats santé, « Un impôt sur notre santé, c’est non ! », a rassemblé plus d’un million de signatures. Ce nouvel impôt indirect, qui touchera quelque 38 millions de mutualistes, devrait rapporter à l’Etat environ 2,2 milliards d’euros . La tension entre les mutuelles et le gouvernement est encore montée d’un cran avec la création d’un secteur optionnel, dont le principe avait été adopté par le Parlement lors des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012. Avec ce dispositif, les chirurgiens, les anesthésistes et les gynécologues-obstétriciens de secteur 2 (secteur des honoraires libres) s’engageant à réaliser au moins 30 % de leurs actes au tarif de la Sécurité sociale pourront pratiquer des dépassements d’honoraires sur les autres actes, dans la limite de 50 % des tarifs conventionnels. Or ces dépassements devront être intégralement pris en charge dans le cadre des contrats dits « solidaires et responsables », afin que ceux-ci puissent continuer à bénéficier d’une fiscalité avantageuse. Les mutuelles ont vivement réagi, non seulement parce que la complémentaire santé représente près de 90 % de leur chiffre d’affaires, mais aussi parce qu’en tant qu’experts et gardiens vigilants de la protection sociale, elles dénoncent depuis des années l’effet inflationniste des dépassements d’honoraires sur les dépenses de santé. Etienne Caniard, le président de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), estime que « le nouveau secteur sera totalement inefficace pour limiter les dépassements. Il risque même de créer un effet d’aubaine, les médecins pratiquant des dépassements faibles étant incités à les augmenter, sachant qu’ils seront pris en charge  ». Une fois de plus, la protestation mutualiste contre ce qui semble être une nouvelle concession faite aux logiques libérales a été relayée au niveau syndical. Un communiqué commun signé par la Mutualité française et sept centrales syndicales (CFDT, CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Unsa) appelle « les candidats à la présidentielle à placer l’accès aux soins au coeur du débat public, et [propose] comme première mesure d’urgence d’encadrer strictement les dépassements d’honoraires et d’ouvrir immédiatement des négociations avec les acteurs concernés ». La création du secteur optionnel tend surtout à se décharger sur les mutuelles de la question sensible des dépassements d’honoraires, qui ont doublé en vingt ans, tout en épargnant les susceptibilités des médecins libéraux. Cette catégorie du corps médical aura été ménagée par tous les gouvernements depuis la publication en 1927 de la Charte de la médecine libérale, adoptée en opposition à la création du premier dispositif public d’assurances sociales (lois de 1928 et 1930). Ce nouveau secteur risque d’aggraver le caractère de plus en plus inégalitaire de l’accès aux soins, notamment pour les quatre millions de Français qui ne peuvent souscrire à un contrat mutualiste, faute de ressources suffisantes. En 2000, le système de santé français avait été classé au premier rang mondial par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), alors qu’il subissait déjà depuis deux décennies l’érosion des mécanismes solidaires qui avaient prévalu à sa construction. Douze ans après, il n’est plus guère possible d’affirmer qu’il s’agit du meilleur système au monde. Alors que la crise de 1929 avait incité les gouvernements occidentaux à renforcer la protection sociale en tant que facteur de relance économique, celle de 2008 a accéléré la réduction des dépenses publiques de santé et, concomitamment, les transferts de charge …

Parties annexes