Revue de droit de l'Université de Sherbrooke
Volume 52, numéro 3, 2023 Numéro spécial sur la réforme du droit de la famille
Sommaire (8 articles)
Avant-propos
Allocution d’ouverture
Conférence d’ouverture
Articles
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Plurifiliation et multiple parentage : réflexions de droit comparé
Régine Tremblay
p. 623–656
RésuméFR :
Dans cet article, j’aborde la multiple parentage et la plurifiliation dans une perspective de droit comparé. Le droit québécois ne reconnaît pas ces relations parents-enfant et les projets de loi nos 2 et 12 n’abordent pas la plurifiliation. Depuis la première reconnaissance formelle de multiple parentage par la Cour d’appel de l’Ontario en 2006, plusieurs provinces canadiennes ont légiféré pour encadrer cette configuration familiale. Ces lois exigent généralement un nombre de parents, une entente écrite avant la conception et peuvent préciser les modalités de conception de l’enfant. Récemment, les tribunaux ont même octroyé des statuts parentaux dans des unions polyamoureuses, et ce, en l’absence de règles ou en cas de nonrespect de celles-ci. Mes objectifs dans cet article sont nombreux : repenser la manière de nommer une configuration familiale en droit civil; apprendre de l’expérience canadienne des quinze dernières années; suggérer une plus grande ouverture à l’idée d’intégrer dans la réforme du droit de la famille des règles à l’égard des nouvelles configurations familiales, même des configurations familiales toujours non envisagées; et présenter certaines avenues afin de les inclure en droit civil québécois.
EN :
In this article, I analyze multiple parentage and plurifiliation from a comparative law perspective. Quebec civil law does not recognize these parent‑child relationships and Bills 2 and 12 do not include plurifiliation. Since the first formal recognition of multiple parentage by the Ontario Court of Appeal in 2006, several Canadian provinces have legislated to regulate this family configuration. These laws generally require a number of parents, a written agreement before the conception and may specify the terms of conception of the child. Recently, courts have even granted parental status in polyamorous unions, in the absence of rules or in the event of non-compliance with them. My objectives in this article are numerous: to rethink the way of naming a family configuration in civil law; to learn from the Canadian experience of the last fifteen years about multiple parentage; to suggest greater openness to the idea of integrating rules into the reform of family law with regard to new family configurations, even family configurations still not considered; and to present certain avenues in order to include them in Quebec civil law.
ES :
En este artículo, examino la múltiple parentalidad y la plurifiliación desde una perspectiva de derecho comparado. La legislación de Quebec no reconoce estas relaciones padres-hijos y los proyectos de ley nros. 2 y 12 no abordan la filiación múltiple. Desde el primer reconocimiento formal de la parentalidad múltiple por parte del Tribunal de Apelación de Ontario (Cour d’appel de l’Ontario) en 2006, varias provincias canadienses han legislado para regular esta configuración familiar. Estas leyes generalmente requieren un determinado número de progenitores, un acuerdo escrito previo a la concepción y pueden especificar las modalidades de concepción del niño. Recientemente, los tribunales incluso han otorgado un estatus parental en las uniones poliamorosas, en ausencia de normas o en caso de incumplimiento de estas. Mis objetivos en este artículo son varios: repensar la forma de denominar una configuración familiar en el derecho civil; aprender de la experiencia canadiense de los últimos quince años; sugerir una mayor apertura a la idea de integrar en la reforma del derecho de familia normas con respecto a las nuevas configuraciones familiares, incluso aquellas aún no contempladas; y presentar algunas formas de incluirlas en el derecho civil de Quebec.
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L’invisibilité persistante des parents de même sexe en droit familial québécois
Robert Leckey
p. 657–684
RésuméFR :
Adopté en 2022, le projet de loi no 2 modifie le Code civil du Québec pour, entre autres, mieux respecter les droits fondamentaux des personnes trans et non binaires. L’expression « ou les parents » s’ajoute à plusieurs reprises à celle des « père et mère ». Or, le projet de loi no 2 ne corrige pas l’absence des couples de parents de même sexe du titre sur l’autorité parentale, bien que leur reconnaissance soit assurée depuis 2002 lorsqu’il est question de la filiation et de la déclaration de naissance. En outre, le projet de loi no 2 abroge une mention explicite, dans le Livre sur les personnes, de la possibilité qu’un enfant ait deux pères ou deux mères. Compte tenu de l’expérience des communautés lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans, queer et autres (LGBTQ+) et de leur sensibilité concernant les enjeux de la visibilité et de la juste reconnaissance, le gouvernement aurait dû agir avec un meilleur doigté, de façon mieux inclusive et respectueuse. D’ailleurs, au lieu de consacrer la formule des « père et mère ou les parents », le législateur aurait pu retenir une solution de rechange plus appropriée et conforme aux normes rédactionnelles du Code civil.
EN :
Passed in 2022, Bill 2 amends the Civil Code of Québec, among other things, in order to better respect the fundamental rights of trans and non-binary persons. The words “or the parents” have been inserted in several places alongside the words “father and mother”. But Bill 2 did not correct a gap concerning the recognition of parents of the same sex – provided since 2002 in provisions regarding filiation and birth registration – in the Title on parental authority. Furthermore, Bill 2 repealed an explicit acknowledgement, in the Book on persons, of the possibility for a child to have two fathers or two mothers. Given the experience of LGBTQ+ communities and their sensitivity about visibility and appropriate recognition, the government should have acted more sensitively, in a more inclusive and respectful way. Instead of entrenching the formulation of “father and mother or the parents”, the legislative drafters could have used an alternative, more fitting wording, one more in keeping with the Civil Code’s drafting norms.
ES :
Aprobado en 2022, el proyecto de ley n° 2 modifica el Código Civil de Quebec para, entre otras cosas, lograr un mayor respeto de los derechos fundamentales de las personas trans y no binarias. La expresión «o los padres» se añade en varias ocasiones a la de «padre y madre», sin embargo, el proyecto de ley n° 2 no remedia la ausencia de las parejas de padres del mismo sexo en el tema de la patria potestad, a pesar de que su reconocimiento está garantizado desde 2002 cuando se trata de filiación y registro de nacimientos. Asimismo, el proyecto de ley n° 2 deroga una referencia explícita, en el Libro de las personas, de la posibilidad de que un niño tenga dos padres o dos madres. Dada la experiencia de las comunidades de lesbianas, gais, bisexuales, trans, queer y otras (LGBTQ+) y su sensibilidad ante las cuestiones de visibilidad y reconocimiento justo, el gobierno debería haber actuado con más tacto, inclusión y respeto. Vale decir, en lugar de consagrar la fórmula de «padre y madre o los padres», el legislador podría haber optado por una alternativa más adecuada que se ajustara a las reglas de redacción del Código Civil.
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La recomposition familiale en droit québécois : des propositions de réforme à la Loi de 2022, une reconnaissance réduite à peau de chagrin
Clémence Bensa et Michelle Giroux
p. 685–728
RésuméFR :
La recomposition familiale concerne un nombre accru d’enfants au Québec. Le droit peine à encadrer cette dynamique familiale polymorphe. Ce texte analyse les recommandations du rapport du Comité consultatif sur le droit de la famille de 2015 sur cette question et montre qu’elles ont été réduites à peau de chagrin dans la réforme du droit de la famille de 2022. Cela s’explique par la difficulté d’encadrer la complexité de la recomposition familiale, mais également par le fait que le législateur refuse de reconnaître plus de deux parents à un enfant et d’octroyer un rôle parental à un adulte si les deux parents sont présents. La Loi 2 maintient le rôle du beau-parent à celui de parent de substitution pendant la vie commune. Une place plus importante lui est accordée au moment de la rupture de l’union recomposée, quoique toujours conditionnée à la reconnaissance d’un lien significatif avec l’enfant et sans octroi d’attributs parentaux. La Loi 12 n’a apporté aucun autre changement sur ce point.
EN :
A growing number of children in Quebec live in stepfamilies. The law struggles to regulate this polymorphic family dynamic. This text analyzes the recommendations in the 2015 report of the Advisory Committee on Family Law on this issue and demonstrates that those recommendations have been substantially watered down in the 2022 Family Law reform. This is due to the challenge involved in addressing the complexity of stepfamily relationships, but also to the fact that the legislator refuses to recognize more than two parents to a child and to grant a parental role to another adult in the case of a two-parent family. The 2022 amendments (Bill 2) limit the role of the stepparent to that of a surrogate parent during the community of life. A more important position is afforded to the stepparent at the time of the break-up of the stepfamily, but only if there is a significant bond with the child and without the granting of attributes of parental authority. The 2023 amendments (Bill 12) made no further changes on this point.
ES :
La reconstitución familiar atañe a un número cada vez mayor de niños en Quebec. Al derecho le cuesta regular esta dinámica familiar polimorfa. Este artículo analiza las recomendaciones formuladas en el informe de 2015 de la Comisión Consultiva de Derecho de Familia (Comité consultatif sur le droit de la famille) sobre esta cuestión y demuestra que estas se redujeron cual piel de zapa en la reforma del derecho de familia de 2022. Esto se explica por la dificultad para regular la complejidad de la recomposición familiar, pero también por el hecho de que el legislador se niega a reconocer más de dos progenitores para un niño y a conceder una función parental a un adulto si ambos progenitores están presentes. La Ley 2 mantiene el papel del padrastro o de la madrastra como el de padre sustituto durante la convivenci. Un papel más importante se le otorga al momento de ruptura de la unión reconstituida, aunque siempre condicionado al reconocimiento de un vínculo significativo con el niño y sin que se le concedan atribuciones parentales. La Ley 12 no introdujo ningún otro cambio a este respecto.
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L’animal de la famille : un sujet sensible
Michaël Lessard et Marie-Andrée Plante
p. 729–793
RésuméFR :
L’animal de la famille se trouve dans l’angle mort de deux réformes récentes, soit celles du droit animalier et du droit familial. Ce désintérêt signifie-t-il que l’animal doit être considéré, au sens de la loi, comme un bien de la famille parmi tant d’autres? N’est-il pas – du moins aux yeux des justiciables – quelque chose de plus? Cet article propose d’y voir plus clair en examinant les règles actuelles du droit des familles et l’ensemble de la jurisprudence publiée depuis 1980 qui aborde la situation d’un animal en contexte de séparation – observant que les juges se concentrent sur le titre de propriété de l’animal pour en attribuer la garde, une approche fondée sur la propriété. Or, cette approche semble maintenant en décalage avec la récente reconnaissance juridique des animaux comme êtres vivants doués de sensibilité et ayant des impératifs biologiques prévue à l’article 898.1 du Code civil du Québec. Cet article soutient alors que, en contexte de séparation, l’animal de la famille doit voir sa garde attribuée aux personnes le mieux à même de respecter sa sensibilité et de satisfaire ses impératifs biologiques. Ceci peut impliquer une garde partagée. Sous cette approche fondée sur la sensibilité, le paradigme du droit de la propriété et des droits subjectifs doit être délaissé en faveur du paradigme de l’administration du bien d’autrui et des pouvoirs juridiques afin de penser la relation entre l’animal et l’être humain en ayant la garde.
EN :
Family companion animals find themselves in a legislative dead angle after the adoption of two recent reforms, namely the reforms of Animal Law and Family Law. Does this lack of interest mean that animals must be considered, in the eyes of the law, simply as a family asset among others? Are they not – at least in the eyes of litigants – something more? This article seeks to shed some light on this issue by examining the current rules under Family Law and the body of case law published since 1980 that deals with the situation of a companion animal in the context of separation – observing that judges focus on the title to the animal in order to award custody, a property-based approach. However, this approach now seems out of step with the recent legal recognition of animals as sentient beings with biological needs, as provided for in Article 898.1 of the Civil Code of Québec. It is argued here that, in the context of separation, the custody of family companion animals should be granted to the person best able to respect their sentience and satisfy their biological needs. This may involve shared custody. Under this sentience-based approach, the paradigm of property and subjective rights must be abandoned in favour of the paradigm of the administration of the property of others and legal powers to re-think the relationship between animals and their custodian.
ES :
El animal de compañía permanece en el punto ciego de dos reformas recientes, la del derecho animal y el derecho de familia. ¿Significa esta falta de interés que el animal debe ser considerado, a la luz del derecho, como un bien de familia entre otros? ¿No es –al menos a los ojos de los justiciables– algo más? Este artículo propone una visión más clara examinando las normas actuales del derecho de familia y toda la jurisprudencia publicada desde 1980 que aborda la situación de un animal en el contexto de una separación, considerando que los jueces se centran en el título de propiedad del animal para conceder la custodia, un enfoque basado en la propiedad. Sin embargo, este enfoque parece ahora desfasado con el reciente reconocimiento legal de los animales como seres vivos dotados de sensibilidad y con imperativos biológicos en virtud del artículo 898.1 del Código Civil de Quebec. En efecto, este artículo establece que, en caso de separación, la custodia del animal de compañía debe otorgarse a las personas más capaces de respetar su sensibilidad y satisfacer sus imperativos biológicos. Esto puede implicar la custodia compartida. Según este enfoque basado en la sensibilidad, debe abandonarse el paradigma del derecho de propiedad y los derechos subjetivos en favor del paradigma de la administración de los bienes ajenos y las facultades legales para pensar en la relación entre el animal y el ser humano que tiene su custodia.